Bars clandestins à Montréal
Aujourd’hui, il existe des douzaines de bars clandestins à Montréal, situés dans des culs-de-sac sombres et discrets. Ces bars ne s’affichent guère et il est possible d’y boire toutes sortes de boissons, cigarette à la main ou clope au bec, malgré toutes les lois anti-tabac imaginables.
À première vue, ce sont des bars normaux, avec les tables et les chaises habituelles, des comptoirs et des scènes improvisées.
La clientèle de ces bars est constituée surtout de jeunes, ceux qui éditent des journaux révolutionnaires dans lesquels on lit que le mouvement ouvrier finira avec notre monde demain matin (à vrai dire, ces jeunes aux cheveux longs n’ont jamais travaillé, peu importe après tout, un brin d’anarchisme leur va si bien).
Ces habitués ressemblent aux intellectuels du passé, mais pour eux, c’est l’atmosphère, le jeu interdit, le goût du danger qui compte. Ce sont des étudiants en sociologie, en psychologie, en archivistique et autres « sciences humaines » qui savent citer les auteurs à la mode, tels que Charles Pellegrini, Bernard Werber, E.T., Michel Freitag et Boris Bruce. La plus grande partie sont en baccalauréat ou au certificat, quelques-uns sont à la maîtrise.
À part une petite jasette sur la littérature à la mode, on joue un peu, on discute politique, on propose des solutions pour sauver le monde et on déguste une bière jusqu’au petit matin au son triste et gai de la musique klezmer.
Il y a également quelques artistes encore méconnus, des chômeurs, des préposés de cinéma et des libraires de grandes chaînes. Des visages connus : des politiciens, des comédiens populaires, des journalistes ? Jamais. C’est pas le genre de la maison.
Des femmes ? Oui, il y en a, mais très peu, souvent des amies des habitués fières de démontrer leur appartenance à cette société secrète de «la grande bohème montréalaise».
En règle générale, on a droit à un peu de pot et à une seule sorte de bière ou deux, ce qui est déjà trop. Curieusement, contrairement à ce qu’on peut penser, les prix sont assez bas. Peut-être, mais ce n’est là qu’une supposition, gagne-t-on grâce à la vente des substances interdites, mais si c’est le cas, on n’en offre pas aux inconnus.
La vaisselle ? Plutôt propre. Les toilettes ? Une cabine de taille modeste, mais aux odeurs stériles de pharmacie et sans aucune trace de seringue usagée ou de choses de ce genre.
Ces bars n’affichent pas de permis. Les inspecteurs n’y descendent jamais, la loi est ignorée, mais tout le monde respecte cela.
Combien de bars clandestins existent à Montréal ? Nul ne le sait.
La police dit que plusieurs «underground bars» sont découverts et fermés, jusqu’à deux par mois ou même plus. Si la police fait une descente, tout est saisi, mais les clients et le personnel sont relâchés immédiatement. En effet, la police préfère fermer les yeux : pour la société, ces bars clandestins sont une sorte de soupape d’échappement qui réunit ces gens qui pourraient devenir la cause de vrais maux de tête si ces institutions n’existaient pas.
Les autorités civiles et les régies de la loterie et des alcools n’ont pas idée des sommes qui changent de main dans ces bars.
Personne ne contrôle les règles de la fermeture, l’interdiction de vendre de l’alcool aux personnes en état d’ébriété. Mais ces bars préfèrent une coexistence pacifique avec l’état, alors ils agissent en bons partenaires, sans trop de bruit. Les adversaires de ces bars clandestins, sont évidemment les bars légaux. Environ 3 mille permis sont délivrés à Montréal chaque année et ce sont les propriétaires des bars enregistrés qui souffrent de cet afflux des fumeurs vers les bars clandestins.