Faux billet de $20 – L’échevin acquitté – Témoin hostile détenu – Motards protestent – Juge sans fauteuil
Le caissier du Palais se fait refiler un faux billet de $20
« Monsieur le caissier, votre dépôt bancaire était, volumineux et il y avait dedans… un faux vingt ($20) dollars ».
Ainsi s’exprimait, hier après-midi, le gérant d’une de nos banques, s’adressant à M. Conrad Letendre, un des deux caissiers du Nouveau palais de justice. Il va sans dire que le billet contrefait n’a pas fait long feu dans le dépôt. Mais il sera gardé comme pièce à conviction dans le cas où celui qui l’a refilé au caissier pourrait tomber entre les « pattes » d’agents de la police fédérale (R.C.M.P.).
Et c’est la première fois depuis qu’il est caissier, qu’il reçoit non pour lui, mais pour le ministère de la Justice, les amendes, soit depuis 13 ans, qu’un tel vilain tour lui est joué.
Et comment mettre la main, le grappin sur le coupable ?
Dans la seule journée de mardi, pas moins d’une quarantaine de personnes se sont présentées à la Caisse, donc au caissier pour acquitter leurs amendes et M. Letendre en a reçu beaucoup de billets de $20.
Gageons que désormais, le Caissier aura une grosse loupe à sa disposition et que chaque billet de banque – surtout lorsqu’il s’agira d’un vingt – sera examiné sur toutes ses faces et dans toute sa profondeur.
L’échevin Gold, de Saint-Laurent, acquitté, le plaignant ne pouvant établir les dates des « ententes »
Rendant jugement sur le banc, le juge Irénée Lagarde a acquitté, hier après-midi, l’échevin Gerry Gold, de la ville de Saint-Laurent, de l’accusation pesant contre lui, savoir : avoir réclamé une somme de $2,800 pour faire modifier un règlement de zonage au cours du printemps de 1967.
M. Gold est toujours conseiller de la ville laurentienne ayant même été réélu par acclamation, il y a quelques mois, lors des dernières élections municipales dans cette cité.
Un autre échevin du temps, M. Louis-Philippe Chamberland, défait lors du dernier scrutin municipal, avait lui aussi été acquitté, celui-là par le juge André Fabien, pour un présumé délit du même genre, mais pour un montant de $5.000.
Au procès de l’échevin Gold qui a été de très courte durée, seuls deux témoins ont été entendus, le plaignant qui a signé la plainte dans cette affaire et que Me André Ledoux, procureur de la Couronne, a interrogé ainsi que M. Gold lui-même.
Celui-ci a déclaré « qu’il n’avait jamais été question entre le plaignant, M. Frank Kokolakis, restaurateur de son état, d’argent pour qui que ce soit et pour quoi que ce soit ».
Toujours interrogé par Me François Chapados, avocat de la défense, M. Gold a aussi déclaré avoir eu un premier entretien avec le restaurateur, puis un deuxième au cours duquel il lui a dit « qu’il ne pouvait rien faire pour lui et que, d’ailleurs, ça ne l’intéressait pas puisque ce n’était pas dans son quartier ».
En acquittant l’échevin Gold, le juge Lagarde a fait remarquer au représentant du ministère public « qu’il n’existait pas de cause contre M. Gold parce que le restaurateur-plaignant ne pouvait se remémorer les dates au cours desquelles la présumée transaction avec M. Gold se serait déroulée ». Et que c’était suffisant pour prononcer un jugement d’acquittement.
Le restaurateur a déclaré, dans son témoignage, qu’il était propriétaire d’un restaurant boulevard Sainte-Croix mais que son permis ne lui permettait que de vendre de la bière et du vin.
Il a ajouté qu’en raison de l’Expo, il désirait améliorer ses affaires et transformer sa place en bar-salon et que pour cela, il fallait que les règlements de zonage fussent changés.
Il a ajouté qu’il avait téléphoné à M. Gold, que ce dernier s’était rendu à son établissement pour discuter de l’affaire, mais que l’échevin lui avait dit « que c’était presque impossible à arranger ».
« Une seconde fois, Gold est venu me voir, m’a dit que de changement pouvait se faire, que la somme de $2,800 serait nécessaire, qu’elle serait divisée en sept parts de $400 pour chaque homme. Mais il n’a
pas mentionné leurs noms. »
Kokolakis a aussi dit s’être rendu voir son gérant de banque au sujet de l’argent qui lui a été refusé.
Contre-interrogé par Me Chapados, le restaurateur n’a pu établir les dates des entretiens.
Témoin hostile, Carmen Racette pourra méditer en détention !
Une jeune fille a été déclarée témoin hostile, hier, en pleine cour, et elle a été envoyée aux cellules jusqu’à aujourd’hui… dans l’espoir qu’elle aura alors décidé de rendre un témoignage véridique et exact.
Il s’agit de la brune Carmen Racette qui aurait, semble-t-il, changé la version des faits qu’elle devait raconter… et ce pour venir en aide à son ami de cœur. André Renaud, accusé de possession d’armes à feu et de munitions.
Au moment d’une perquisition, des policiers auraient découvert, sous le lit de la belle, deux carabines à canons tronçonnés, deux revolvers chargés ainsi que plusieurs rondes de munitions. Les enquêteurs étaient alors munis d’un mandat du coroner en marge de la mort de Gary Sneer, cagoulard reconnu et présumée victime d’un règlement de compte de la pègre.
Interrogée alors par la police, Carmen aurait révélé que ces engins dangereux étaient la propriété de son ami André Renaud… avec qui elle aurait roucoulé pendant que les armes se trouvaient sous leur lit d’amour.
Mais une fois devant la cour, la jeune fille décida de changer sa version et de dire que les armes appartenaient à un certain Charlie, client du Catari Bar Salon. Ce dernier aurait demandé à Carmen de « garder cela » pour lui.
On se souvient que c’est aux environs de ce Catari Bar Sa-Ion que Roger Larue a été assassiné, il y a quelque temps au cours d’un autre règlement de compte.
Le juge Jacques Trahan, après avoir été mis en présence de cette contradiction flagrante, décida de déclarer Carmen témoin hostile. Et, parce qu’elle avait réclamé la protection du tribunal avant de témoigner, le juge lui a également accordé la protection… de la prison jusqu’à ce matin.
On dit que la nuit porte conseil. On verra bien… dans quelques heures.
L’avocat de deux motards s’en prend à l’attitude de la police
Deux jeunes motards, Paul Breton, surnommé « Le Jésus » parmi les siens à cause de sa barbe plus qu’épaisse et Charles Ware, ont comparu, hier après-midi, devant le juge Marcel Gaboury sous des accusations de méfait public et de voies de fait simples, mais leur avocat, Me Émilien Simard. refusa d’enregistrer tin plaidoyer au nom de ses clients.
II a soutenu que l’arrestation et la détention des deux motards était illégale, qu’elle allait même à l’encontre de la Déclaration des droits de l’homme.
Ses deux clients auraient attaqué un automobiliste qui protestait contre leur façon de conduire. Puis, ils l’auraient taloche après avoir causé pour moins de $50 de dégâts à son automobile.
L’incident s’est déroulé à 9 heures de l’après-midi à Jacques-Cartier. « On a arrêté mes clients à 5 heures hier soir. Vers 8 h 30 je me suis rendu au poste de police de Jacques-Cartier et j’ai du attendre plus de 25 minutes avant de voir mes clients. On a refusé de nie dire de quoi on les accusait, se contentant de déclarer qu’ils étaient détenus pour enquête.
J’ai mis les officiers de police en demeure de les relâcher. Ils ont refusé. Cela va à l’encontre de la Déclaration des droits de l’homme et du code criminel, art. 29. « Voilà ce que Me Simard a déclaré.
Le tribunal fixa l’enquête préliminaire des deux jeunes prévenus à la semaine prochaine et leur permit de recouvrer leur liberté provisoire sur parole. uns douta appelé à statuer Au cours de la prochaine in- sur la motion da Me Simard.
Sans fauteuil, le juge dut demeurer debout dut demeurer debout
Tout le monde debout… la Cour est ouverte, de s’écrier le « crieur » (huissier-audiencier) du juge Marcel Gaboury.
Et maintenant que le juré est à son banc, tout le monde, assis. Mais le juge cherchant son banc, en l’occurrence une chaise à dossier très haut, dut se contenter de demeurer debout au grand amusement des personnes remplissant les banquettes de la Première chambre de la Correctionnelle.
Et il demeura à l’attention une bonne vingtaine de secondes jusqu’à ce qu’il décide de descendre du banc et ce, jusqu’à ce qu’on lui ait retrouvé son fauteuil.
Et le banc arriva en bonne et due forme et le juge put entendre les comparutions.
(Ces nouvelles nous viennent du 15 août 1968).
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