Le concert au profit d’Albani a obtenu un immense succès
Le concert donné hier soir (28 mai 1925) au théâtre Saint-Denis en hommage national à Albani, a été ce que devait inspirer la belle œuvre entreprise au profit d’une artiste qui a inscrit le nom canadien dans les annales de l’art universel. Ce fut une soirée triomphante pour Albani, pour les excellents artistes au programme et pour 2,400 auditeurs massés dans le vaste amphithéâtre.
«Le Très Honorable William Lyon Mackenzie King, préside cette soirée inoubliable. Ayant été l’auteur de la suggestion d’une souscription nationale pour venir en aide à Albani, le premier ministre avait tenu, malgré les occupations que lui vaut la session d’Ottawa, à assister à une manifestation qui couronne dignement l’œuvre qu’il a tant à cœur.
À Londres, grâce à un appareil radiotéléphonique, installé par les soins du poste C.K.A.C. de la Presse, Albani a dû entendre les artistes mettre leur talent au service de sa cause et faire monter vers elle l’hommage de sa race. Deux appareils de transmission lui ont apporté aussi l’écho des applaudissements qui accueillirent libéralement chacun des artistes. On imagine l’émotion qui a dû étreindre la grande artiste lorsque du Canada lui parvint, répété par la voix d’une jeune compatriote, l’air qui lui valut de si grands triomphes : « Souvenirs de jeune âge sont gravés dans mon cœur ». Et les applaudissements évoquèrent chez la grande diva bien des souvenirs de triomphes passés.
Sous le patronage de Lord Byng de Vimy, Gouverneur Général du Canada, et de Lady Byng, ce concert fut honoré par la présence de toutes les personnalités en vue de la Métropole.
Les artistes et l’hommage national à Albani
Ce fut une occasion exceptionnelle pour les artistes canadiens que de se faire entendre par un auditoire à la fois nombreux et compréhensif. Tous réputés déjà à juste titre, ils ont suscité hier soir des éloges sans réserve. Leur directeur artistique, le distingué et dévoué impresario Louis H. Bourdon fut aussi chaleureusement félicité.
Les artistes furent présentés dans des conditions extrêmement favorables à l’exécution des œuvres au programme. Un éclairage bien réglé, sur la scène et dans la salle, mit bien en valeur le recueillement musical d’un Renaud, l’entrain bien rythmé d’une Letourneaux, l’interprétation détaillée d’un Brault et l’expression nuancée d’une Manny…
Le concert commença à huit heures et demie précises, quelques instants à peine après l’arrivée du premier ministre du Canada. Sans qu’il y ait eu aucun intermède, il se termina exactement à 10 heures 55.
Un auditoire invisible, dont il est impossible d’estimer le nombre, a écouté au radio tout le concert Albani. Ce fut une surprise pour les amateurs de radio, cette transmission n’ayant pas été annoncée.
Les débuts d’Albani
Le Mechanic’s Hall, coin St-Pierre et St-Jacques, date de 1854. Au premier étage, cet édifice renfermait une bibliothèque technique et au second une jolie salle avec scène et décors.
C’est ici que Mademoiselle Emma Lajeunesse, plus tard connue de l’univers sous le nom d’Albani, fit ses débuts. Elle se destinait alors à la musique instrumentale plutôt que vocale.
M. Legendre, dans la biographie qu’il a consacrée à cet artiste de premier ordre, nous raconte qu’elle fit les frais de son premier concert avec l’aide de son père et d’un chanteur anglais.
« À trois qu’ils étaient, ils avaient à remplir tout un programme qui, grâce au triple talent de la jeune virtuose, était encore assez varié. Emma Lajeunesse avait joué plusieurs morceaux de piano et un morceau de harpe. Elle avait en outre chanté, en s’acompagnant de sa harpe, le «Salut à la France »> de la « Fille du Régiment ».
Ce morceau fut accueilli avec beaucoup de faveur. Mais on était loin, alors de deviner, sous la timide jeune fille, l’éminente cantatrice d’aujourd’hui.
Le 12 septembre 1862, la jeune fille se faisait entendre, au même endroit. L’aidait, cette fois, sa jeune sœur Cornélie. Le concert était sous le patronage de Sir Fenwick Williams et de son état-major. Aussi du lieutenant-colonel Coursol et du maire de Montréal, C. S. Rodier. Emma Lajcunesse y remporte un véritable triomphe. Les applaudissements les plus vifs l’accueillirent chaque fois qu’elle parut sur l’estrade. Mais l’enthousiasme fut réel lorsqu’elle exécuta, à première vue et d’une manière irréprochable les Murmures Éoliens de Gottschalk ».
(Hommage national à Albani (Emma Lajeunesse). Par Napoléon Legendre.
