John Lambert et son « Voyage au Canada dans les années 1806, 1807 et 1808 ».
Dans « Voyage au Canada », John Lambert consacre un chapitre entier aux Amérindiens (John Lambert, Voyage au Canada dans les années 1806, 1807 et 1808, Québec, Septentrion, 2006, p. 237). « Les Indiens qui habitent le Bas-Canada, explique-t-il, se limitent à quelques tribus errantes près de l’estuaire du Saint-Laurent et à ceux qui résident dans les villages de Lorette, Bécancour, Saint-François, las ces Deux Montagnes, Cachenonaga ((Caughnawaga), etc. Avant la conquête du Canada par les Anglais, les Français avaient fait des progrès considérables dans la civilisation des Indiens dont le nombre dépassait 16 000 dans la province.
À la fin de la guerre, le nombre s’est réduit à 7 400 et il a continué à décliner; actuellement, le nombre d’Indiens établis au Bas-Canada ne dépasse pas 2 000 ». Ces chiffres ne sont peut-être pas exacts, mais ils donnent une idée de l’évaluation qu’on faisait au moment de son séjour au Canada « dans les années 1806, 1807 et 1808… Cette fore baisse de population des nations indiennes, poursuit-il, est commune à plusieurs régions du continent américain, conséquences des méfaits de l’alcool et des ravages de certaines maladies, dont la variole. Il a lui-même été témoin d’une épidémie en 1808 dans un village indien de Mississauga, près de Kingston, où « pas plus de 20 habitants ont survécu sur 500 ».
Lambert ne se contente pas de statistiques : il a nombre de commentaires à faire. Comme tous les voyageurs européens, il est fasciné par les Amérindiens dont il trace, en conclusion, un pourrait assez cru. « C’est dans cet état de dégénérescence que l’on retrouve à l’heure actuelle tous les habitants des villages indiens du Bas-Canada. Au lieu de s’adonner à l’agriculture, au commerce et aux arts, ils errent dans la forêt en quête d’une subsistance incertaine. Ils se rendent dans les villages et dans les villes adjacentes dans le seul but de disposer de leurs fourrures et de s’enivrer de leur boisson préférée. »
Tout en soulignant au passage la progression du métissage, qui ne les soustrait pas à « la même vie indolente et irrégulière qui était propre à leurs ancêtres », Lambert revient constamment sur le problème de l’ivrognerie et du désœuvrement des Amérindiens. « Ils sont un reproche vivant adressé aux Européens qui, en prenant possession de leur pays. Ont introduit chez eux la maladie, le vice et la misère au lieu de la vertu, de la civilisation et du bonheur chrétiens ». Il en vient presque à « regretter la découverte de l’Amérique ».
Une fois passée l’alerte de 1812-1813, la distribution annuelle des présents sera sérieusement remise en question. Londres s’interroge même sur la nécessité d’un département des affaires indiennes. L’époque des commissions d’enquête s’ouvrait. Elles conduiront à la Loi sur les Indiens (1876), qui en fait des pupilles de l’État, et à la création de réserves – deux mesures destinées à protéger les Amérindiens de la disparition. Malgré leurs défauts, ces deux mesures atteindront leurs effets. Lorsque le premier ministre Pierre Elliott Trudeau veut, en 1969,f faire des Amérindiens des citoyens à part entière, plusieurs leaders se rebiffent. Ils dénoncent la loi et les réserves, mais ne sont pas prêts à y renoncer. Ils feront reculer Trudeau. En 1981, au moment où ce dernier entend rapatrier la constitution canadienne qui est toujours une loi britannique, ils manifestent leurs inquiétudes. Le premier ministre les fait taire en introduisant dans le nouvelle constitution l’obligation de respecter les « droits ancestraux » (notion à définir) et ceux qui sont issus des traités, lesquels sont inexistants au Québec où a prévalu la cohabitation fondée sur des traités d’amitié. La question autochtone est dorénavant l’affaire des tribunaux et des juristes.
… En fait, des maladies d’origine européenne, tout particulièrement la variole, vont anéantir les populations des Amériques. Mémoralistes et voyageurs d’autrefois évaluent à près de 90% le taux de mortalité due à des épidémies de variole.
(Tiré du libre La Chute de la Nouvelle-France. De l’affaire Jumonville au traité de Paris sous la direction de Bertrand Fonck et Laurent Veyssière).
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