Commonwealth francophone

Vers un Commonwealth francophone ?

« Les parlementaires français ont réagi à l’idée d’un Commonwealth francophone, mais le gouvernement français pas encore », a déclaré le président Senghor, dans une interview au journal l’Unité africaine.

Après avoir émis l’opinion que les chefs d’États de l’Afrique noire francophone sont déjà acquis au principe d’un tel « commonwealth », le président Senghor a indiqué qu’il soulèverait la question auprès du général de Gaulle lors de son prochain voyage à Paris. On pense du reste que M. Senghor a abordé le même sujet avec M. Jacques Foccart, récemment à Dakar.

Le président sénégalais a encore déclaré que la délégation parlementaire française qui s’est rendue en janvier au Sénégal avait proposé de commencer par la création d’un groupe interparlementaire francophone.

« J’ai accueille cette idée avec faveur, a dit M. Senghor, et j’ai proposé que ce groupe soit doté d’un secrétariat général qui siégerait en France. Un Parlement francophone permettrait mieux encore de faire entendre le monde. Pour accéder à la voix de l’Afrique et à la civilisation universelle, pour marcher vers leur unité, les nations africaines ont besoin d’une langue commune.

Aucune langue africaine ne peut actuellement jouer ce rôle : le français peut et doit être un facteur d’unité. Plus j’avance et plus je suis persuadé que les phénomènes linguistiques et culturels sont plus importants en Afrique que les phénomènes raciaux et religieux.

« La francophonie devrait intéresser les Maghrébins. Le pense qu’il y a là une idée très féconde pour l’avenir. Bien sûr, les Maghrébins se réclament de la langue et de la culture arabes : ils ont besoin, mais ils sont en fait obligés, s’ils veulent réaliser l’unité africaine, d’être bilingues et de continuer à développer l’enseignement du français ».

Rappelons que ce projet de communauté francophone avait été également développé par M. Bourguiba lors de son voyage en Afrique noire, à la fin de l’an dernier.

Lors de son récent séjour en Algérie, le président Léopold Sedar Senghor a tenu à marquer avec la plus grande franchise els positions qui sont les siennes sur la francophonie.

« S’il nous a été plus facile de nous enrichir de nos mutuelles expériences, a-t-il déclaré, c’est grâce à un outil commun qui, pour avoir été hérité de la colonisation, n’en est pas moins un acquis positif : la langue française, qui est parlée par de nombreux peuples de tous les continents. Il y a là un domaine indivisé à faire fructifier en commun. Pour vous, il s’ajuste à l’apport de la riche civilisation arabe, comme pour nous, à celui de la civilisation du monde noir, à la négritude…

À l’issue d’une mission d’information sur l’idée de regroupement francophone à travers certains pays d’Afrique, M. Pierre Elliot Trudeau représentant de la Chambre des communes d’Ottawa et secrétaire parlementaire du premier ministre canadien, a déclaré :

« Le Canada s’intéresse à la francophonie. Il s’y intéresse dans la mesure où une importante minorité francophone coexiste chez lui face à la majorité anglophone et dès lors que le regroupement des francophones peut constituer un élément d’équilibre utile à tous. On sent depuis quelques années d’ailleurs la tendance de certains États à juger utile ou nécessaires ce regroupement, la création de cet ensemble s’apparentant peu ou prou au Commonwealth, un ensemble où l’on puisse se consulter sur certains problèmes, où l’on apprenne petit à petit à penser ensemble.

« Le Canada a déjà témoigné de son désir d’échanges avec certains pays francophones. Nous avons ouvert deux ambassades en Afrique de langue française dont une en Tunisie et nous allons en ouvrir d’autres. Nous avons augmenté dans de sensibles proportions notre assistance à certains de ces pays.

« Nous ne prendrons pas nous-mêmes d’initiatives, mais chaque fois que l’en se réunira pour parler de francophonie, nous voulons y être ».

M. Trudeau ne cache pas qu’à son avis la voie canadienne de la francophonie passe avant tout par une série d’échanges de travaux d’études en commun sur le plan de l’éducation nationale, de l’économie ou tout autre terrain où l’usage commun de la langue trouve son application.

Le Canada à l’intention de proposer aux pays francophones la création d’un organisme international de francophonie et, si les avis étaient favorables, serait disposé à convoquer une réunion des représentants des pays intéressés, a annoncé M. Paul Martin, ministre canadien des Affaires étrangères.

Printemps 1967, texte paru dans France-Journal, doyen de la presse française en Amérique du Sud, quotidien d’expression française paraissant à Buenos Aires, Argentine.

À lire aussi :

Senghor
Léopold Sedar Senghor. Portrait de l’époque, image libre de droits.

Laisser un commentaire