Le dernier voyage du Montréal s’est terminé en tragédie
Le soir du 18 novembre 1926, Mme Marie-Rose Valoir, née Guertin, de Saint-Ignace-de-Loyola, n’a pas regardé en direction du fleuve avant de se coucher. «D’habitude. Quand le Montréal arrivait à Sorel, j’ouvrais ma fenêtre et j’essayais de le voir passer. Mais ce soir-là, il était tombé une neige bien fine et j’avais fermé mes contrevents de bonne heure.»
Le Montréal, un élégant bateau à aubes, propriété de la Canada Steamship Lines, entreprenait ce soir-là son dernier voyage de l’année. Parti de Montréal, il devait arrêter à Sorel vers minuit puis filer sur Québec. Retour prévu à Sorel à la Sainte-Catherine, une semaine plus tard, cette fois pour «dégreiller».
Bateau de croisière doublé d’un cargo, il ne transportait que des marchandises sèches et des animaux en ce soir de novembre. Son capitaine, N. McGlennon, commandait à un équipage d’une cinquantaine d’hommes, au nombre desquels, Charles-Édouard Valois, le jeune époux de Marie-Rose.
Vers 11 heures, au moment où Mme Valois monte se coucher, un incendie majeur éclate à bord du navire, qui va s’échouer près de Saint-Joseph-de-Sorel (aujourd’hui, Tracy), sur la propriété d’un M. Joly.
Charles-Édouard Valois, “homme de vigie”, réveille plusieurs de ses compagnons dont son père, deux de ses frères et quelques oncles et cousins. Le feu, qui a débuté dans une écurie à chevaux, prend rapidement de l’ampleur; les hommes ont à peine le temps d’enfiler quelques vêtements avant, dans plusieurs cas, de se jeter à l’eau.
Quelques uns s’étant précipités vers le quatrième sabord de l’avant se trouvent pressés devant une étroite ouverture. Il ne peut y passer qu’un homme à la fois. À défaut de femmes et d’enfants, on s’entend tacitement pour que les pères de familles passent les premiers
Vers 4h30 du matin, les marins rescapés ont été regroupés à l’hôtel Balmoral, à Sorel. On leur distribue vêtements secs et chaussures. Trois hommes ont quitté pour l’hôpital … et trois manquent toujours à l’appel, dont Charles-Édouard Valois. Des compagnons racontent d’avoir vu se jeter à l’eau puis disparaître de leur vie.
Trois enfants
Marie-Rose Valois n’appris la nouvelle que le lendemain matin. «J’étais en train de laver la vaisselle quand une demoiselle Brookes, âgée d’une dizaine d’années, est venue m’apprendre que le Montréal brûlait à la «pointe des Joly».
« J’ai couru chercher mon chapelet et je me suis confiée à la Sainte-Vierge. Je me promenais dans le champ avec mon chapelet et je faisais des promesses. J’ai fait ce jour-là des folies que je n’aurais jamais dû faire.
Je me suis rendue chez mon beau-père avec mes deux enfants, Léonne, 2 ans, et Vitalien, 1 an – Mme Valois était alors enceinte de deux mois; Édouardina naîtra sept mois plus tard. Quand ils m’ont vu entrer, ils ont éclaté.
Le bateau et sa cargaison étaient assurés. Les hommes, c’était différent. «Moi, se rappelait plus tard Mme Valois, il ne m’en est pas resté épais. Vingt-six ans, trois enfants… mais j’avais du cœur…».
Pour en apprendre plus :
- Compte-rendu de la catastrophe
- Naufrage du Montréal en 1857
- Incendie du Montréal en 1903
- Vie maritime du Québec
- Catastrophes au Québec