Histoire de Marie-Josephte (Marie-Josephine) Corriveau
Marie-Josephte Corriveau est née à Saint-Vallier, le 14 mai 1733.
En avril 1763, à l’âge de 30 ans, elle fut condamnée à mort à Québec par une cour martiale composée d’officiers britanniques pour le meurtre de son second époux. Elle fut pendue à Québec le 18 avril 1763.
Depuis, cette dame est devenue l’une des figures les plus populaires du folklore québécois. Des nouvelles, des romans, des essais lui ont été consacrés. Des légendes sont nées autour de sa destinée. Des œuvres cinématographiques ont été inspirées par le sujet (« La Nouvelle-France », une co-production franco-canadienne, fut l’une des plus coûteuses).
Marie-Josephte épouse, en novembre 1749, Charles Bouchard, cultivateur. Elle a 16 ans et lui, 23. Le couple a trois enfants. Mais, en avril 1760, Marie-Josephte devient veuve et elle se remarie en juillet 1761 avec Louis Dodier, un autre cultivateur.
Le 27 janvier 1763, son second mari est retrouvé mort dans sa grange avec de nombreuses blessures à la tête. On attribue le décès à un accident et on croit à des coups de sabots donnés par ses chevaux. Malgré tout, une enquête est ouverte sur la mort de Dodier. À l’issue de cette enquête, le 29 mars 1763, un tribunal militaire composé de 12 officiers britanniques juge Marie-Josephte et son père Joseph. Le 9 avril, Joseph Corriveau est reconnu coupable du meurtre de son gendre et Marie-Josephte est déclarée complice et condamnée à 60 coups de fouet et au fer rouge.
À ce moment, Joseph Corriveau avoue, à l’instigation du curé confesseur, avoir été le complice de sa fille qui a tué son mari.
Un second procès s’ensuit. Marie-Josephte avoue à son tour avoir tué son époux pendant son sommeil de deux coups de hachette ou de marteau (les sources divergent). Elle invoque les mauvais traitements de la part de son mari. Le tribunal la condamne alors à être pendue.
L’exécution a lieu sur les Buttes-à-Neveu, près des Plaines d’Abraham, le 18 avril 1763. Ensuite, le corps est exposé dans une cage de fer et suspendu à un gibet dressé à Pointe-Lévy, à l’intersection des chemins de Lauzon et de Bienville (de nos jours, les rues de Saint-Joseph et de l’Entente), jusqu’au 25 mai au moins.
Cette exposition du corps à un carrefour, qui était réservée en Angleterre aux criminels les plus monstrueux, frappe l’imagination populaire.
On a souvent dit que Marie-Josephte aurait tué son premier époux en lui versant du plomb dans l’oreille pendant son sommeil. Cette version témoigne des liens étroits entre la littérature et la vie et nous rappelle la mort émouvante du père d’Hamlet, de Shakespeare. On lui attribua au moins sept homicides, tous commis de façons différentes et ingénieuses.
Des contes fantastiques naissent et sont exploités par des écrivains.
En 1863, Philippe Aubert de Gaspé, dans «Les Anciens Canadiens», créé l’image d’une Corriveau suspendue dans sa cage de Pointe-Levy et terrorisant les passants qu’elle supplie afin qu’ils la conduisent au sabbat des sorcières et des feux follets sur l’île d’Orléans.
James MacPherson Le Moine et William Kirby, dans leurs romans respectifs, font de Madame Corriveau une empoisonneuse professionnelle, descendante directe de la célèbre française La Voisin.
Louis Fréchette, Pierre-Georges Roy, Andrée LeBel, Anne Hébert, Douglas Glover, Guy Cloutier, Daniel Mativat, Luc Lacourcière, Monique Parizeau, Martine Latuippe, le groupe Mes Aïeux (chanson La Corrida de la Corriveau, 2001), Gilles Vigneault (chanson La Corriveau), le film Nouvelle-France, tourné en 2004, le film d’animation de Kyle Craig tourné en 2006, tous ces auteurs et ouvrages ont recours à l’histoire de La Corriveau, et la liste n’est pas exhaustive. Enfin, la sculpture La Corriveau, une œuvre en bronze de l’artiste Alfred Laliberté de 1932, est exposée au Musée des Beaux-Arts du Québec, et témoigne de la popularité du personnage.
Évidemment, de nombreux témoignages recueillis au Québec confirment que Mme Corriveau est toujours vivante. On peut la rencontrer pendant les nuits les plus sombres, à l’affût de sa prochaine victime…
Quelques mots sur l’empoissonnement
Le poison est, comme on l’a dit, l’arme des faibles et des lâches et le crime d’empoisonnement est surtout l’apanage des femmes. Si, dans un certain nombre de cas, il y a un mobile avéré : vengeance, jalousie, cupidité (héritage, assurance-vie), ce qui le rend punissable, dans d’autres cas, il se manifeste sans aucun raison recevable ; il apparaît alors comme une chose déconcertante et monstrueuse. La mentalité de ces empoisonneuses a été remarquablement étudiée par René Charpentier (1906), qui souligne, à côté de l’intégrité intellectuelle, l’hypocrisie qui les aide à s’attirer la sympathie de leurs futures victimes, la vanité, l’égoïsme, la cruauté froide et l’absence totale du sens moral. Ces crimes apparaissent comme essentiellement gratuits dans leurs mobiles. Bien dissimulés, ils n’attirent l’attention que par leur répétition et l’identité des situations dans lesquelles ils se produisent. La récidive est la règle ; Hélène Zegado, dont Pierre Bouchardon nous a conté l’histoire, avait empoisonné successivement 40 personnes ; l’une de ces empoisonneuses, condamnée à mort, pouvait dire au bourreau qu’elle n’aurait jamais pu résister à la tentation d’empoisonner encore.
René Charpentier soulignait, pour de tels anormaux, la nécessité de mesures de protection sociale recherchées en dehors de la répression pénale.
Ch. Bardenet (célèbre psychiatre français).
Voir aussi :
- Saint-Vallier
- La criminalité en Nouvelle-France
- Le crime de Cordélia Pourier
- Crimes au Québec
- Nouvelle France, le film