Us et coutumes Indiens

Une jolie Indienne nous parle des us et coutumes des siens à Caughnawaga

Par Marie Tétrault

Un spectacle coloré et plein de surprises que ce divertissement offert par les Indiens de Caughnawaga aux patients de l’hôpital de Senneville, vendredi soir dernier. Danses, cris de guerre, costumes mirifiques, bonnets de guerre aux plumes multicolores, tam-tams, tomakawks, rien ne manquait. Et les vieillards, vétérans de la guerre de 1914, tout en fumant une bonne pipe, un cigare ou une cigarette, en avaient le cœur tout regaillardi.

En causant avec M. Stiles, le surveillant récréatif de l’hôpital, nous découvrons que ses 165 protégés sont l’objet de ses plus chères préoccupations. Tous plus ou moins abandonnés, ils retrouvent à Senneville un foyer, maison où l’on ne pose pas de questions, et où l’on prend le plus grand soin de leur vieil âge, et de leur solitude, tout en leur permettant de se livrer à leur métier ou leur distraction favorite. Une diététicienne, une physiothérapiste, des surveillants, un personnel de cuisine voient à leur confort.

Visite d’amis indiens

Vendredi soir, c’était grande fête, une fête renouvelée, si nous pouvons dire, car le grand chef Aste La ron Kwan, communément appelé Big Chief Poking Fire, avec une petite troupe, donnait un divertissement en l’honneur des bons vieux, pour la X fois, les patients de Senneville ayant même déjà été ses invités, à la réserve.

Il était superbe le grand chef, avec ses habits d’apparat, en véritable cuir, entièrement brodé de perles ; ses multiples colliers, dont l’un, en griffes d’ours ; une magnifique bande entièrement brodée de perles multicolores, une relique vieille de 200 ans ; son casque de guerre formant un immense halo se détachant en arrière en deux longues traînées de plus touchant le sol. Avec cela, non pas un air agressif et farouche, un air guerrier ; mais, dans le visage quelque chose de paternel et de doux ; un air de patriarche bon enfant.

Us et coutumes indiennes

La femme du grand chef, à notre demande, nous a ensuite donné une véritable interview sur la vie des habitants des diverses tribus habitant Caughnowaga. Une femme mignonne, avec deux grands yeux noirs allongés ; ses cheveux d’ébène, séparés dans le milieu, retombent sur ses épaules et lourdes tresses. Quoique elle soit grand’maman, sa peau lisse, son sourire spirituel, sa vivacité prouvent une jeunesse extraordinaire. Elle s’appelle « Gathering words » et nous raconte la charmante façon avec laquelle on procède au choix des noms chez les Indiens. La première chose qu’aperçoit la jeune maman en reprenant conscience après la naissance du bébé, lui inspirera un nom pour son petit. Ainsi, une coutume veut que des femmes du clan visitent les voisines et transportent les nouvelles. La mamand de « Gathering words » s’éveilla au beau milieu d’une de ces réunions, d’où le nom de la femme du grand chef.

D’autres verront, au réveil, tomber les feuilles d’automne, ou bien un épais brouillard, une scène d’hiver, d’où les noms Falling leaves, Gathering pines, White dove, Bringing flowers, etc.

Traditions charmantes

Notre interlocutrice portait une robe de chevreau blanc, brodée de perles, une couverture rayée sur les épaules, des bijoux et sa tête fine était ceinturée d’une bande d’où sortaient deux plumes.

Cette bande est un autre symbole. Quand on trouvait autrefois un traître parmi la tribu, on le marquait au fer chaud, sur la poitrine si c’était un homme, sur le front si c’était une femme. D’où la bande qui devait cacher la cicatrice. Elle ne se porte plus comme un signe d’abjection aujourd’hui, mais comme une simple marque de coquetterie. Les femmes mariées y ajoutent deux plumes, les femmes célibataires, une seule.

Gathering Words s’exprime dans un français et un anglais impeccables, ayant fait des études chez les Sœurs Ste-Anne à Lachine, puis à Ste-Geneviève, enfin à Troye, New York. Sa distraction favorite est la couture. Ses amies et elle, ont organisé un espèce de cercle ; elles s’y réunissent pour coudre pour les pauvres.

Nourriture nationale

Et le mets national ? C’est le pain et la soupe au maïs, qui sont faits avec des coutumes et des rites bien spéciaux. Le blé d’Inde est séché, puis moulu pour devenir farine. On prépare ensuite le pain de maïs, que l’on mange tous les dimanches, et la fameuse soupe de maïs qui est le mets des grands jours, comme la fête du grand chef le 5 juillet, les mariages et autres célébrations.

Quant à l’instruction, elle se donne d’une façon de plus en plus soignée, maintenant qu’en plus des religieuses de Sainte-Anne, la réserve comprend un collège de Jésuites où les Indiens apprennent des métiers. Spécialisés dans la construction des ponts, ils n’avaient pas eu beaucoup d’autres moyens de subsistance, sauf leurs travaux d’artisanat. On espère beaucoup de la nouvelle école qui ouvre des horizons aux habitants de Caughnawaga.

Don des patients

La réunion se termina après que les patients de Senneville ait eu offert leurs tributs de reconnaissance aux Indiens. À la femme du grand chef, on présenta une petite chose de bois qui camoufle une boîte à ouvrage, travail exécuté à la main, par un patient, M. C, Vallée ; on envoya au petit-fils de Poking Fire un arc et des flèches faits par un autre pensionnaire de Senneville, M. William Ramezay.

Monsieur Slides, les visiteurs indiens, des représentants du Département des Affaires des Vétérans prirent ensuite un goûter et fumèrent le calumet de paix.

(Le Canada, lundi 23 janvier 1950).

À lire aussi :

Cette période – ces jours qui paraissaient rétrospectivement étranges et beaux – ne dura pas longtemps. Les gens avaient commencé à imaginer l’avenir lointain au moment où il leur avait été brutalement arraché, c’était ironique. (Stephen Baxter, Temps.) Photographie de Megan Jorgensen.
Cette période – ces jours qui paraîssaient rétrospectivement étranges et beaux – ne dura pas longtemps. Les gens avaient commencé à imaginer l’avenir lointain au moment où il leur avait été brutalement arraché, c’était ironique. (Stephen Baxter, Temps.) Photographie de Megan Jorgensen.

Laisser un commentaire