Montréal triste

La ville de Montréal triste, troublée et découragée

Montréal triste : Voilà, nous sommes en 1760. Montréal est découragée, troublée, sur ses gardes…

La ville est enfermée dans ses vieux et caduques murs de pierre, composée de trente et une rues et de quelque sept ou huit cent maisons. Longtemps, Montréal a grossi sans sortir de ses fortifications, dont le démantèlement commencera en 1804 pour ne s’achever qu’en 1822. Les quatre faubourgs de la ville : Sainte-Anne, Saint-Joseph, Saint-Laurent et Québec situés à proximité des portes de la ville attendent leur absorption.

Partout ailleurs règne la campagne, des bois, des jardins, des vergers, des potagers… Des maisons de ferme, de petits parcelles…

Un des officiers du général Amherst, commandant des armées britanniques ayant assiégé et pris Montréal, exprime ainsi ses premières impressions :  « … c’est un long et étroit assemblage de maisons de bois ou parfois de pierre à un ou deux étages, dominé par les tours du Séminaire, les clochers des églises, les murs de quatre couvents et les arbres de jardins contigus… »

Il n’y avait rien, à l’intérieur de l’enceinte, qui puisse inspirer de l’admiration.

À peine existait-il une demi-douzaine d’édifices dignes de retenir l’attention d’un visiteur : le château du gouverneur de la ville le Château Ramezay, l’Hôtel-Dieu, des églises. Sur la rue Notre-Dame on pouvait apercevoir des maisons qui n’étaient pas tout à fait dépourvues d’élégance.

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Les toits en pente de la plupart des maisons étaient recouverts de feuilles de tôle blanche destinées à combattre les incendies. En fait, le danger était toujours présent sous le soleil ardent de l’été. Pas de pavement. La neige s’amoncelait en hiver, la poussière tourbillonnait en été, les pluies du printemps et de l’automne transformaient les rues en marécage. Des mouches et des moustiques obligeaient les piétons à ne pas ouvrir la bouche en marchant.

Carte : Montréal et ses fortifications en 1761. Par Paul Labrosse (1914).
Plan de Montréal et ses fortifications en 1761, reproduite par Paul Labrosse en 1914. Image libre de droit.

Il n’y avait pas de monuments. Le premier, c’était une statue du roi anglais George V érigée sur la Place d’Armes pour rappeler aux citoyens de la ville qui était désormais le grand chef (la tête de cette statue fut coupée par des inconnus en 1775, lorsque les Américains occupaient la ville). Le suivant, ce fut la colonne Nelson élevée en honneur de l’amiral anglais en 1805 et qui dominait, elle aussi, la ville.

Les habitants pouvaient jouir quand même de quelques espaces aménagés à des fins de repos. Il s’agit du Champ de Mars, avant tout. Il y avait un ravin au fond duquel coulait la petite rivière Saint-Martin (une autoroute passe là où se trouvait jadis ce ravin). Les Montréalais les plus aventuriers ont déjà pris l’habitude d’aller pique-niquer au pied du Mont-Royal les dimanches et les jours fériés. Les troupes de la garnison y faisaient régulièrement leurs exercices. Ce spectacle attirait donc les foules, ces parades étant un des rares amusements de cette époque …

Le port n’existait pas. Les barques et les voiliers  ancraient au large du fleuve, commençant ensuite le transbordement des passagers et des marchandises. C’était une opération délicate et peu agréable.

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Les maisons de commerce se groupaient toutes ou presque tout le long de la rue Saint-Paul. Cette rue (aujourd’hui calme) marquait la séparation entre la haute et la basse ville.

Le quartier des affaires, il faut le dire, était le domaine exclusif des nouveaux maîtres. Les marchands anglais, les vainqueurs, avaient de l’argent en abondance. Ils jouissaient de crédits et de financement. Ainsi ils suivirent les troupes d’Amherst et Haldimand. Montréal continue à être le centre de commerce des pelleteries et chaque automne. Des douzaines de jeunes gens de la ville et des environs partent alors en canot vers Michillimakinac, Grand Portage ou Niagara. Ils ne reviennent qu’en mai ou juin avec de riches cargaisons de pelleteries.

À Montréal, l’anglais devint la langue des affaires par excellence, Mais les Canadiens Français s’obstinaient de ne pas parler l’anglais, alors que les Anglais commencèrent à parler le français.

La seule voie de communication avec le monde extérieur est encore le fleuve Saint–Laurent. L’hiver, quand le fleuve gèle, il n’est plus question de voyager en traîneau au-delà des faubourgs, la route de Québec n’existant que d’octobre à la fin avril.

Telle était la vie et la ville lors de ces premières années après la chute de la Nouvelle France. C’était une vie triste, c’est vrai, mais c’était une période d’attente et d’espoir.

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