Condamnation du député Chaloult : Le tribunal «condamne sans hésitation» le discours prononcé par M. René Chaloult; mais, en tenant compte «du doute possible», il décide de libérer l’accusé
Me René Chaloult, député de Lotbinière à l’Assemblée législative, a été acquitté, ce matin (3 août 1942), de l’accusation d’avoir violé les règlements de la défense nationale dans un discours prononcé, le 19 mai dernier, au marché Saint-Jacques. Le juge Édouard Archambault, de la Cour des sessions, tout en condamnant le discours de Me Chaloult, comme étant une violation de l’article 39 des règlements de la défense, a déclaré qu’il fallait tenir compte des circonstances particulières dans lesquelles les paroles avaient été prononcées et également du doute possible sur la question de bonne foi.
«Le tribunal, a-t-il dit, condamne sans hésitation ce discours comme une violation de l’article 39 des règlements de la défense, mais en tenant compte de l’article 39b, des circonstances particulières et du doute possible sur la question de bonne foi, le prévenu est libéré des fins de la plainte.»
Une foule considérable a assisté au prononcé du jugement en la cour No 1 du nouveau palais de justice. Me René Chaloult était accompagné de ses avocats, Mes Fernand Choquette, député de Montmagny à l’Assemblée législative, Philippe Monette, ancien député de Laprairie à l’Assemblée législative et Marie-Louis Beaulieu, avocat de Québec. On remarquait également aux côtés de Me Chaloult, M. Maxime Raymond, député de Beauharnois-Laprairie aux Communes, Me Paul Gouin, chef de l’Action libérale nationale, M. André Laurendeau, secrétaire de la Ligue pour la Défense du Canada, Me Jean Drapeau, M. Philippe Girard, et une foule d’autres.
La plainte, déposée avec l’autorisation du procureur général du Canada et complétée par l’annexe d’un compte-rendu du discours reproché à l’inculpé, est ainsi conçue:
«Je suis informé, j’ai raison de croire et je crois véritablement qu’en la cité de Montréal, district de Montréal, le 19 mai 1942, René Chaloult a, en présence de plusieurs milliers de personnes, fait des déclarations et affirmations destinées et propres à causer de la désaffection à l’endroit de Sa Majesté, à nuire aux succès des armées de Sa Majesté, des armées de Puissances armées ou associées, à nuire au recrutement, à l’entraînement, à la discipline des armées de Sa Majesté, destinées et propres à nuire à la sécurité de l’Etat et à la poursuite efficace de la guerre, le tout à l’occasion et au cours d’un discours substantiellement rapporté à l’annexe des présentes; le tout en violation de l’article 39 des Règlements de la Défense du Canada.
«C’est pourquoi, étant dûment autorisé aux fins des présentes, je demande justice et je signe. C.W. CHARRON, «Membre de la Royale Gendarmerie à Cheval du Canada».
(Publié dans La Presse, le 4 août 1942)
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