Anatole Desfossés aurait guéri par la simple pensée
Cas unique de pratique illégale de la médecine devant le juge Archambault
Après avoir écouté le plaidoyer de Me Lucien Gendron et le réquisitoire Maître Ariste Brossard, pendant tout l’après-midi d’hier, le juge Édouard Archambault, a décidé d’ajourner au 25 novembre, fête de la Sainte-Catherine, son jugement sur le procès de J.-Anatole Desfossés, accusé de pratique illégale de la médecine par le Collège des Médecins de la province de Québec. À l’ouverture de l’audience, Maître Gendron déclara qu’il n’avait pas de témoins à faire entendre pour la défense, et il commença aussitôt son plaidoyer. Après avoir rappelé son objection préliminaire au procès à savoir que l’accusation mentionnait plusieurs délits, Maître Gendron demanda au tribunal s’il s’agissait d’un ou de plusieurs délits, puis déclara que l’exercice de la médecine est une pratique continue. Ici l’avocat de la défense expose :
Peu importent les livres produits, les exhibits. Ils ne constituent pas la pratique illégale de la médecine sur la personne du témoin Georges Rémillard. Nous devons donc nous demander si Desfossés a pratiqué illégalement la médecine en disant à son visiteur de porter des bottes, lorsque ce dernier lui déclara souffrir de rhumatismes. Je prétends qu’il n’y a ni consultation, ni traitement dans cette affirmation, Il n’y a pas, non plus, de diagnostic. J’insiste sur la première visite de Rémillard, parce que les deux autres sont insignifiantes. Desfossés s’est contenté de dire à son visiteur : « Je penserai à vous ». Cela constitue-t-il un traitement ? Je prétends que non, et les thaumaturges et les bonnes âmes font de même, sans pour cela être accusés de pratique illégale de la médecine. Et que des masseurs ? Il y en a trois cents dans notre ville, ce qui n’offusque pas ces messieurs du Collège des Médecins.
Maître Gendron précise ce qu’est la pratique de la médecine et soumet au tribunal que rien, dans la preuve, ne ressemble à la définition donnée par le Statut. Puis il souligne :
Inspirons-nous des lois françaises. Dellos déclare que les suggestions sans imposition des mains ne constituent pas la pratique illégale de la médecine. Une seule fois aux États-Unis, je crois, un magistrat a condamné pour avoir traité d’après la méthode Coué. Mais, dans la plainte devant le tribunal, il faut la preuve absolue de consultation, traitement et diagnostic. Si ces éléments manquent, l’accusation doit tomber. Les livres produits sont des hors-d’œuvre amusants, et, s’ils ne sont pas rattachés à Rémillard, ils ne valent rien comme preuve.
Avant de reprendre son siège, Maître Gendron donna au tribunal la jurisprudence qui suit pour appuyer ses prétentions : C.C.C. Page 217, Rex versus Whalen ; 4-C, C.C. Page 416, Rex versus Lee ; 71-C. C.C. Page 382, Rex versus Rooney & Hébert ; 60-C, B.R. Page 1, affaire Lesage. Puis la défense de conclure :
Si la consultation médicale s’applique à l’individu qui dit : « Mettez des bottes »,, je dois échouer, et c’est bien ravaler le diagnostic que de l’attribuer à celui qui dit à un visiteur : « Vous avez une jambe plus courte que l’autre ». L’esprit de la loi est de protéger le public. Si Desfossés a dit à Rémillard qu’il penserait à lui, quel mal a-t-il pu lui faire ?
Maître Brossard expose :
Pendant mon réquisitoire, il sera souvent question des guérisons de Desfossés. Qu’il soit bien compris que la poursuite N’entend pas par là admettre ces guérisons. Nous sommes des plus sceptiques à l’endroit du pouvoir de guérir de l’inculpé. Il n’est pas non plus question, dans la présente cause de miracle. Le miracle ne se présume pas, la bonne fois se présume toujours, soit en droit civil, soit en droit criminel. Jusqu’à preuve du contraire, on doit tenir que le prévenu est de bonne foi lorsqu’il prétend avoir le pouvoir de guérir, mais la poursuite tient à déclarer ici qu’elle n’a pas foi aux pouvoirs de l’inculpé, que les faits mentionnés dans la preuve n’ont rien de miraculeux et que la bonne foi se présume toujours.
Ceci posé, continue Maître Brossard, les faits de la cause établissent-ils la culpabilité du prévenu ? Il est accusé de pratique illégale de la médecine….
Récapitulons la preuve faite. Desfossés tient bureau, plusieurs bureaux ; il a de nombreux employés, tient des fiches où sont inscrites les maladies de ses patients, leur progrès, leur développement. Il donne la liste des personnes guéries par lui et publie une revue mensuelle intitulée : « Au bureau », dans laquelle il se prévaut de ses nombreux succès. Il est clair que Desfossés fait état ou profession de guérir. Cette pratique de la médecine par le prévenu est suffisante pour entraîner sa condamnation, mais il est pratique d’étudier davantage l’article 44 de la loi médicale de Québec pour prouver que tous les éléments de la pratique illégale ont été prouvés devant ce tribunal.
(Ce cas a été vu par la Cour de la province de Québec en novembre 1940).
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