Rue Notre-Dame de Montréal
Au début, l’extrémité est de la Ville-Marie se terminait par la colline de la Citadelle. Vers 1656, on y érige un moulin entouré d’une palissade flanquée de quatre bastions. On ouvre alors une rue pour donner l’accès à ce moulin.
Le Séminaire de Saint-Sulpice, seigneur de l’île de Montréal, fait ériger une église paroissiale. La raison en est que la chapelle de l’Hôtel-Dieu devient trop petite pour la population en croissance. Afin de faciliter l’accès à l’église, les Sulpiciens aménagent la rue. Par la suite, en juillet 1672, François Dollier de Casson, supérieur du Séminaire, accompagné de l’arpenteur et greffier de la justice M. Bénigne Basset, donne des noms aux rues.
La rue Notre-Dame est la première rue tracée par Dollier de Casson et elle constituait du même début l’artère la plus grande de la ville.
Description de la rue
La rue était l’un des trois grands axes qui traversent la ville d’est en ouest. Étant la principale artère de Ville-Marie, Dollier de Casson il lui donne le nom de Notre-Dame. Ce nom est choisi en l’honneur de la Sainte Vierge, patronne de la paroisse de Ville-Marie.
Large de 30 pieds, c’est-à-dire, quelque 10 mètres, la rue Notre-Dame traversait toute la ville. Au XVIIe siècle, on retrouve sur Notre-Dame les communautés religieuses de Montréal : les Récollets, les Jésuites et les Sulpiciens.
Agrandie une première fois en 1708, l’église est transformée en 1722.
Encore trop petite pour desservir la population croissante, on modifie encore la rue en 1734. Cela se passe après le grand incendie de Montréal. L’église accueillait les fidèles jusqu’à l’ouverture de la basilique actuelle, en 1830.
Après la chute du régime français, la nouvelle administration fait construire dans la rue Notre-Dame, au fil des ans, des prisons, des palais de justice, et de l’hôtel de ville.

Développement de la rue
Au début du XIXe siècle, on rattache à cette voie de communication les rues Saint-Joseph et Sainte-Marie des faubourgs voisins. Plus tard, la rue est élargie par la Ville grâce à une série d’expropriations et d’achats de terrains. La rue Notre-Dame sera le lieu des processions religieuses et de manifestations de toutes sortes.
En 1822, on décide de construire une nouvelle église et les travaux débutent en 1824. On met des années à compléter les travaux de ce nouveau bâtiment dans le style néogothique. Enfin, en 1830, on ouvre la nouvelle église. Dès ce moment, l’Église Notre Dame (en 1982 elle obtient le rang de la Basilique de Montréal) devient le centre et l’édifice le plus imposant de la rue.
Au cours, des années 1800, la rue Notre-Dame devient la principale rue commerciale de la ville. Cependant de nos jours, il ne reste sur la rue que deux résidences de la première moitié du XIXe siècle.
La rue Notre-Dame dans le roman « Bonheur d’occasion »
Quelques paragraphes sur la rue Notre-Dame tirés du roman urbain « Bonheur d’occasion » de l’écrivaine Gabrielle Roy:
- Rose-Anna descendait du tram, rue Notre-Dame, lorsque, devant les Deux Records, elle aperçut un bulletin de nouvelles tout frais imprimé.
- L’attente, place d’Armes, au pied du monument Maisonneuve, lui parut intolérable. Les nerfs surexcités, il fumait des cigarettes coup sur coup. Yvette tardait. Il s’aperçut, en consultant l’horloge de l’édifice Alfred, que la jeune fille l’avait déjà fait attendre dix minutes. Mais la jeunesse, l’étourdissement, les distractions, tout lui était dû et dû immédiatement.
- Aussitôt, elle résolut d’acheter le petit chapeau convoité ; elle se rappelait maintenant dans quel magasin de la rue Notre-Dame elle l’avait vu.
Gabrielle Roy et la rue Notre-Dame
- Rue Notre-Dame, la fruitière enveloppait des légumes. Sa silhouette affairée passait et repassait devant les carreaux. Le marchand de frites arrivait dans sa baladeuse tirée par une haridelle au long cou triste. Devant les Deux Records, les passants ralentissaient pour écouter la radio dont la voix éclatait dans la rue. Le libraire d’à côté vendait des cartes. Les ménagères allaient vivement, de gros paquets sur le buste. Et là-haut, dans sa guérite élevée au-dessus des toits, l’aiguilleur se penchait quelquefois à une vitre crasseuse. On aurait dit qu’il regardait passer sous lui un peuple de fourmis. Toutes les fenêtres étaient ouvertes, et les bruits de la vie humaine, de la vaisselle entrechoquée, des conversations, tous les bruits des ménages flottaient dans l’air comme si la vie humaine n’avait plus été à l’abri des cloisons mais s’était étalée en commun dans toute sa pauvre intimité.
*
- Il (Emmanuel) se mit à errer au long de la rue Notre-Dame, tantôt repoussant toute pensée qui fût de nature à l’abattre, tantôt se livrant de lui-même, comme un champ libre, ouvert, comme un pays dénudé, aux doutes.
- Et il songeait au bazar populaire et bruyant de la rue Notre-Dame, à la maison couverte de suie, collée à la voie ferrée. « Ce n’est pas sa place », s’entêtait-il à répéter, comme si à force de s’insurger contre le destin de Florentine, il pouvait arriver à en atténuer la misère.
- Vers onze heures il fut saisi d’un nouvel espoir et alla s’embusquer à la sortie du cinéma Cartier. Une trentaine de personnes en sortirent qu’il examina au passage ; et, soudain, une jeune fille, de dos, lui parut si semblable à Florentine, qu’il s’avança en tendant déjà les mains. La jeune fille se retourna, aperçut Emmanuel si déçu qu’elle laissa échapper un rire.
Un peu plus
- Sa voix devint incisive, presque coupante.
— Tu es d’ici, de Saint-Henri ? demanda-t-il.
C’était l’habituelle ruée d’entre midi et une heure. Quelques travailleurs du quartier habillés de gros coutil, des commis des magasins de la rue Notre-Dame, à col blanc et à petits feutres mous qu’ils jetaient sur la table, deux nonnes du service social à mantes grises, un chauffeur de taxi, et plusieurs ménagères qui, entre deux tournées d’emplettes, venaient se restaurer d’un café brûlant ou d’une assiette de frites.

