Mme Vaira Vike-Freiberga décorée
Remise de l’Ordre national du Québec à la présidente de la République de Lettonie, son excellence Madame Vaira Vike-Freiberga.
Allocution de M. Jean Charest, premier ministre du Québec.
Québec, le 20 septembre 2006.
Madame la Présidente de Lettonie, Son Excellence Vaira Vike-Freiberga.
Monsieur Imants Freibergs.
Madame le Lieutenant-Gouverneur.
Mme et Monsieur l’Ambassadeur de Lettonie au Canada.
Madame Ambassadrice du Canada auprès de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie.
Monsieur le Consul du Brésil et autres membres du corps consulaire.
M. le Président de l’Assemblée nationale.
Monsieur le Chef de l’opposition officielle.
Monsieur le Président du Conseil de l’Ordre national du Québec.
Distingués invités.
Mesdames et Messieurs.
Le peuple québécois est honoré d’accueillir dans cette enceinte la présidente de Lettonie. D’autant que son parcours personnel, forgé par les bouleversements de l’histoire du XXe siècle, est exceptionnel.
Vous avez, Excellence, triomphé de l’adversité grâce à une force de caractère peu commune. Votre approche, fondée sur l’entente et la conciliation, alliée à votre capacité de lancer des défis, vous a permis de maintenir et de renforcer les idéaux de l’État letton. Vous avez contribué à rehausser le profil international de votre pays. Vous avez su consolider sa souveraineté et sa sécurité.
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Sous votre gouverne, la Lettonie est devenue membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Conseil de l’Europe, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et du Conseil des États riverains de la mer Baltique. La Lettonie a ainsi largement fait la preuve qu’elle peut s’intégrer et se développer au sein de l’Occident. Elle a connu l’une des plus fortes croissances économiques des pays de l’Europe centrale et orientale.
L’année 2004 marque un tournant historique de la Lettonie par sa double adhésion à l’OTAN dont elle sera l’hôte du prochain sommet et à l’Union européenne. La Lettonie est fière de contribuer à la construction de l’Europe.
Vous avez vécu un moment de très grande émotion quand le drapeau rouge et blanc a été hissé, à Dublin, avec ceux des autres États membres de l’Union européenne. Après soixante ans, l’Europe était unie. Les dernières séquelles de la Deuxième Guerre mondiale s’effaçaient.
Excellence, votre puissance de travail, vos talents diplomatiques, vos habiletés linguistiques, votre fermeté, votre dignité et votre chaleur humaine ont su instiller cette confiance nationale, essentielle à la défense des intérêts de votre pays.
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Vous avez ainsi usé des pouvoirs que vous confère la Constitution pour obtenir une loi sur la langue qui protège les droits linguistiques des Lettons, tout en tenant compte des droits de ceux qui ne sont pas de même origine linguistique. Vous vous êtes en cela, avez-vous affirmé, inspirée de l’expérience québécoise et de la politique linguistique du Québec. En fait, la Lettonie connaît une véritable « révolution tranquille », comme celle dont vous avez été témoin au Québec à la fin des années 60.
Exilée, accueillie au Canada, vous avez obtenu en 1965 un doctorat en psychologie expérimentale de l’Université McGill et êtes devenue professeure de psychologie à l’Université de Montréal, poste que vous occuperez durant 33 ans.
Vous y avez enseigné la psychopharmacologie, la psycholinguistique, les théories scientifiques et les méthodes expérimentales.
Parallèlement, vous avez poursuivi des recherches sur la sémiotique, la poétique et la structure des textes de chansons folkloriques lettones les daïnas en utilisant des méthodes informatisées. Vous avez mené ces recherches avec votre époux, M. Imants Freibergs, professeur d’informatique à l’UQAM, que je salue.
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Transmises oralement pendant des siècles, essentiellement par les femmes, les daïnas, aux accents tout autant enracinés qu’universels, sont l’âme du peuple letton. Plus qu’une tradition littéraire, ces quatrains spécifiquement lettons dans leur structure, leurs sentiments et leur vision du monde incarnent l’héritage culturel letton. Ce sont des chants de résistance et d’affirmation identitaire. Ils ont été légués par des ancêtres que l’Histoire avait privés de formes d’expression plus tangibles. Ils sont la mémoire de la Lettonie, qui aurait décidément pu faire sienne notre devise Je me souviens. Vos travaux ont contribué à la décision prise par l’UNESCO, en 2001, d’inscrire les daïnas au patrimoine culturel de l’Humanité.
Durant des décennies, vous vous êtes engagée dans la communauté lettone et balte. Vous avez fait la promotion de l’identité lettone au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Europe. Aussi vous avez encouragé les jeunes Lettons à s’approprier leur patrimoine culturel. Vous avez publié huit ouvrages, rédigé plus de 160 articles, prononcé plus de 250 discours et effectué nombre d’entrevues.
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Vous avez exprimé avec force vos idées sur les questions sociales, les valeurs morales, l’histoire européenne et la démocratie, et ce, en letton, en allemand, en français, en anglais et en espagnol.
À votre retraite de l’Université, en 1998, on vous offre la direction de l’Institut de Lettonie, consacré à la diffusion de la culture lettone. Un an plus tard, vous devenez présidente de la jeune démocratie et première femme à accéder à la tête d’un pays d’Europe centrale et orientale.
La liste des postes que vous avez occupés, qui serait trop longue à énumérer dans son intégralité, témoigne d’un engagement social et professionnel exceptionnel.
Qu’il suffise de mentionner que vous avez occupé, entre autres nombreuses charges, celles de:
- présidente de l’Académie des lettres et des sciences humaines de la Société Royale du Canada;
- vice-présidente du Conseil des sciences du Canada;
- présidente de l’Association pour l’avancement des études baltes;
- présidente de la Fédération des sciences sociales du Canada;
- présidente du Programme scientifique de l’OTAN sur les facteurs humains;
- présidente de la Société canadienne de psychologie;
- représentante-consultante invitée par le Parlement brésilien à la Commission de la réforme constitutionnelle;
- membre du conseil d’administration et du comité exécutif de la Fédération des sciences humaines du Canada;
- membre du Conseil mondial des femmes dirigeantes de l’Université Harvard.
Vous êtes récipiendaire de plus de vingt ordres de mérite de premier niveau de divers pays européens, dont :
- L’Ordre de la Princesse Sainte Olga Égale-des-apôtres, 1re classe, Patriarchie de Moscou et de toute la Russie;
- la Grand-Croix, classe spéciale, de l’ordre du mérite de la République fédérale d’Allemagne;
- la Légion d’honneur, 1re classe, de la République française.
Vous avez reçu en outre :
- la grande médaille de l’Académie des sciences de Lettonie pour l’ensemble de votre œuvre portant sur la littérature orale et les chansons folkloriques lettones;
- la médaille Pierre-Chauveau de la Société Royale du Canada;
- le prix Marcel-Vincent en sciences sociales, de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences;
- La médaille de la Fondation Édouard-Montpetit de l’Université de Montréal;
- La médaille d’or de l’Université libre de Berlin;
- La médaille d’or de l’Université Georgetown.
- Il existe même une variété de tulipes créée par les horticulteurs néerlandais et nommée President Vaira.
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Excellence, vous revenez au pays qui vous a accueillie et vous a vue vous affirmer de manière exceptionnelle. Aussi, je salue en vous, tout autant que la présidente de Lettonie, une Québécoise éminente qui a conservé au Québec de profondes racines.
Aujourd’hui, le peuple du Québec vous salue, vous honore et vous remercie d’avoir contribué, tout autant par vos activités professionnelles émérites que par votre stature de chef d’État, au rayonnement du Québec.
En vous remettant l’Ordre national du Québec le premier remis à un chef d’État le gouvernement du Québec souhaite reconnaître publiquement l’estime qu’inspire au peuple du Québec la détermination dont vous avez fait preuve dans la promotion de votre culture et l’essor de votre patrie. Il prend acte de votre grande sensibilité à l’égard de l’identité et de l’avenir des peuples et de votre apport à la solidarité entre les nations.
Votre Excellence Vaira Vike-Freiberga, au nom du peuple québécois, j’ai l’honneur de vous décorer de l’insigne d’officier de l’Ordre national du Québec.