Les types sociojuridiques de Noirs au Québec aux 18e et 19e siècles

Les types sociojuridiques de Noirs au Québec

Les personnes qui composent la population noire du Québec, entre 1629 et 1889, peuvent être réparties comme suit, selon leur statut sociojuridique.

Les esclaves

Il convient de distinguer les esclaves de fait, les esclaves de droit, les butins de guerre, les esclaves américains noirs réfugiés au Québec et les esclaves des Loyalistes américains blancs réfugiés au Québec.

Les esclaves de fait : L’esclavage de facto a existé en Nouvelle-France avant le dix-huitième siècle.

Le premier Noir recensé en Nouvelle-France, en 1629, est Olivier Le Jeune. Bien qu’il ait été caractérisé de « domestique », dans les documents officiels, il a été « acquis », comme une marchandise. Il a été « donné en cadeau », donc a changé de propriétaires. Il est une main-d’œuvre gratuite ou bon marché. Le nom qu’il porte est celui de ses maîtres successifs. Enfin, il est dépouillé de son identité africaine, dont ses convictions religieuses et son nom.

Les esclaves de droit : Ils sont de condition ou d’origine différente : les esclaves importés par des propriétaires francophones ou anglophones, les butins de guerre, les esclaves noirs américains réfugiés au Québec pendant l’esclavage au Canada et les esclaves noirs américains dont les maîtres, Loyalistes blancs aux États-Unis, sont réfugiés au Québec. Les modes d’approvisionnement des esclaves importés sont encore largement inconnus. Quoi qu’il en soit, on se les procure en haute mer, dans les Antilles, parfois aux États-Unis ou en Afrique. Sur ce dernier point, les mémoires non publiés d’un marin québécois qui participe au trafic intercontinental du « bois d’ébène », à la fin du dix-huitième et au début du dix-neuvième siècle, en font foi.

Les butins de guerre : Un autre groupe d’esclaves est constitué d’hommes et de femmes tombés aux mains de l’ennemi, à l’occasion des luttes armées que se livrent la France, l’Angleterre, ou les colonies anglaises dans les futurs États-Unis, en 1694, entre 1700 et 1711, entre 1745 et 1757, entre 1758 et 1863, ou entre 1775 et 1783. Certains de ces butins de guerre sont des esclaves, des esclaves – soldats ou des soldats : quatorze (34%) sont enrôlés dans l’armée anglaise. Cinq autres occupent le rang de soldats dans l’armée française.

Des esclaves noirs américains réfugiés au Québec : Entre 1732 et 1794, cinq Noirs se réfugient au Québec. Ils sont réclamés par leurs propriétaires, mais la cour refuse de les remettre aux « propriétaires et les libère plus tôt. Dans les premières décennies du 19e siècle, soit entre 1812 et 1850, apparemment aucun esclave noir n’est venu au Québec. Il en est probablement de même par la suite, entre cette dernière date et 1863, période pendant laquelle plusieurs esclaves américains se réfugient plutôt dans d’autres provinces canadiennes, grâce au «chemin de fer souterrain ».

Le gouvernement édicte, en 1833, une loi en vertu de laquelle le Canada peut renvoyer aux États-Unis les esclaves fugitifs américains. Même si le gouvernement refuse d’extrader quelques-uns d’entre eux, la possibilité qu’il agisse ainsi en tout temps demeure une épée de Damoclès suspendue sur leur tête.

Dans ces circonstances, le sort de quelques esclaves américains réfugiés au Canada demeure problématique.

Les esclaves de Loyalistes américains blancs réfugiés au Québec : Le dernier type d’esclaves au Québec est constitué de ceux de Loyalistes blancs. Ces derniers vivaient dans les futures États-Unis, alors colonies anglaises, et étaient restés loyaux à la Couronne britannique. Entre 1775 et 1783 ou entre 1775 et 1779, au moins 7 mille d’entre eux viennent s’établir au Bas-Canada, surtout dans les Cantons-de-l’Est, accompagnés de leurs esclaves. Selon quelques dossiers, seulement quinze ou un peu plus d’esclaves noirs, qui accompagnent leurs maîtres, sont recensés au Bas-Canada à cette époque. Des Loyalistes noirs ont effectivement émigré vers d’autres provinces du Canada, dont la Nouvelle-Écosse, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick. Selon l’historien Trudel, insatisfaits de leurs conditions, des Loyalistes noirs établis en Nouvelle-Écosse ont pu gagner Montréal par la suite, mais ce n’est qu’une hypothèse.

(Extraits du livre de Daniel Gay Les Noirs au Québec (1629-1900), Cahiers des Amériques, les éditions du Septentrion, 2004, pp. 81-89).

Fort Charlotte
Fort Charlotte à Nassau, les Bahamas, qui a servi d’un poste de traite au 18e siècle. Photo : GrandQuebec.com.

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