Sans distinction de statut, toutes les institutrices enceintes pourront bénéficier d’un congé sans solde
Québec, 30 mai 1968 – Désormais, toutes les institutrices du Québec, célibataires ou mariées, pourront obtenir un congé spécial d’au moins 106 jours, sans traitement, afin de donner naissance à un enfant.
Tel est, en résumé, le contenu d’une nouvelle offre du gouvernement et des commissions scolaires présentée hier aux représentants des enseignants à la table provinciale de négociation.
En fait, la partie patronale a seulement consenti à rayer le mot « mariée » dans la partie de la convention qui traite congé de maternité, plaçant ainsi toutes les institutrices sur le même pied.
On peut estimer à 30,000 le nombre des institutrices qui ne sont pas mariées au Québec.
Cette offre-surprise de la partie patronale, peu importante dans l’ensemble du projet de convention, prend davantage d’intérêt si l’on se rappelle les discussions qui ont déjà eu lieu dans quelques coins de la province.
La Commission des écoles catholiques de Montréal, pour une, n’a jamais accepté de donner dans un contrat signé les mêmes avantages aux institutrices célibataires qu’aux institutrices mariées lorsqu’elles sont enceintes.
Même si les syndicats d’enseignants peuvent faire valoir que bon nombre de commissions scolaires ont accepté de ne plus faire cette distinction au cours de précédentes négociations au niveau local, cela, souligne-t-on, ne s’est pas fait sans difficultés.
Le porte-parole du gouvernement et des commissions scolaires à la table provincial, Me Jean Cournoyer, a déclaré que la partie patronale avait accepté de biffer le mot « mariée » pour éviter des « chicanes sur des questions de morale. »
« Cela, a-t-il ajouté, ne signifie nullement que nus donnons notre bénédiction aux institutrices qui ne sont pas mariées et qui ont des enfants. Nous posons ce geste pour éviter un débat.
Rémunération
La partie syndicale a par ailleurs voulu que le gouvernement et les commissions scolaires garantissent, un certain traitement aux institutrices qui quitteraient temporairement l’enseignement pour raison de maternité.
Le porte-parole des employeurs a répliqué que si le gouvernement et. les commissions scolaires acceptaient celte demande, ils devraient faire le même raisonnement, et rémunérer toutes les mères de familles du Québec qui ont un enfant.
Le porte-parole de la partie syndicale, M. Joseph Leblanc, a répliqué que toutes les mères ne sont pas obligées de quitter leur emploi durant trois mois comme c’est le cas pour les enseignantes.
Il a déclaré qu’en plusieurs endroits de la province, les commissions scolaires acceptent de rémunérer les institutrices, au moins d’une façon partielle, lorsqu’elles sont en période de grossesse.
« Au moins les trois quarts des clauses de la présente convention ne sont pas réglées tout simplement parce que la partie patronale ne veut pas maintenir ce qui existe actuellement », a-t-il dit.
M. Cournoyer a affirmé qu’il n’est pas dit que le gouvernement et les commissions scolaires n’ont pas protégé certains droits acquis dans leur projet de convention collective des instituteurs et des institutrices.
Alors que la partie syndicale insistait pour que les institutrices soient payées durant leur grossesse, le porte-parole des employeurs a fait valoir que c’est tout le principe d’une sécurité sociale salariale en cas de maternité qui était en cause dans ces discussions.
« Créer cette sécurité sociale pour les enseignants, cela veut dire pour nous que toutes les mères en période de grossesse devront, recevoir un salaire”, a déclaré M. Cournoyer.
Les pourparlers entre le gouvernement, les commissions scolaires et les enseignants ont surtout porté, hier, sur celte question du congé de maternité pour les institutrices. Depuis le début de la semaine. la partie patronale a continué à présenter de nouvelles offres qui représentent des gains pour les enseignants par rapport aux offres initiales. Les discussions, depuis lundi après-midi, ont uniquement porté sur le chapitre 5 du projet de convention (sécurité d’emploi et sécurité sociale) et il est nettement apparu que la partie patronale, en assouplissant ses positions, était désireuse d’en finir avec cette partie
de la convention.
La partie syndicale, même si elle accepte le plus souvent ce qui lui est offert, juge les offres patronale incomplètes et préfère visiblement consulter les délégués des enseignants avant de donner une réponse
finale.
Sur la majorité des articles du chapitre de la sécurité d’emploi et la sécurité sociale, l’écart qui sépare maintenant le gouvernement et les commissions scolaires des Instituteurs est parfois bien mince, grâce en grande partie aux concessions faites par les employeurs. C’est pourquoi le nouveau climat propice aux ententes que les observateurs ont pu noter mercredi a pu se vérifier dans la journée d’hier.
Par ailleurs, les pourparlers s’accélèrent. Les deux parties se sont rencontrées à 8 heures 30 hier matin, alors qu’elles le faisaient habituellement à 10 heures 30. Et au moment où nous écrivons ces lignes, les négociations syndicaux et patronaux se préparent.
(Cette nouvelle date du 31 mai 1968).
