Tout un charivari

Tout un charivari à Montréal !

Montréal, 4 juin 1823

CHARIVARI- Cette coutume ridicule et barbare que nous attendions à ne plus voir déshonorer les rues de Montréal, a été remise en vigueur depuis une quinzaine de jours, et quelque innocent que puisse la supposer certaines personnes, elle a eu cette fois-ci les conséquences les plus fatales. À l’occasion de deux mariages qui ont eu lieu dernièrement, un nombre d’individus marqués, vêtus de la manière la plus grotesque et armés, ont couru par les rues de la ville, toutes les nuits, à pieds et à cheval, criant et hurlant, à la grande nuisance de tous les citoyens paisibles, et particulièrement des parties à qui l’on faisait le Charivari, et qui auraient sûrement désiré passer d’une manière plus convenable le premier mois de mariage, ou ce que les anglais appellent la  »Lune de Miel, » (the honey-moon).

Malheureusement, suivant ce qu’on nous rapporte, lundi au soir, on tira de l’une des maisons des nouveaux mariés, sur les gens du Charivari; ceux-ci ripostèrent, et brisèrent à coups de pierre les fenêtres et les châssis et firent encore d’autres dégâts. Un domestique de la famille, qui était sorti pour son malheur, reçu un coup de fusil dans le corps, et mourut au bout de quelques heures dans les plus grandes souffrances, laissant une femme et sept enfants pour déplorer son malheureux sort.

Un matelot, qui n’était que simple spectateur est mort aussi hier avant midi de la suite d’un coup de feu. Plusieurs autres, nous dit-on, sont blessés, et quelques-uns très dangereusement. Hier au soir, on s’attendait que le charivari n’aurait pas lieu, attendu qu’il avait été menacé de l’intervention du militaire. Néanmoins, entre onze heures et minuit, une multitude armée, mais non habillée en charivari, se rendit à la maison, enfonça les portes, et termina l’œuvre de la destruction en brisant les meubles et les jetant dans la rue par les fenêtres. Elle fut toute dispersée avant l’arrivée des troupes qui avoient à venir de l’autre extrémité de la ville.

Nous ne coucherons pas ici sur le papier les réflexions auxquelles doivent donner lieu des scènes comme celles que venons de décrire; elles se présentent naturellement à quiconque est ami de la paix et du bon ordre; mais notre police n’est-elle pas blâmable de n’avoir pas pris des mesures pour arrêter ces troubles dans le principe, quand il est connu que, comme la boule de neige acquiert de la grosseur en roulant, le charivari augmente toutes les nuits en nombre et en violence, tellement qu’au bout d’un certain tems il devient difficile d’y mettre fin. – Gazette Canadienne

L’infortuné qui a perdu la vile dans cette affaire est John Swail, homme d’un excellent caractère, et qui avait été une partie du soir même dans la maison d’où l’on a tiré dans la rue. – Canadian Times

Jeudi dernier, le coronaire a tenu une enquête sur le corps de Swail, et nous apprenons qu’après des perquisitions soigneuses le jury a fait rapport de meurtre volontaire contre l’un des intéressés comme principal, et contre l’autre comme son complice. Nous nous abstenons pour le présent de les nommer. – Montréal Gazette

Les troupes font la patrouille toutes les nuits dans les rues depuis cette affaire. – Canadian Courant.

Texte paru dans Le Canadien, 11 juin 1823.

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Ce fut l’écroulement général et de la table, et de la chaise, et de Bourdon, le tout dans un charivari de verres cassés et de bouteilles culbutées. (Messieurs les ronds-de-cuir (1893) de Georges Moinaux, dit Georges Courteline, écrivain et auteur dramatique français, né en 1858 et mort en 1929 qui s’est attaché, avec une verve satirique, à dépeindre les travers de la petite bourgeoisie de son temps. Image : © GrandQuebec.com.

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