Histoire de la communauté juive du Québec
En 1627, le cardinal Richelieu, ministre du roi de France, fait décréter une proclamation royale selon laquelle Louis XIII bannit tous les non catholiques de la Nouvelle-France. Cet édit vise à exclure les Juifs et les Huguenots (les Protestants) de la colonisation.
Soixante-dix ans plus tard, en 1695, Louis XIV, sur recommandation de l’intendant Colbert, son expert financier, confirme ces restrictions et proclame la religion catholique la seule religion du territoire de France et de ses colonies. Les Juifs et les Huguenots (Protestants) ne peuvent désormais entrer en Nouvelle-France. La situation ne commence à changer qu’au dix-huitième siècle.
En 1738, arrive en Nouvelle-France Mme Esther Brandeau. Elle est la première représentante des Juifs à s’y installer. À vrai dire, cette jeune fille était déguisée en garçon et se présentait sous le nom de Jacques La Fargue. Elle a été découverte et on l’a appelée à se convertir au catholicisme. Mme Esther Brandeau refuse. On exige son expulsion.
Elle dit n’avoir pas d’argent pour payer son voyage de retour, la colonie ne veut pas créer de précédent en payant le voyage avec ses ressources et Esther Brandeau demeure donc au Québec jusqu’en 1739, date à laquelle elle est reconduite en France aux frais du roi Louis XIV.
Après la chute du régime français en Nouvelle-France, il n’y avait pas encore de Juifs au Canada, tandis que parmi les colons britanniques, il y avait 3 000 Juifs en Nouvelle-Angleterre.
C’est en 1763 que M. Lazarus David et son épouse Phoebe, s’établissent à Montréal. L’année suivante, le 14 octobre 1764 naît David David, le premier Juif né dans la province de Québec. Cinq ans plus tard, en 1768, la première synagogue est fondée au Canada, organisée par les Juifs issus de la communauté juive espagnole et portugaise, arrivés à Montréal. C’était une synagogue de rite sépharade.
Le 22 octobre 1776, David Lazarus est inhumé à Montréal et le premier cimetière juif en Amérique du Nord s’ouvre, à l’angle des rues Saint-Janvier (aujourd’hui, La Gauchetière) et Saint-François-de-Sales (aujourd’hui, Peel). L’année suivante la première synagogue s’ouvre à Québec, à l’angle de la rue Saint-Jacques et de la rue Notre-Dame.
À partir de ce moment, les Juifs ont joué un rôle important dans le pays. La première nomination importante d’un Juif à un poste public eut lieu en 1790, quand John Franks est nommé chef de la brigade antiincendies de Québec. L’importance de cette nomination est encore plus grande si on se souvient des ravages causées par les incendies à cette époque où tous les bâtiments ou presque étaient en bois.
En 1806, le nombre des Juifs au Canada atteint 100 personnes. Et en 1807, M. Ezéchiel Hart est élu député de Trois-Rivières à la Chambre de l’assemblée du Bas-Canada. Mais il n’est pas autorisé à siéger à la Chambre de l’assemblée parce que les Juifs n’ont pas le droit d’être élus députés dans l’Empire britannique. Ezéchiel Hart n’abandonne pas et les citoyens de Trois-Rivières le réélisent une autre fois ! Mais le gouvernement insiste en ne reconnaissant pas son droit d’être député.
C’est seulement en 1832 que, sur proposition du député John Neilson, appuyé par le député Louis-Joseph Papineau, les Juifs se voient accorder tous les droits et privilèges dont jouissent les citoyens du Bas-Canada dont celui de siéger comme député.
Un des Juifs les plus célèbres du Québec était M. Moses Judah Hays (ou Hayes) né à Montréal en 1789. Il conçoit et construit le premier aqueduc à Montréal en 1833 et il construit en 1848 un théâtre spacieux. En reconnaissance des services qu’il n’avait cessé de rendre à la municipalité, il fut nommé chef de la police municipale en 1845, poste qu’il occupa durant seize ans, jusqu’à sa mort en 1861.
À la fin du XIX siècle, notamment en 1897, la première publication d’un journal juif en langue anglaise, apparaît – Canadian Jewish Times – dirigé à Montréal par Hirsch Wolofsky et dix ans plus tard, la première bibliothèque juive au Canada s’ouvre à Montréal.
En 1913, le Canada compte 60 000 Juifs. En 1934, le Jewish General Hospital de Montréal avec 205 lits ouvre ses portes, à l’angle des rues Côte-des-Neiges et Côte-Sainte-Catherine (cette institution est ouverte à tous les malades indépendamment de leur race, leur religion ou leur origine).
Au cours de la deuxième guerre mondiale de 1939-1945, 16 680 Juifs canadiens servent dans les Forces armées canadiennes dont 10 440 dans l’armée de terre, 5 870 dans l’aviation et 570 dans la marine, 421 Juifs périrent au combat dont 104 natifs du Québec.
Après la guerre, entre 1947 et 1952, le Canada admet 11 064 Juifs, dont 40 % s’installent à Montréal. Mille cent jeunes orphelins, qui avaient vécu dans des camps de concentration ou qui avaient pu se cacher durant la guerre, sont accueillis à Montréal grâce à un programme dirigé par le Congrès juif canadien. En 1952, la population de Montréal comptait 85 000 Juifs et en 1971, la population juive du Québec était de 111 000 personnes.
Vers le début du XXIe siècle, la communauté juive de Montréal comptait 101 000 personnes et était la deuxième communauté juive en importance au Canada et onzième en Amérique du Nord. Aujourd’hui 60% de la communauté réside à Côte-Saint-Luc, Hampstead, dans les quartier Côte-des-Neiges et Snowdon à Montréal et dans l’ouest de l’île de Montréal. Plus de 80 % de la communauté est bilingue, mais ce taux passe à 91% chez les juifs âgés entre 18 et 34 ans. Environ 21 mille sont d’obédience séphardique venus de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, alors que 80 000 sont d’obédience ashkénaze venus de l’Europe de l’Est. Un peu moins de 37% des Juifs de Montréal sont nés hors du Canada. Montréal compte une cinquantaine de synagogues. Des milliers de survivants de l’Holocauste ont vécu au Québec.
Voir aussi :
- Musée de l’Holocauste
- Temple Emanu-El Beth Sholom
- Côte-Saint-Luc à Montréal
- Séjour chez des Juifs
- Immigration à Montréal vers la première moitié du XXe siècle
- Communautés ethniques au Québec
- Migration juive au Canada