Attentat diabolique, rue des Érables
25 avril 1918. Un drame de famille des plus tragiques s’est déroulé ce matin.
C’est dans l’avenue des Érables, à Montréal au No 1017, que le drame a eu lieu vers huit heures et demie ce matin. À cette heure, le facteur se présenta chez Mme Damase Boivin et lui remit un paquet assez volumineux. Intriguée, Mme Boivin se demanda avec raison quel pouvait bien être le contenu de ce colis. Puis se mettant à plaisanter, elle dit à sa fille: «Pourvu que ça ne soit pas de la dynamite».
S’approchant du poêle, elle y déposa le colis et essaya de l’ouvrir. Comme il était bien empaqueté et qu’elle avait quelque difficulté à enlever la corde qui le ficelait, sa fille, Mlle Mélina Boivin, demanda à sa mère de le lui laisser ouvrir.
Mais à peine avait-elle fait une légère ouverture dans le colis, qu’une formidable explosion retentit. Au même instant, des flammes se répandirent dans toute la cuisine, mettant le feu aux vêtements de ceux qui s’y trouvaient.
Véritable torche vivante, Mlle Boivin se précipita dehors, tandis que sa mère entraîna son garçon, Auguste, et son petit pensionnaire, Camille Dame, dehors sur la galerie.
Aux cris lancés par les victimes, les voisins, le facteur et quelques vidangeurs qui se trouvaient dans les environs, accoururent sur les lieux. Après avoir éteint les flammes qui dévoraient Mlle Boivin, on pénétra dans la maison, où l’on porta secours à la mère et aux enfants. Au même instant, les pompiers accouraient sur les lieux. Mais c’était peine perdue, car les voisins avaient déjà éteint le début d’incendie qui s’était déclaré dans la cuisine.
La machine infernale qui a failli tuer les quatre victimes, ainsi que cinq autres bambins, des pensionnaires qui se trouvaient dans la maison au moment de l’explosion, a la forme d’une boite à cigares, de huit pouces par quatre. A l’intérieur, divisée en deux compartiments, se trouvait un revolver de calibre 38, ainsi que de la poudre et des guenilles imbibées d’essence. Au couvercle, qui glissait entre deux grouves, était attachée une corde reliée à la gâchette du revolver.
En tirant le couvercle, on faisait ainsi partir la balle qui traversait la poudre et les guenilles imbibées de gazoline, mettait le feu à la boite, et provoquait une seconde explosion.
Le choc de l’explosion a réduit en miettes toutes les vitres de la cuisine, ainsi que celles du salon, de la porte d’entrée et d’une chambre. Les dommages causés par l’incendie sont des plus légers. L’état de Mlle Boivin est le plus inquiétant. On craint aussi que le jeune Auguste ne perde la vue.
Détail touchant, Auguste venait de faire sa première communion le matin même et se préparait à être confirmé à dix heures.
Les soupçons, quant à l’auteur de ce terrible attentat, se portent sur M. Damase Boivin, le mari de la victime. Boivin ne vivait plus avec sa femme depuis quelques années. S’il faut en croire Mme Boivin, c’est son mari qui aurait fait le coup.
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