Le Noël des Animaux revit grâce aux Archives de folklore de Luc Lacoursière
Le grand folkloriste québécois Luc Lacoursière a recueilli, en 1949, Le Noel des Animaux dont on avait peu parlé jusque là et dont beaucoup ignorent encore l’existence aujourd’hui.
Cette chanson était ainsi commentée par M. Lacoursière en décembre 1950 dans Les Archives de folklore, un recueil de traditions françaises d’Amérique.
Note sur les Noël
Les noëls, si on les compare aux autres chansons populaires du Canada français, sont peu nombreux dans notre tradition. La plupart nous viennent de différents recueils des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Tels sont ceux, du moins, qu’ont rassemblés Ernest Gagnon dans ses « Cantiques populaires du Canada français et Ernest Myrand dans ses Noëls anciens de la Nouvelle-France.
On ne connait guère, jusqu’ici, de pure tradition folklorique, que l’admirable D’où viens-tu, Bergère ? que citait, dès 1865, Ernest Gagnon, dans ses Chansons populaires du Canada, et dont François Brassard a donné sept versions différentes dans le troisième volume des Archives de Folklore (1948).
C’est à cause de cette rareté qui ajoute à son prix que nous vous offrons le présent Noël des animaux. Nous l’avons recueilli, en juin 1949, d’un vénérable octogénaire. Octave Brien, de Sainte-Marie-Salomée (Montcalm). Il l’avait appris de sa grand’mère, née Bourgeois, morte à 85 ans, en 1886. « Elle nous racontait, dit-il, que pendant la nuit de Noël les animaux parlent entre eux. Et pour nous le prouver, elle nous chantait ce noël dont j’ai retenu quatre couplets. »
La légende des animaux qui parlent à Minuit, le 25 décembre, à été notée quelquefois au Canada, notamment par Pamphile Lemay dans Fêtes et Corvées (1898). En France, Paul Sébillot rapporte une saynète populaire de la Rouergue dans laquelle les animaux dialoguent ainsi: « Ce dit le Coq : Dieu est né. — Ce dit le Bœuf : Et où? — Ce dit la Chèvre : À Bethléem. — Ce dit l’ Âne : Il faut y aller! Il faut y aller! ” Le même auteur a trouvé, dans un sermon latin du XVIe siècle sur la Nativité, une interprétation analogue du langage des animaux: Le Coq : Christus natus est le Bœuf : Ubi?; l’.Agneau: In Be-e-e-thle-em ; l’Âne : Eamus, eamus.
Myrand, de son côté, reproduit un noël du moyen âge dans lequel le coq, le bœuf, la chèvre et l ’ âne tiennent le même langage savant. Et droit sur ses pattes, le veau Beugla deux fois: Volo, volo !
Notre tradition canadienne jusqu’ici ne rapporte que des paroles du coq. de la cane et de la brebis. Elle ajoute cependant qu’il ne faut pas aller surprendre les bêtes pendant la nuit de Noël. Par contre, nous n’avons pas retrouve en France notre noël qui, même fragmentaire, mériterait bien de figurer dans la Grande et belle Bible des Noëls anciens du XIIe au XIIIe siècle d’Henry Poulaille. Nous présumons qu’il est d’un clerc du XVIIIe siècle, bien que le sujet soit plus ancien. La prosodie, les couplets en quintils, les vers courts, une certaine recherche dans la naïveté, nous portent à le croire; et de même, ce nom de Laquedem, qui est celui du Juif errant, popularisé par une complainte et par l’imagerie de l’époque.

1. Deux éditions, 1897 et 1906.
2. Quatre éditions, 1899, 1907, 1913 et 1926.
3. Le Folklore de France, III, p. 95.
4. Noëls anciens de la Nouvelle-France, 4e édition, 1926. p. 158.
Décembre 1950. Luc Lacoursière.
Texte de la chanson :
1
Autour de Bethléem,
Les animaux de Laquedem
Chantaient Noël, Noël,
Nous sommes sur la terre,
Jésus descend du ciel
2
Le coq, la tète altière.
S’avançait d’une joie fière.
Chantant : coquorijour. J’annonce la lumière,
Salut, astre du jour.
3
Mais la cane fidèle,
À son maitre qui l’appelle,
S’en vient disant : can can,
Jésus est le modèle
Des tout-petits enfants.
4
Et la brebis timide
S’ approcha d’un pas rapide
En murmurant : mais ais…
J’étais lâche et craintive.
Serai brave désormais.
(Archives de Folklore, collection Lacoursière, juin 1949. Enregistrement #662. Transcription musicale de François Brassard).
