Le rite de la tente tremblante

Le rite de la tente tremblante. Par Nadine Trudeau (exemple ethnographique)

Tente tremblante : Avant leur évangélisation et leur sédentarisation, les autochtones des régions subarctiques partager des croyances selon lesquelles les êtres humains cherchant à capturer un animal devaient non seulement connaître ses habitudes, mais aussi pour voir entrer en communication avec lui. Cette relation entre êtres humains et animal s’établissait souvent par l’intermédiaire d’esprits appelés « maîtres des animaux ». Ces esprits-maîtres veillaient sur les animaux et déterminaient leurs déplacements. Sans leur assentiment donc, le gibier restait hors de portée des chasseurs. Il fallait absolument entretenir de bonnes relations avec les esprits-maîtres pour qu’ils consentent à la capture des animaux. Une fois bien disposés, les esprits-maîtres renseignaient les êtres humains sur la localisation des bêtes. Principalement au moyen de rêves, du tambour ou du rite de la tante tremblante.

Le rite de la tente tremblante comptait parmi les pratiques chamaniques des Cris (Turner, 1979. Rousseau et Rousseau, 1947), des Innus (Vincent, 1973. Armitage, 1992, Speck, 1977), des Naskapis (Spec, 1977) et aussi, dans une moindre, mesure des algonquines (Leroux, 1992). Contrairement à d’autres rites qui visaient également la communication avec le monde invisible et qui étaient à la portée de tous, la cérémonie de la tente tremblante ne pouvait être officiée que par le chaman. Il fallait posséder des facultés extraordinaires pour bien communiquer avec les êtres non humains. Ainsi seul un chaman puissant avait ces facultés. De plus, on considérait qu’il était dangereux de pratiquer ce rite, car, en cas d’échec, les esprits pouvaient manifester une grande colère et jeter des sorts au groupe (Armitage, 1992).

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Pour pratiquer ce rite, il fallait ériger une tente spéciale selon des règles transmises en rêve au chaman par les esprits. Généralement, la tente tremblante était construite au moyen de 4 6 ou 8 piquets de bois de genévrier, entourés de deux cerceaux, l’un de cèdre et l’autre d’amélanchier. Le tout était recouvert des peaux des caribous ou d’un autre cervidé et prenait alors la forme d’un dôme plus que large. Pour éviter que la lumière ni pénètre, on obstruait les fentes et les craquelures dans la toile (Turner, 1977), ou bien on érigeait la tente tremblante à l’intérieur d’une autre tente plus grande (Bouchard, 1977).

Après en avoir fait le tour trois fois, le chameau entrait seul dans la tente, laissant les autres à l’extérieur. Il s’installait au centre, assis sur les talons, le visage tourné vers le sol. Il commençait alors à chanter. Parfois aussi à jouer du tambour. Lorsque un esprit (un maître des animaux, par exemple) répondait à l’appel et à entrait dans la tente, celle-ci était secouée vigoureusement. Venaient ensuite d’autres esprits qui se présentaient un à un, après avoir frappé sur les parois de la tente avant d’entrer.

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Le chaman communiquait avec les esprits par le chant, jamais par la parole. Cette communication l’amenait ainsi à voir ce que normalement les yeux ne voient pas. Par exemple, elle lui permettait de connaître la localisation du gibier, de recevoir des nouvelles de familles ou de personnes disparues, de prévoir les dangers qui planaient sur le groupe, etc. Si le chaman avait plutôt l’intention des combattre un être malfaisant, il invoquait les mauvais esprits pour qu’ils le tuent (Vincent, 1973. Armitage, 1992).

Le chaman ne devait pas abuser de la tente tremblante. Il fallait que le motif en vaille vraiment la peine et que les autres moyens employés aient échoué. L’échec des autres rites signifiait que la communication avec l’esprit avait été perturbée parce que on lui avait manqué de respect, par exemple. Il fallait alors entrer en contact avec lui et suivre ses recommandations pour que soit réparée l’erreur commise.

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Mathieu Meskosho, un Innu de Mingan qui a raconté ses souvenirs de jeunesse à l’anthropologue Serge Bouchard, décrit comme suit une cérémonie de tente tremblante officiée par le chaman, après un épisode de famine :

Il décidèrent de dresser une tante tremblante pour en savoir plus long. Ils firent la cérémonie durant la soirée. Ils montèrent une petite tente tremblante à l’intérieur de la tente familiale. Alors le chaman entra à l’intérieur de la tente et tous les autres se rassemblèrent autour. Tous ceux-là entendirent Papakassik, le Maître des caribous, faire son entrée dans la tente. Il était de mauvaise humeur à cause du gaspillage de huit caribous.

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« Mais qu’avez vous donc fait ? Je vous donne de la nourriture et vous ne la prenez pas ». Le maître du caribou, par la voix du chaman, continua son discours. « Vous pourriez au moins ramener les os du caribou pour vous en faire de la graisse. Enfin, vous pourriez au moins ramener les peaux de caribou pour fabriquer de la babiche. Vous pourriez aussi ramener les têtes de caribou qui sont si bonnes à manger. Il est important que vous fassiez de la graisse. Il faut que tout soit prêt demain et je tiens à ce que toute la graisse soit consommée après-demain. » (Bouchard, 1977, page 123″).

Seuls les bons chasseurs pouvaient aspirer à devenir chamans, car leurs pouvoirs devait donner des résultats concrets : vaincre une famine, attirer les bonnes augures, localiser le gibier. La faculté de clairvoyance des chamans et la capacité d’interpréter les signes des êtres non humains témoignaient de leur grande puissance. Cette puissance, qui se dit manitushiun en langue innue, s’acquérait tout au long de leur vie des chasseur et elle était directement liée au nombre d’animaux qu’ils avaient capturés. Elle révélait ainsi les rapports privilégiés qu’ils avaient entretenus des news avec les maîtres des animaux. (Armitage, 1992).

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