Le tunnel est ouvert

Le tunnel sous le Mont-Royal

Les premiers voyageurs franchissent le tunnel sous le Mont-Royal à bord d’un train.

Le premier voyage en wagon, sous le Mont-Royal, a eu lieu hier après-midi (10 décembre 1913) et il demeurera à tout jamais gravé dans l’esprit de ceux qui y ont pris part.

Une centaine de citoyens en vue de Montréal avaient été invités par M. S.P. Brown à traverser le tunnel du Canadian Northern (un des chemins de fer constituants du Canadian National), qui avait été définitivement ouvert dans la nuit d’hier matin. Le départ eut lieu des quartiers généraux de la compagnie du Canadian Nord, rue Dorchester Ouest, d’où les invités furent transportés en automobile, sur le versant ouest de la montagne, à l’entrée du tunnel. À trois heures, cette foule prenait place dans des wagons-tombereaux brossés, nettoyés et capitonnés de fort papier pour la circonstance, à raison de quatre par wagon. « Penchez-vous en avant. Prenez garde au fil électrique qui est chargé!», crient dernière recommandation les ingénieurs qui surveillent le départ.

Trainée par une puissante locomotive électrique, d’un bizarre aspect, la longue suite de véhicules s’ébranle lentement vers les profondeurs mystérieuses du Mont-Royal, dont l’industrie humaine vient de pénétrer le secret.

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Le passage est d’abord très étroit et très bas. La situation force alors les voyageurs de se coucher presque dans le wagonnet, pour ne pas se frapper la tête. Puis brusquement le tunnel s’élargit et s’élève.  Une voûte magnifique s’ouvre alors. Elle est lisse comme un mur, striée ça et là de pierres d’un beau rouge de minium, sur lesquelles viennent se refléter la lumière des centaines d’ampoules électriques qui éclairent le tunnel. De formidables machines qui ronflent avec un bruit formidable (sic!), bordent la route. C’est le souffle puissant de l’appareil à l’air comprimé, le halètement de la pompe  à eau et le grincement strident de la perforatrice électrique.

Durant une heure et demie, le voyage se continue. Tantôt le passage est spacieux et élevé. Tantôt il est si étroit et si bas qu’il faut garder les bras contre le corps et faire des prodiges de souplesse pour ne pas se heurter au plafond.

Enfin, après avoir parcouru trois milles et quart, c’est-à-dire, plus d’une lieue sous terre, on arrive à l’ouverture de la rue Dorchester. Alors chacun s’empresse de monter dans la cage qui les amène à la surface.

Tunnel sous le Mont-Royal

Ce creusement du tunnel sous Mont-Royal a été certainement une entreprise d’une extrême hardiesse. Il a fallu en fait le génie de l’organisation de M. Brown, l’ingénieur en chef, pour la mener  à bonne fin. Il faut voir dans toute leur impressionnante grandeur les travaux gigantesques. On les a accomplis bien. Et on peut avoir une juste idée des difficultés qu’il a fallu surmonter. On doit également accorder les plus grands éloges aux assistants de M. Brown. Entre autres, M. H.T. Fisher, qui a fait des calculs d’une justesse telle que la différence de niveau et de ligne à la rencontre de deux tronçons, hier matin, n’était que d’un quart de pouce, à peu près.

Pour avoir une idée de l’esprit d’organisation qui a présidé à toute cette entreprise, contentons-nous de dire que durant les quinze mois de creusement, il n’y a eu que deux ou trois accidents Mais aucun causé par la dynamite. Pourtant, on en employait 5,000 livres par jour, soit 100 caisses. Depuis trois mois, il n’y a eu aucun cas de maladie parmi les terrassiers et les ingénieurs.

L’ouverture de ce tunnel sera pour l’avancement de Model City (aujourd’hui, « town of Mount-Royal« ) d’un immense avantage, car quarante trains par jour feront le service des deux côtés.

(Texte publié 10 décembre 1913).

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Le tunnel du Mont-Royal en 2011. Photo : © GrandQuebec.com.

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