Les Amérindiens du Québec
Les premières traces humaines retrouvées dans les régions du Canada de l’Est et dans le nord des États-Unis datent de l’époque qui suivit la dernière glaciation. En effet, durant la période paléo-indienne, qui dans cette région se poursuivit de 9000 à 8000 environ avant notre ère, le front sud d’un vaste glacier continental occupait les régions sud et centre de l’Ontario, tandis que la mer de Champlain recouvrait la vallée du Saint-Laurent.
Vers la fin de la glaciation, le sud de l’Ontario ne contenait probablement qu’une ou deux bandes nomades qui survivaient en chassant le caribou. Mais le climat se réchauffait la toundra parsemée de sapins se transforma peu à peu en forêt boréale, les arbres de bois franc se répandirent au centre de l’Ontario, le chevreuil non migrateur remplaça le caribou comme gibier principal. Ensuite, vers 4000 avant notre ère, les conditions de l’environnement se stabilisèrent et le milieu atteignit l’état que nous lui connaissons aujourd’hui.
La population augmentant graduellement, les bandes durent se limiter à habiter de petites vallées ou à se partager les territoires des vallées plus grandes. Ainsi, les contacts entre bandes voisins augmentèrent et au début de l’Archaïque supérieur, des matériaux exotiques, tels de cuivre natif de la région du lac Supérieur, les coquillages en provenance des côtes de l’Atlantique et du golfe du Mexique s’échangeaient d’un groupe à l’autre à travers tout le territoire de l’Amérique du Nord-Est.
Nul doute, ces échanges, ainsi que les mariages entre membres de bandes différentes, servirent à favoriser les relations paisibles entre bandes voisines, même si les maigres ressources disponibles durent très probablement provoquer des guerres entre chasseurs-cueilleurs des plaines du Saint-Laurent.
La pêche au filet et à l’aide de barrages, l’usage considérable de noix et d’autres nourritures végétales s’ajoutèrent à la chasse du gros gibier durant l’Archaïque supérieur (4000 – 1500 av. J.-C.). Ces procédures devinrent prépondérantes durant le Sylvicole inférieur (1500-500 av. J.-C.) et le Sylvicole moyen (500 avant J.-C. – 500 après J.-C.)
Les premières poteries remontent au Sylvicole inférieur, mais elles ne se répandent dans la région inférieure des Grands Lacs qu’au début du Sylvicole moyen : de petits pots pour la cuisson, à fond pointu, étaient fabriqués à l’aide du procédé au colombin et décorés de motifs géométriques gravés au moyen de poinçon et de cordelettes. En fait, cet usage croissant de la poterie semble indiquer une diminution du nomadisme vers 800 après Jésus-Christ.
Après une analyse des différences stylistiques de poterie et de divers autres artefacts, on a pu définir au moins trois cultures sensiblement contemporaines au Sylvicole moyen : Saugeen au sud-ouest de l’Ontario, Pointe-Péninsule ontarienne au centre et à l’est du sud de l’Ontario, diverses autres variantes de la culture Pointe-Péninsule au sud du Québec et au nord de l’État de New York.
La population totale augmenta, ainsi que le nombre des bandes qui devaient donc occuper chacune un territoire plus restreint. Des bandes de 100-400 membres se réunissaient au printemps et en été dans les campements de pêche répartis le long des lacs et des rivières. C’est à ces moments de l’année que s’accomplissaient les rites funéraires dans des cimetières aménagés près des campements de pêche. C’est durant ces périodes aussi que les membres des différentes bandes se rendaient visite les uns aux autres pour échanger des biens, assister aux célébrations et négocier les mariages, ce qui permettait de développer les liens amicaux et empêcher que la guerre ne vienne troubler les activités de subsistance. Cela permettait également aux individus de passer d’une bande dont la population avait trop augmenté à une autre moins prolifique.
À cette époque historique, les Algonquins semblaient avoir des chefs dont le statut était héréditaire dans certaines familles. Bien que ces chefs n’aient joui d’aucun pouvoir coercitif, il sembler qu’ils aient été en mesure de résoudre les conflits et de permettre ainsi à des bandes de plusieurs centaines de membres de demeurer ensemble du printemps jusqu’à la fin de l’automne.
Il semblerait pourtant qu’il n’existait aucune ressource alimentaire naturelle dont l’abondance ou la régularité annuelle aurait permis au sédentarisme de se développer. Tôt ou tard doc les bandes devaient se diviser à l’automne en groupes familiaux plus petits qui pénétraient alors dans la forêt pour chasser le gibier. Cette saison hivernale, consacrée à la chasse, était la plus dure de l’année, la plus dangereuse et elle offrait le plus grand risque de mortalité pour l’ensemble de la population.
Pour survivre aux épreuves de l’hiver, il fallait que les chasseurs, dont les aptitudes et la coopération devaient assurer la survie de leurs familles, se rassemblent en groupes efficaces, composés soit d’un homme et de ses fils adultes, soit de plusieurs frères et cousins.
On peut supposer que de petites bandes migratoires contribuèrent à disséminer les nouvelles idées et pratiques sans évincer de leurs territoires les populations indigènes existantes.
De l’avis de la plupart des archéologues, les hommes du Sylvicole moyen demeuraient toute leur vie dans la même bande, alors que les femmes adultes les quittaient pour aller épouser des hommes de bandes différentes. Cette interprétation est contestée pourtant par les ethnologues Lee Guemple ou R.B. Lee et DeVore qui soutiennent que les coutumes de mariage et de résidence des chasseurs-cueilleurs étaient bien plus flexibles et variées.
Selon d’autres anthropologues, les coutumes de résidence matrilocale (c’est-à-dire lorsqu’un homme vient vivre dans la famille de sa femme), telles qu’on peut les observer dans les peuples de chasseurs-cueilleurs vivant sur les côtes de la Colombie-Britannique, ont très bien pu se développer chez les peuples autochtones des plaines du Saint-Laurent au Sylvicole moyen lorsque ces peuples dépendirent principalement de la pêche.
Peu après 500 après Jésus-Christ, la prédominance de l’horticulture dans les basses terres du Saint-Laurent entraîna une série de changements culturels qui aboutirent au mode de vie que nous associons aux Iroquoiens de l’époque historique. Ces tribus avaient un mode de vie bien développé, fondé sur l’horticulture, qui différait totalement de celui des chasseurs-cueilleurs algonquiens que les Iroquoiens remplacèrent. Cette période connue sous le nom de Sylvicole supérieur, se subdivise elle-même en trois sous-périodes : Iroquoien inférieur, Iroquoien moyen et Iroquoien supérieur, mais l’analyse de cette époque fera l’objet d’un autre texte.
Références :
Cleland, C.E. The Inland Shore Fishery of the Northern Great Lakes : Its Development and Importance in Prehistory. Am. Ant. 47, 1982.
Clermont, Norman, et Chapdelaine, Claude. Pointe-du-Buisson 4 : Quarante siècles d’archives oubliées. Montréal, Recherches Amérindiennes au Québec, 1982.
Ritchie, W.A. The Archeology of New York State, Garden City. Natural History Press, 1965.
Roosa, W.B. et Deller, D.B. The Parkhill Complex and Eastern Great Lakes Paleo Indian, Ontario Archeology, 1982
Storck, P.L. Research into the Paleo-Indian Occupations of Ontario : A Review. Ontario Archeology, 1984
Guemple, Lee. Eskimo Band Organisation and the “DP Camp” Hypothesis. Arctic Antropology 9(2). 1972
R.B. Lee et DeVore. Problems in the Study of Hunters and Gatherers, 1968
Trigger, Bruce G. Les Indiens, la fourrure et les Blancs, Français et Amérindiens en Amérique du Nord. Boreal, 1992.
L’homme qui regarde l’horizon voit les oiseaux et les étoiles. (proverbe amérindien). Illustration : © GrandQuebec.ca
Pour compléter la lecture :
- Peuples autochtones du Québec (index thématique)