
Heureux résultats de la grève de Montréal – Trois-Rivières en bénéficie
(Journal Le Canada, le 14 mai 1903, jeudi. De notre correspondant particulier).
Trois-Rivières, 13 mai. – La grève des débardeurs, qui vient de se terminer à Montréal, a eu sa répercussion ici : personne, du reste, eut songé à s’en plaindre.
Bien plus, je demeure persuadé que si l’on consultait les Trifluviens pour savoir quelle fut leur pensée, plus d’un ferait l’aveu qu’il ignore de quel côté se trouvait le droit que peut-être c’était les grévistes qui avaient raison, à moins que ce fussent les armateurs qui n’eurent point tort : qu’il a été très regrettable pour uns de perdre beaucoup d’argent et pour les autres de ne point en gagner. Mais que pour Trois-Rivières, la chose fut excellente, sinon très profitable.
Et il ne faut point voir dans cet aveu un mauvais sentiment ou un égoïsme exagéré, mais simplement le résultat de la constatation d’un fait.
Songez donc, pendant plus d’une semaine, dix jours environ, tous gros transatlantiques ont relâché ici.
Et ce fut pendant tout ce temps un mouvement inaccoutumé, une activité plus marquée. Le sifflet rauque des locomotives, le grincement des poulies, tout un bruit de marteaux, de ferrailles et de cloches assourdissaient agréablement nos concitoyens.
Le commerce fut plus prospère, les affaires plus faciles : les hôtels devenaient insuffisants et les bars trop petits. Trois-Rivières prenait l’aspect que sa situation naturelle l’assurait de devenir : un grand port.
Ajoutez que l’illusion était au surplus très complétée par le nombre inusité de « poivrots » qui titubaient dans nos rues. Et certes, si jamais grève eut éclaté avec plus de justification, c’est été celle de nos bons constables, qui n’en pouvaient plus, devant une telle affluence … de clients.
Là, c’était le côté agréable et plaisant de la situation, nous ne devons point oublier le côté sérieux.
L’épreuve que l’on vient de faire du havre de Trois-Rivières, doit être concluante. Au milieu de grandes difficultés que créait la grève de Montréal et des précautions qu’il a fallu prendre, les opérations d’arrimage ont parfaitement réussi.
À ce sujet, il serait injuste de n’en point féliciter M. Geo, S. Spargo, directeur de la Cie J.C. Malone, qui en avait assumé la responsabilité.
En d’autre temps, alors qu’une dissension en serait à craindre, qu’une entente régnerait générale entre ces deux facteurs puissants, le Capital et le Travail, pourquoi ne verrions-nous pas les navires interocéaniques relâcher ici ?
Notre port de Trois-Rivières doit avoir les mêmes avantages en tout temps : et nous ne vouons pas profiter seulement d’une situation malheureuse et momentanée, mais simplement mous prévaloir de notre position naturelle qui doit subsister à n’importe quel moment.

Le pĥare du port de Trois-Rivières. Photo : © Megan Jorgensen et GrandQuebec.com.
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