
Situation des urgences des hôpitaux du Québec le 8 février 1999
Situation critique à Laval et dans les Laurentides
Bien que la crise de la fin de semaine se résorbe peu à peu, la situation était encore critique, hier, dans les urgences bondées des régions de Laval, des Laurentides et de Lanaudière.
« On est toujours en situation très critique. Il y a un encombrement important dans toutes les ressources hospitalières », dit Christiane Arbour, de la régie régionale des Laurentides, une région particulièrement touchée par les engorgements.
Dans les hôpitaux de Saint-Jérôme, Sainte-Agathe et Saint-Eustache, on tente par tous les moyens de se débarrasser des cas plus légers et de réduire les heures d’attente dans les urgences.
« On a essayé d’ouvrir des lits supplémentaires un peu partout dans les lieux disponibles des hôpitaux. La pression est maintenant beaucoup plus forte dans les unités de soins et la marge de manœuvre n’est pas plus grande qu’elle ne l’était en fin de semaine », dit Mme Arbour. Les urgences, par contre, sont beaucoup moins engorgées, avec des temps d’attente de « seulement » deux ou trois heures, en moyenne.
Dans les trois hôpitaux des Laurentides, pas moins de 113 lits et civières ont ainsi été dénichés ici et là pour désengorger les urgences. « Ce sont des patients qu’on ne peut pas envoyer en clinique privée ou dans les CLSC, des cas lourds », ajoute le Dr Arbour. La régie des Laurentides tentera d’établir un réseau de cabinets privés, cette semaine, afin de ne garder à l’hôpital que les patients qui ont besoin de soins médicaux importants.
La situation est aussi un peu moins dramatique à la Cité de la Santé de Laval, où 69 patients étaient alités aux urgences, pour une capacité de 36 civières. La régie régionale continue de demander aux Lavallois de se présenter aux cliniques médicales privées en cas d’urgence mineure, et d’avoir recours au service téléphonique Info-Santé qui offre, 24 heures par jour, de « judicieux conseils » à la population, notamment à ceux qui souffrent de grippe ou de gastroentérite.
La régie de Laval demande aussi aux cliniques privées de prolonger leurs heures d’ouverture pour soulager l’encombrement aux urgences de la Cité de la Santé, bien qu’aucune entente n’ait été prise de façon officielle. « Il n’est pas démontré que ce serait une aide parce que nous avons des cas lourds et que souvent, les patients dans nos urgences se sont déjà présentés en CLSC ou en clinique privée, qui n’avaient pas les moyens de les traiter », explique le porte-parole de l’hôpital, Jean Garneau.
Dans Lanaudière, « la situation est sous contrôle, mais demeure fragile dans les deux centres hospitaliers », dit Louise Massicotte, directrice générale de la régie régionale de Lanaudière. À Joliette, il y avait hier 33 patients alités pour une capacité de 18 civières, et à Repentigny, 37 pour 20 civières. Mme Massicotte attribue surtout cet encombrement à la pénurie d’infirmières, qui frappe d’ailleurs un peu partout au Québec.
La démission récente de six médecins au CLSC Le Méandre, à Le Gardeur, a peut-être eu un certain impact aux urgences de l’hôpital de Repentigny, croit sa directrice générale, Gisèle Boyer. Mais le problème est « multifactoriel », ditelle.
Enfin, la congestion des urgences pourrait être chose du passé dans le sud de Lanaudière lorsque le Centre hospitalier des Moulins sera construit, au coût de 150 millions, à Lachenaie. La régie attend avec impatience que le Conseil du Trésor débloque les crédits nécessaires à la concrétisation du projet, une vieille promesse de l’ancien premier ministre et député de L’Assomption, Jacques Parizeau.
« Les plans sont prêts, les professionnels sont engagés. Tout est en place. Pour démarrer, il ne nous faut plus que l’argent », dit Mme Massicotte. Les travaux devraient débuter au printemps et se terminer en 2002.
Les CLSC et les cliniques privées n’ont pas les moyens de soulager les hôpitaux
L’engorgement chronique des urgences du Québec serait beaucoup moins critique si les centres locaux de services communautaires (CLSC) et les cliniques médicales privées avaient les moyens d’offrir davantage de services de première ligne.
Les CLSC et les cliniques privées pourraient contribuer à soulager les hôpitaux des patients moins malades qui encombrent leurs salles urgences. Seuls les cas lourd; seraient traités à l’hôpital, expliqua Andrée Gendron, directrice générale de l’Association des CLSC et des CHSLD du Québec.
« En principe, si votre infant a un mauvais rhume ou que vous vous êtes tordu la cheville, vous devriez pouvoir vous rendre à votre CLSC pour une intervention mineure, dit-elle. Les CLSC devraient être ouverts sept jours par semaine et avoir des médecins en nombre suffisant pour ouvrir des uniques sans rendez-vous. »
À Laval, où l’engorgement des urgences de Cité de la Santé est un problème récurrent, le CLSC Sainte-Rose est le seul à offrir de services d’urgences mineures. En fin de semaine, le CLSC a été submergé de patients — pas moins de 137 — référés par la Cité de la Santé et les hôpitaux des Laurentides, déjà en crise.
« Il faut que la population puisse compter sur des ressources de première ligne de façon régulière », dit la directrice du CLSC Sainte-Rose, Marie Beauchamp. Son établissement, ouvert 16 heures par jour, est l’un des rares au Québec à offrir des services de radiologie et de prélèvements sanguins dans sa clinique d’urgence. « Si c’était étendu à plusieurs endroits à Laval, je suis certaine que ça pourrait réduire l’achalandage à l’hôpital. »
Responsables des soins à domicile, les CLSC devaient pourtant jouer un rôle important dans le cadre du virage ambulatoire. Mais il y a eu d’importantes compressions budgétaires et les sommes réallouées aux services de première ligne sont insuffisantes, dit Mme Gendron.
Les cabinets privés ont aussi un rôle à jouer, estime Mme Beauchamp. « À Laval, les cliniques de cabinets privés sont malheureusement moins accessibles, depuis quelques mois, parce que les médecins ont un certain choix quant à leurs heures d’ouverture », dit-elle.
Le problème, c’est que comme bien d’autres régions, Laval est aux prises avec un manque de médecins généralistes, souligne le président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laval, le Dr Claude Sauciez. Depuis 1993, le nombre d’omnipraticiens n’a pas augmenté — ils sont 224 — alors que la population, vieillissante, a augmenté d’une vingtaine de milliers.
Les départs à la retraite ont fait particulièrement mal : les médecins qui ont quitté ont laissé derrière eux des pratiques importantes, si bien que plusieurs patients, qui se sont retrouvés sans médecin de famille, aboutissent maintenant aux urgences.
Et comme le manque d’effectifs dans les cliniques privées force certaines d’entre elles à réduire leurs heures d’ouverture, l’accès aux services de première ligne à l’extérieur de la Cité de la santé en est réduit d’autant. « À ma clinique, on avait toujours été ouverts les soirs de fin de semaine, mais on doit fermer depuis l’été dernier, parce que sinon, ce sont toujours les mêmes qui travaillent », indique le Dr Saucier. Selon lui, la vingtaine de cliniques de Laval pourraient facilement accueillir de 25 à 30 omnipraticiens de plus.
Dans les corridors…
Si la situation s’était légèrement améliorée hier dans la couronne nord de Montréal, les urgences de l’île de Montréal et de Laval éprouvaient presque toutes de grandes difficultés.
Le taux d’occupation global des urgences atteignait 185 % à Montréal et 59 patients poireautaient sur leur civière depuis plus de 48 heures.
Plusieurs hôpitaux – Maisonneuve – Rosemont, Sacré-Cœur, Saint-Luc (CHUM), Hôpital général de Montréal, Royal Victoria, Fleury, Santa Cabrini, St. Mary et Cité de la santé de Laval — comptaient de deux à trois fois plus de patients que leur capacité théorique.
En Montérégie, la situation était plus calme dans l’ensemble, sauf à l’Hôpital du Haut-Richelieu, où cinq patients attendaient leur hospitalisation depuis plus de 48 heures.

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