Chrétien et Clennett : Chrétien empoigne un manifestant
Chrétien et Clennett : Pour la deuxième fois en une semaine au Québec, un événement politique, qui se voulait « rassembleur », a tourné au vinaigre hier, le 15 février 1996. Et, dans les deux cas, un premier ministre aux nerfs à fleur de peau était au cœur du désordre.
Le premier ministre canadien Jean Chrétien a carrément rudoyé un membre d’un groupe de manifestants qui venait de gâcher la fête du Drapeau, qui se déroulait à Hull.
Plus tôt cette semaine, Lucien Bouchard a créé un émoi lundi en apostrophant avec véhémence un commettant fédéraliste qui avait eu le malheur de jeter une fausse note dans une tournée de sa circonscription de Jonquière.
Chahuté par les opposants à sa réforme de l’assurance-chômage au cours d’un rallye organisé pour souligner la journée du Drapeau, le premier ministre fédéral a saisi l’un d’entre eux par le cou et l’a violemment écarté de son passage. L’homme était dans son chemin et n’aurait pas dû être là, a-t-il expliqué sur le coup pour justifier son geste.
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Par la suite, son bureau a déclaré que le premier ministre s’était senti agressé et s’était défendu en conséquence. Mais Bill Clennett n’avait pas fait de geste menaçant. Les services de sécurité qui l’ont retenu après l’incident l’ont rapidement relâché. Hier soir, aucune accusation n’avait été portée contre lui. Au contraire, on dit qu’on lui plutôt demandait s’il voulait porter plainte pour agression contre le premier ministre. Il y songe.
Dans un communiqué émis en fin d’après-midi, la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) précise qu’elle n’a pas été prise au dépourvu par la manifestation qui attendait Jean Chrétien à Hull et que des mesures de sécurité « adéquates » étaient en place.
La version des événements livrée en conférence de presse par un porte-parole de la GRC, ne corrobore pas la thèse d’une agression contre Jean Chrétien. Les images diffusées hier par les divers réseaux de télévision non plus. Elles montrent plutôt un premier ministre hors de lui et déterminé à faire son chemin coûte que coûte.
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Chose certaine, au moment de l’incident, Jean Chrétien était excédé par le chahut d’une poignée de manifestants. Incapable de se faire entendre des gens qui s’étaient rassemblés pour célébrer l’unifolié, il a dû couper court à son allocution.
À Jonquière, comme à Hull, le débat sur l’avenir du Québec et du Canada a été un des éléments déclencheurs des incidents. Lundi, à Jonquière, Lucien Bouchard a interpellé un électeur qui refusait de lui serrer la main. Ce dernier, qui s’est excusé par la suite, a expliqué qu’en tant que fédéraliste, il ne voulait pas saluer le nouveau premier ministre qui aspire à devenir son député.
Hier, les manifestants avec lesquels a eu maille à partir protestaient contre la réforme de l’assurance-chômage. Mais pour la vice-première ministre Sheila Copps, ce n’était pas le vrai motif de leur présence à la fête du Drapeau organisé par le gouvernement fédéral. « C’est des séparatistes qui se déguisent en chômeurs », a-t-elle lancé. Selon des sources, Bill Clennett serait bel et bien un militant séparatiste. Mais c’est le mouvement Action-Chômage qui a organisé la manifestation d’hier. Ainsi que les centrales syndicales du Québec. La manifestation ciblait donc la réforme du régime entreprise par Ottawa.
Voici la liste des incidents, outre celui d’hier, impliquant la sécurité du premier ministre Jean Chrétien :
Novembre 1995 : Un intrus armé d’un couteau à cran d’arrêt entre par effraction dans la résidence du premier ministre. Celle-ci se trouve au 24 Promenade Sussex. Avant d’être appréhendé, il aura eu le temps de se rendre devant la chambre des Chrétien. Là où l’épouse du premier ministre se retrouve face à face avec lui.
Mai 1995 : La police arrête un homme armé d’une arbalète à l’intérieur du Palais des Congrès de Winnipeg. Cela juste avant que le premier ministre n’y arrive pour prononcer un discours.
Mars 1994 : M. Chrétien se retrouve au beau milieu d’une foule agitée, à Mexico. Cela arrive lors d’une cérémonie à la mémoire d’un candidat à la présidence assassiné.
Mars 1994 : M. Chrétien passe dans un groupe de manifestants rassemblés devant son bureau de circonscription à Shawinigan. Il y a bousculade. On brise donc une vitrine. L’incident fait un blessé.