La famille Jones et le coup de hache sur un agent
Garçon de dix-sept ans accusé aux Assises de tentative de meurtre
Après le sensationnel acquittement d’Archibald Scott, accusé du meurtre de son père, en cour d’Assises, le juge en chef Greenshields céda sa place au juge Wilfrid Lazure qui présida à l’audition du procès de Louis Jones, 17 ans, 2424, rue Champagne, accusé de tentative de meurtre sur la personne de l’agent Roland Ouimet, de la police fédérale canadienne. Le policier était à perquisitionner au domicile de prévenu, le 19 septembre, lorsque Jones le frappa à la tête avec une hache, le blessant grièvement.
Maître Omer Lergand, C.R., avocat du ministère public, fit d’abord entendre la victime. Ouimet exposa au jury qu’après avoir rencontré Jones sur le boulevard Saint-Laurent et croyant reconnaître un nommé Champagne qu’il devait appréhender, il lui demanda sa carte d’enregistrement. Jones ne l’avait pas, et le témoin l’accompagne au domicile familial pour voir le document. Comme il y arrivait, une femme ouvrit et déclara qu’elle était la mère du prévenu. Madame Jones s’empressa de remettre au visiteur toutes les cartes de la maisonnée. Le jeune Louis sortit en sourdine par une fenêtre et prit l’escalier de service. Ouimet avertit un compagnon, qui attendait en auto, se surveiller la cour, parce que son homme se sauvait. Ouimet voulut descendre, mais maman Jones lui barra la route, disant : « On ne passe pas ». Le policier poussa doucement la femme entêtée, puis il se sentit frappé à la tête, par en arrière. Ici le témoin déclare au jury :
Je vis la manche d’un objet que je pris pour une hache, et je me penchai pour éviter un second coup. Je fus frappé quand même au front, puis je ne me souviens pas bien de ce qui se passa ensuite. Je ramassai mon chapeau, et mon camarade me conduisit à l’hôpital. Je me rappelle avoir vu le pantalon de celui qui me frappa Il était vert, tout comme celui que portait Louis Jones, lorsque je le vis sur le boulevard Saint-Laurent.
Le docteur Perry Hewitt, de l’hôpital Royal Victoria, déclare ensuite avoir pansé le blessé, qui avait au front une entaille d’un pouce et demi, laquelle pouvait fort bien avoir été causée avec une hache. Alfred Savaria, 19 ans, voisin des Jones, jura positivement l’avoir vu sortir de la maison, courir au hangar et retourner au logis une hache à la main. Jones entra par une fenêtre. Peu après, le témoin entendit quelqu’un crier « Mama, il a la hache! » Savaria revit Louis Jones dans la cour et qui disait à haute voix : « C’est de sa faute. »
René Savaria, 15 ans, sa mère, Mme Louis Savaria, 15 ans, sa mère, Mme Louis Savaria, et un autre membre de cette famille, corroborent entièrement Alfred Savaria, puis le sous-inspecteur James Lemieux identifie le chapeau de Ouimet sur lequel on voit encore des taches de sang. Maître Omer Legrand déclare avoir terminé sa preuve. Maître Damase Côté, avocat de la défense, présente ses témoins. Ludger Jones 15 ans, dit au tribunal qu’il tenait une hache, mais que lorsque Louis entendit crier sa mère, il s’en empara et courut vers la maison. Le témoin vit Ouimet secouer sa mère, et c’est juste à ce moment que le prévenu aurait frappé.
Mme Jones, mère de l’inculpé, déclare que son fils Louis est un grand gaillard de garçon de 17 ans, bien élevé, comme le sont d’ailleurs ses nombreux enfants. La famille venait d’entrer dans le logement de la rue Champagne, lorsque se produisit le drame. À ce stage, le témoin expose :
– Pour moi, le constable a manqué de politesse (?). Il s’est identifié ne disant qu’il était de la police et qu’il voulait arrêter mon fils. Je l’ai empêché de descendre dans la cour parce que je ne voulais pas qu’il impressionne ma fille, madame Marthe Parent, malade à la maison. J’ignore qui a frappé le constable, parce que mes fils sont revenus dans la maison un bon quart d’heure après le coup.
Un dernier témoin Mme Marthe Parent n’ajouta rien de neuf à la preuve si ce n’est qu’elle entendit le constable cirer à son compagnon : « Watch l’arrière, il va y avoir une fight! »
Maître Damase Côté présente ensuite son plaidoyer, et souligna les contradictions des témoins du ministère public. Rien ne prouve que le coup a été porté par le tranchant ou le talon de la hache. L’avocat de la défense conclut en disant que le prévenu défendait sa mère et fait appel à la clémence des jurés pour un jeune homme de 17 ans qui a pu estimer le péril de sa maman plus grand qu’il ne l’était.
À quatre heures 30, le juge Lazure ajourna l’audience à ce matin pour le réquisitoire de Maître Omer Legrand. Tout indique qu’un verdict sera rendu au cours de la matinée.
(Cette nouvelle de la chronique judiciaire du Québec date du 21 novembre 1940).
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