Heidi Hollinger

Heidi Hollinger : Une Québécoise photographe en chef de la Pravda

Il y des pays où n’importe quoi peut arriver, le meilleur comme le pire, et la Russie est l’un de ceux-là. Après trois ans d’études russes à l’Université McGill, Heidi Hollinger, 26 ans, était déjà tombée sous le charme de l’âme slave. Mais elle ne se doutait pas que les Russes l’aimeraient autant en retour. Et si vite.

Après une exposition de ses photographies d’hommes politiques, à Moscou, où elle réside depuis deux ans, la jeune femme vient de se voir confier la lourde tâche de diriger le service de photo du plus célèbre des quotidiens russes, la Pravda. On gros bond quand on travaille au McGill Daily, un journal étudiant, et qu’on n’a pas d’expérience significative en journalisme.

À Moscou, à partir de janvier 1996, elle dirigera cinq photographes et aura la responsabilité de mettre un peu de vie dans les pages d’un journal qui a rudement besoin d’un « face lift ».

Pour 500 dollars par mois, un salaire assez spectaculaire dans la Russie post-communiste.

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« C’est arrivé très vite, explique la jeune fille, résidante de Westmount. J’étais connue comme photographe pigiste parce que j’ai fait beaucoup de photos de personnages publics. Mais parce que je suis une femme, jeune et que j’ai beaucoup de facilité à socialiser, je crois qu’on ne me prenait pas très au sérieux. Mon exposition, en juin 1995, a changé cela ».

La jeune photographe, il est vrai, a osé bien des choses qu’un Russe n’aurait pas faites. Comme d’intégrer, par exemple, une photo du bouillant leader d’opposition Vladimir Jirinovski, couché dans une pose langoureuse qui manque singulièrement de classe et vêtu seulement d’un boxer. Elle a aussi rencontré et photographié des fascistes russes, généralement peu hospitaliers envers la presse locale.

Après avoir été identifiée à la presse « progressiste » et avoir été mise au ban par les réactionnaires, le général déchu Alexandre Routskoi, ennemi juré de Boris Eltsine, lui a quand même demandé, récemment, de faire les photos officielles en vue de la sortie de son prochain livre.

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Mais surtout, le sens inné des relations publiques, dont Heidi Hollinger semble naturellement dotée, l’a fort bien servie; après avoir assisté au vernissage de son exposition du mois de juin, un journaliste russe a écrit qu’il avait suffisamment de députés à l’événement pour obtenir le quorum parlementaire.

Dans la vie publique moscovite, à la direction du département de photo d’un ex-journal de propagande d’État maintenant soutenu financièrement par des Grecs (!) et où l’histoire s’écrit presque jour après jour, elle est toutefois consciente que ses nouvelles fonctions ne seront pas de tout repos.

Et si tout devait basculer encore une fois dans ce pays « qu’on aime tout de suite à cause de l’âme ou qu’on déteste, parce qu’on n’y comprend rien », il lui resterait quand même cette arme contre laquelle les Russes semblent incapables de trouver une parade : son charme.

(Cela se passait au janvier 1996
).

Heidi Hollinger
Heidi Hollinger et Gorbatchov, dernier président de l’URSS. Source de la photo : Site Web de Heidi Hollinger.

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