
Musée Éden
Le musée Éden, un musée des curiosités, était situé au numéro civique 206, sur la rue Saint-Laurent, dans la bâtisse du Monument National, en face du petit marché. Son gérant, M. W. B. Blackhall, a loué deux grandes bâtisses comprenant six immenses appartements. La porte d’entrée était en bois riche et en verre colorié. Le rez-de-chaussée contenait une galerie artistique, une statue en cire de Sa Majesté la reine, en robe de cour, avec bijoux ; Sa Sainteté le pape Léon XIII, portant ses vêtements pontificaux, le tout premier premier ministre du Canada Sir John A. Macdonald et un grand nombre de curiosités et de reliques. En entrant dans le musée, on croirait être dans un monde de fééries.
C’est en 1891, que l’Eden Museum and Wonderland, mieux connu des francophones sous le nom de Musée Éden, ouvrit ses portes. À cette époque, la classe ouvrière de plus en plus massive demandait des distractions et des amusements de toutes sortes. Le boulevard Saint-Laurent devenait alors le haut lieu du spectacle avec la création de nombreux théâtres et musées axés sur le divertissement.
L’Éden comprenait deux départements : le musée des scènes historiques et la salle des spectacles.
Dans la salle des curiosités, il y avait « des curiosités vivantes, caprices de la nature, merveilles scientifiques et optiques d’un caractère instructif et intéressant » (si on reprend la description parue dans un journal de l’époque). La salle des statues contenait des figures de cire, ayant tellement l’apparence de la vie qu’elles paraissent vivre, des vues stéréoscopiques et beaucoup plus.
Il y avait aussi la chambre des horreurs, où l’on voyait les figures de Birschall, Benwell, Burke, l’exécution de Kemier, un homme tuant sa femme à coups de truelle, un assassin étant exécuté par électrocution… bref, dans la chambre des horreurs du Musée Éden, les amateurs de sensations fortes pouvaient contempler à loisir la reconstitution de certains des épisodes les plus sanglants de l’actualité judiciaire.
Le musée avait un Théâtrorium, un petit théâtre de 200 places qui donnait des représentations (concertes, farces, pièces et autres représentations) « d’une nature chaste » à chaque heure. Au deuxième étage, dans un « théâtorium » de 200 places.
Le Musée Éden s’inscrit dans la tendance de l’époque en présentant non seulement une exposition historique, mais en permettant aussi à ses visiteurs de vivre des expériences diverses qui les mènent du ravissement à l’horreur. À ce titre, le musée Éden de Montréal s’inspire largement de l’Eden Museum de New York, fondé en 1883.
Il y avait une « charmante petite chambre de toilette pour les dames et une servante à leur disposition ». Chaque employé portait un uniforme garni en dentelle dorée et une police spéciale maintenait l’ordre le plus strict. On n’admettait que des personnes respectables, ainsi « les dames et les enfants pouvaient visiter ce musée sans crainte ». Au moment de l’ouverture, l’entrée au musée coûtait 10 sous seulement, ce qui permettait à toutes les familles d’aller passer quelques heures délicieuse et agréables sans dépenser beaucoup d’argent. L’endroit est très central et les tramways y conduisaient les gens de tous les points de Montréal. Toutes les mesures ont été prises pour empêcher l’encombrement et les bousculades.
Le Musée ferma ses portes deux ans à peine après son ouverture en raison de difficultés financières. Un nouveau Musée Eden sera inauguré le 9 juillet 1894 par la Société des galeries historiques, sous l’égide d’Honoré Beaugrand, toujours dans le même bâtiment, mais cette fois dans le sous-sol du Monument-National. Aux anciens divertissements, on ajoute un labyrinthe magique ainsi qu’une caverne de l’opium où l’on peut voir des Chinois tirer sur leur pipe. En 1899, la grande nouveauté qu’est le cinématographe fait son apparition au musée.
En 1910, deux jeunes femmes, les sœurs Mathurin, héritent de l’établissement. Le succès du Musée Éden ne fait plus aucun doute et ce sont sans contredit les représentations de meurtres célèbres qui attirent les foules : des scènes d’horreur reproduites fidèlement, souvent avec des artéfacts provenant des lieux mêmes des crimes et représentant des victimes de cire plus vraies que nature, éventrées, égorgées et baignant dans leur sang. Cette fascination du public pour le morbide et le sordide sera garante du succès du Musée Eden pour les années à venir.
Musée Eden
(l’annonce paru dans l’hebdomadaire Le Canada, le 4 avril 1903)
Instruire en amusant, voilé une mission éminemment belle pour l’accomplissement de laquelle ceux qui s’y dévouent méritent des félicitations. C’est la mission des directeurs du Musée Eden, de l’Odéon, et du Cosmorama et il faut dire qu’ils s’en acquittent avec le succès le plus éclatant. Tout le monde sait que le Musée Eden se trouve au Monument National. Au Musée, le visiteur assiste à la découverte de l’Amérique, à la fondation du Canada, aux émouvantes péripéties des luttes de la dernière période de la domination française. Les personnages qui y joueront le rôle le plus marquant y sont représentés grandeur naturelle. Nous avont devant nous l’histoire vivante du Canada.
Le Musée est ouvert tous les jours de 9 à 22, et les dimanches, de 12 heures à 22 heures. L’entrée n’est que de 10 cents.
Sources :
- La Minerve, 9 juillet 1894
- La Minerve, 10 juillet 1894
- Gagnon Hervé, Divertir et instruire : les musées de Montréal au 19e siècle, Éditions GGC, 1999.
- L’hebdomadaire Le Canada, le 4 avril 1903.

Scène du Musée Éden. Cœurs sensibles, s’abstenir. Source : Bibliothèque et archives nationales du Québec. Fonds Conrad Poirier. Site Web Radio-Canada.
Voir aussi :
Vous devez vous enregistrer pour ajouter un commentaire Login