Troglodytes du Mont-Royal
Apprenant que la police arrêtait les gens ayant élu domicile sur le Mont-Royal, nous nous rendons au poste de la montagne qui est situé dans le nouvel immeuble pour le service central des alarmes des incendies. Le lieutenant Georges Gendron qui est en charge de ce poste consent aimablement à nous piloter.
En cours de route le lieutenant Gendron nous fournit les renseignements suivants au sujet des « troglodytes de la montagne ».
Durant toute la chaude saison de 300 à 400 personnes couchaient à la belle étoile en différents endroits de la montagne. La police avait reçu ordre des autorités de la ville de ne pas intervenir, sauf en cas de désordre. Il y eut peu d’arrestation, car tous ces hommes « se conduisaient bien ».
Quelques-uns furent cependant appréhendés pour avoir fait du tapage ou pour s’être enivrés. La boisson habituelle de ces hommes est l’alcool méthylique (alcool de bois) qu’ils achètent avec le fruit de leurs guètes dans les rues.
Comme nous l’explique le lieutenant Gendron, ces hommes ne sont pas du tout pareil à ceux qui habitent les dépotoirs. Ceux qui habitent les dépotoirs gagnent leur vie en revendant les matériaux qu’ils trouvent dans les déchets et se nourrissent de quelques aliments qu’ils y rencontrent. Au contraire, ceux qui habitent la montagne ne cherchent aucunement à gagner leur vie. Ils ne veulent pas du tout travailler.
Tout en causant, le lieutenant Gendron qui connaît la montagne dans les meilleurs détails, nous conduit vers une première grotte. Nous gravissons des sentiers divers qui nous éloignent de l’avenue du Parc et nous mènent aux flancs escarpés du Mont-Royal. Et après avoir escaladé la montagne avec peine et misère jusqu’à une hauteur qui domine de 200 pieds environ les rues de la ville, nous apercevons soudainement une grotte. Elle mesure une douzaine de pieds environ par cinq ou six de large.
Cette roche qui doit peser plusieurs tonnes est maintenue horizontalement par d’autres énormes cailloux de façon à laisser à l’intérieur un réduit informe mais suffisant pour loger deux ou trois personnes.
(Cette nouvelle fut publiée dans La Presse le 17 octobre 1931).

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