La plus grande catastrophe du port de Montréal
Le port de Montréal a été, à la fin de la nuit dernière, le 16 juin 1932, le théâtre d’une catastrophe sans précédent dans les annales maritimes de notre ville. On ignore encore exactement le nombre de morts, mais on croit qu’il approche la trentaine. Des pompiers ont péri ainsi que leur chef. De malheureux membres d’équipage ont trouvé une mort affreuse alors qu’ils reposaient à l’intérieur de leur vaisseau.
Durant la nuit, le feu s’est déclaré à bord du pétrolier Cymbeline, en réparation à la cale flottante de Maisonneuve. Des explosions ont suivi.
Des pompiers qui travaillaient à éteindre les flammes ont été projetés dans le brasier sur le bateau et ont péri, pendant que le chef de la brigade des pompiers, M. Raoul Gauthier, était précipité dans une vingtaine de pieds d’eau, d’où on ne l’avait pas encore retiré à midi.
On savait d’une manière certaine, à midi, que le chef des pompiers et trois des hommes de la brigade avaient perdu la vie.
On ignorait quel était le nombre exact des personnes qui se trouvaient à l’intérieur du navire lors du désastre. Selon certains, il y avait seize marins, mais une haute autorité du port dit qu’il s’y trouvait 23 personnes, comprenant des marins et des ouvriers, qui auraient tous trouvé la mort.
Sur le navire, à l’arrière, on a fait une horrible découverte. On a trouvé une main d’homme dont il ne restait plus que la peau et les ongles. Tout l’intérieur de la main avait été enlevé, il restait une espèce de gant formé par de la peau humaine. On peut imaginer dans quel état on retrouvera probablement les corps de certaines des victimes et comment l’identification sera alors difficile.
À midi, des pompiers venaient de descendre à l’intérieur du Cymbeline, mais ils n’ont pu encore procéder aux recherches des cadavres, vu qu’il y avait encore dans la cale environ 6 pieds d’eau.
Lors de la décoration des tombes des pompiers, morts au champ d’honneur, cérémonie qui s’est déroulée hier après-midi dans les cimetières catholique et protestant, le chef Raoul Gauthier, directeur du service des incendies, une des victimes de la catastrophe de ce matin, prononça ces paroles qui quelques heures plus tard se réalisèrent à la lettre:
« Nous saluons aujourd’hui ceux de nos camarades qui sont morts en accomplissant leur devoir et dans l’exercice de leur terrible métier. Notre tour viendra ; peut-être ce soir, peut-être demain.
Nous devons donc toujours être prêts. Notre devoir nous le commande, l’engagement que nous avons pris est formel. »
Douze heures plus tard, le chef Raoul Gauthier était le premier avec trois de ses hommes à donner l’exemple du devoir accompli jusqu’à la fin.
(La Presse, le 17 juin 1932).
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