Pour les marchands qui feront crédit aux femmes mariées
Ils devront prendre certaines précautions s’ils veulent se faire payer par le mari
Le marchand qui vend à la femme mariée quelques robes ou autres vêtements peut poursuivre le mari pour se faire payer. Toutefois, pour réussir, le marchand devra établir que la vente à la femme a été faite à la connaissance du mari, que les vêtements étaient nécessaires à la vie de la femme, qu’ils coûtaient un prix proportionné à la condition sociale des époux et que l’entrée dans les livres du marchand portait le compte au nom du mari.
C’est ainsi qu’en a décidé l’honorable juge Alfred Forest, de la Cour supérieure, en rejetant avec dépens l’action au montant de $115.80 intentée à M. Hébert-H. Court par M. Simon Baron, faisant affaires sous le nom et raison sociale de « Baron Dress Shop », à Montréal.
Il s’agit ici d’une action où le demandeur, c’est-à-dire le marchand, réclamait le prix d’un certain nombre de robes achetées par l’épouse maintenant décédée du défendeur. Selon le jugement, le mari et la femme vivaient séparés depuis 1937. La femme, qui travaillait comme serveuse de table chez « Child’s » à $6.50 par semaine, a acheté, en son nom personnel et hors la connaissance de son mari dont elle était d’ailleurs séparée de fait, onze robes, deux manteaux et un chapeau dans l’espace de six mois. Ces marchandises, d’un coût de $168, lui furent vendues sur sa simple représentation qu’elle travaillait pour gagner sa vie et qu’elle était parents d’une autre cliente de magasin. Elle paya quelques acomptes lorsqu’elle mourut laissant une balance de $115.
Le marchand poursuivit alors le mari en disant qu’il devait payer la balance puisqu’un mari est obligé selon la loi de donner à sa femme subsistance et vêtements. Le jugement rejette cette action.
« Attendu, dit-il, que pour réussir dans son action, il incombait au marchand d’établir que la vente de ces toilettes avait été faite à la connaissance du mari, étaient des vêtements nécessaires à la vie de sa femme, le prix proportionné à ses revenus, moyens de fortune, condition sociale et que l’entrée dans les livres avait été portée au compte du mari.
« Le marchand cherche à tenir le mari responsable pour ces vêtements achetés hors du connaissance pendant qu’il vivait séparé de consentement mutuel avec son épouse, occupait un domicile différent et n’avait plus avec elle aucune relation.
« Considérant que le crédit de ces marchandises a été accordé à l’épouse pendant qu’elle travaillait pour son compte personnel, n’étaient pas nécessaires à la vie, mais étaient plutôt des toilettes de luxe d’un prix exagéré si l’on tient compte du fait que son salaire n’était que de $6.50 par semaine en outre de ses repas, tandis que son mari gagnait $85 par mois et devait pourvoir à la subsistance et éducation de sa petite fille ;
« Considérant qu’une femme séparée de corps et occupant un domicile différent de celui de son mari qui n’a aucune communication avec cette dernière, ne peut sans son autorisation spéciale, acheter des vêtements ou toilettes pour un montant considérable dépassant ses moyens, son état et sa condition sociale en le rendant responsable de cette transaction ; (Morgan vs Vibert, 1906, 15 B.R. 407).
« Considérant que les cas de cette nature, il incombe toujours au créancier qui cherche à faire déclarer l’époux, vivant séparé de sa femme, responsable des dettes assumées par cette dernière, de faire la preuve de certains faits démontrant que ce dernier était au courant de ces transactions et a promis de payer ; (Gladstone vs Slayton, 1912, 3 D.L.R. 27).
Ayant failli dans cette preuve nécessaire, le marchand se voit donc débouté et son action est rejetée.
N. 180563 C.S. Mtl. Mes. Hague, Heney et Hague pour la défense.
(Sentence dictée le 27 octobre 1939).
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