Un jugement qui divise les experts
Les constitutionnalistes ne s’entendent pas sur la solidité du jugement de la cour du Québec qui invalide les articles de la Charte de la langue française exigeant une nette prédominance du français dans l’affichage commercial. Selon le professeur de droit Guy Tremblay, de l’Université Laval, « ça peut avoir de l’allure », parce qu’il revenait effectivement au gouvernement de refaire la preuve que son article de loi est justifié pour protéger le français, ce qui n’a pas été fait.
Mais selon André Tremblay, professeur de droit à l’Université de Montréal, le jugement de dix pages passe beaucoup trop vite sur des questions complexes, établies de façon tout à fait défendable pour les avocats du procureur général.
D’abord, selon le professeur Tremblay, la juge Danielle Côté de la Cour du Québec avait raison de s’attendre à ce que le gouvernement du Québec lui présente des preuves, justifiant dans la réalité actuelle, la nécessité d’avoir la prédominance obligatoire du français en affichage commercial.
Or, les avocats du gouvernement du Québec ne l’ont pas fait. Selon eux, ils n’avaient pas à faire la preuve du caractère raisonnable de l’article sur la prédominance du français. La Cour suprême, ont-ils argué, a donné la réponse finale à cette question en 1988, en ouvrant elle-même la porte à la prédominance du français.
Le professeur Tremblay n’est pas nécessairement d’accord avec cette attitude. Selon lui, comme l’a remarque la juge Côté, « on est effectivement dix ans plus tard » et la situation du français peut avoir changé, ce qui nécessiterait qu’on fasse une nouvelle preuve.
(Texte publié le 20 octobre 1999 dans La Presse).
