Tout laisse croire à un meurtre

George B. Redfern est recherché par la police à la suite de la mort de Mlle Gardner, dans un hôtel de Montréal

D’après les agissements de Redfern, on peut être porté à croire qu’il n’est pas étranger à la mort de Mlle Gardner. – Sacoche contenant une serviette couverte de sang à Beaconsfield. – Pourquoi avoir quitté l’hôtel aussi

Quoique vieux déjà de plusieurs jours, le profond mystère entourant la mort de Rita Gardner, dans une chambre d’hôtel lundi dernier, semble toujours aussi inexplicable que la première journée.

La Sûreté, sous les ordres intérimaires du capitaine Foucault, à fait de grands efforts afin de retracer le compagnon de la jeune fille, mais sans résultat jusqu’à présent. Cet homme, George B. Redfern, de Kitchener, étant retrouvé il serait alors probablement possible de soulever le voile du mystère qui entoure ce drame.

Les faits connus jusqu’à date sont les suivants: Redfern, voyageur de commerce à Kitchener, connaît depuis six mois la famille de la victime, demeurant à Baden, Ontario. Jamais il ne mentionne le fait qu’il est marié et père de quatre jeunes enfants. Les relations sont des plus cordiales.

Samedi après-midi, le 10 mai Redfern se rend chez les Gardner et déclare au père de la victime qu’il doit se rendre à Galt, Ontario, pour se faire soigner. Il demande la permission de se faire accompagner par la jeune fille. M. Gardner refuse de laisser partir celle-ci, mais finalement, malgré le refus de son père, la jeune Rita décide d’accompagner Redfern.

La fuite

Ici commence le mystère. Au lieu de se rendre à Galt. Redfern, accompagné de la jeune fille, prend le convoi à destination de Montréal. Arrivant dans la métropole le couple se fait conduire en taxi à l’hôtel et là l’homme signe les registres donnant les noms de A. W. Roland et Mme G. D. Smith, de Toronto. L’homme demande deux chambres. La jeune femme se retire dans la chambre numéro 141 et homme au numéro 113.

Pendant toute la journée de dimanche personne ne voit le couple.

Dimanche soir ils se retirent dans leurs chambres respectives.

À neuf heures et 30, lundi matin, la jeune fille téléphone au bureau et commande un assez copieux repas. Elle donne ordre de lui porter ce repas dans sa chambre, au numéro 141. Le garçon monte le repas, mais, dans le corridor, il est rencontré par Redfern qui se fait remettre le tout. Redfern entre alors dans sa propre chambre d’où il appelle la jeune fille. Celle-ci, se rend dans la chambre de son compagnon et ils mangent tous les deux. La jeune fille portait alors ses vêtements de nuit. Elle retourne ensuite dans sa chambre. Dans le corridor elle est rencontrée par une fille de chambre qui la voit entrer chez elle.

Pourquoi ce cognac ?

À dix heures et demi Redfern demande au bureau de l’hôtel de lui envoyer une couple de verres de cognac. Le gérant lui dépêche un messager afin de lui dire qu’il ne peut s’en procurer à l’hôtel.

À midi et demi, exactement. Redfern sort de sa propre chambre et, rencontrant la chambrière, il lui dit que sa sœur est indisposée et qu’elle est couchée dans la chambre 113. Il demande à la fille de ne pas la déranger. Tout en parlant Redfern tenait deux clefs dans ses mains.

Depuis aucune trace de lui n’a été retrouvée.

La découverte

Mardi après-midi, la chambrière frappe au numéro 113. Comme elle ne reçoit pas de réponse, elle ouvre la porte avec une maitresse clef et, à sa grande surprise, elle voit la jeune fille étendue sur le lit comme si elle dormait. La jeune fille était toute vêtue, à l’exception de ses souliers qui étaient rangés sous le lit. L’ordre le plus parfait régnait dans la chambre et les vêtements de Rita n’étaient pas dérangés, S’approchant, la chambrière s’aperçut que le visage de la jeune fille, ainsi que l’oreiller, étaient couverts de sang. Saisie de frayeur elle appela immédiatement le gérant qui vient constater que la jeune était morte.

La Sûreté fut immédiatement appelée et le capitaine Foucault dépêcha le capitaine Tourville sur les lieux.

Du poison

Au premier examen la mort sembla naturelle, cependant, après analyse, le docteur Jérôme trouva une forte quantité de poison, (de la strychnine), dans les intestins de la victime.

La sacoche

Jeudi, la sacoche ayant appartenu à la jeune fille fut retrouvée près de la voie du Canadien Pacifique, prés de Beaconsfield, par le conducteur d’un convoi. Avec la sacoche on trouva deux serviettes appartenant à l’hôtel, ainsi que plusieurs entêtes de factures au nom de la jeune fille.

De plus il à été découvert par la police de Kitchener que le 27 avril dernier, Redfern se rendit chez un pharmacien de cet endroit, M. Schmidt, et acheta six grains de strychnine, disant avoir des rats qui infestaient le bureau où il travaillait.

Le train de Chicago

D’après les recherches faites, il appert que lundi midi, en quittant l’hôtel, connaissant bien la mort de sa compagne, Redfern se rendit immédiatement à la gare Windsor et prit le train d’une heure à destination de Chicago. Ii ne portait aucun bagage afin de ne pas éveiller les soupçons des employés de l’hôtel.

À Beaconsfield

En passant prés de Beaconsfield, devenu très nerveux et craignant d’être découvert en possession de la sacoche, Redfern aurait enveloppé celle-ci dans deux serviettes provenant de l’hôtel et jeté le tout en dehors du convoi en mouvement. Une des serviettes était toute ensanglantée. Ceci semble prouver la théorie que la jeune fille était alors morte.

L’a-t-il empoisonné ?

Quand Redfern prit le déjeuner des mains du garçon de l’hôtel pour le transporter dans sa chambre il eut pleinement le temps de placer le poison en sa possession dans le breuvage de la jeune fille, avant d’appeler celle-ci. La jeune fille retourna dans sa chambre avant que le poison puisse faire effet.

Notre hypothèse

Redfern aurait assisté à sa mort et effacé toutes les traces possibles afin qu’on crut à une mort naturelle. Il aurait ensuite transporté la fille dans sa propre chambre où il la coucha dans son lit, sur le côté et face à la porte. La jeune fille eut alors une hémorragie et perdit beaucoup de sang par le nez. Cependant elle était déjà inconsciente. Elle fut retrouvée dans cette position le lendemain.

Emprunt d’argent

Quelques jours avant de quitter Kitchener, Redfern obtint un certain montant d’argent, en empruntant sur une police d’assurance. Ce fait, ajouté à celui d’avoir obtenu du poison quelques semaines plus tôt, semble démontrer sans l’ombre d’un doute que le drame était prémédité et fut préparé de longue main.

Quel est le motif ?

La chose la plus mystérieuse dans toute cette tragédie est le mobile du crime, si crime il y à réellement de la part de Redfern.

Le couple avait-il conclu une entente de se suicider et Redfern eut-il peur à la dernière minute ? Redfern était-il jaloux de la jeune fille qui avait un autre ami de son âge, 22 ans ? Avait-il l’intention de fuir avec elle, abandonnant sa femme et ses enfants? La jeune fille avait peut-être, ignoré son mariage et étant amoureuse de lui, consenti à fuir avec lui. Cependant, apprenant, une fois rendue à Montréal, qu’il était marié, elle aurait refusé de le suivre et l’homme, jaloux et en colère, lui aurait tout simplement enlevé 1a vie afin de se venger d’elle.

La véritable cause de ce drame ne sera connue que lorsque les autorités rejoindront Redfern. Un détective local devait se rendre à Kitchener, hier soir, afin de continuer les recherches dans cette direction, car il est fort possible que Redfern soit retourné à Kitchener ou à Toronto.

Voir aussi :

Souffrance
Amour et souffrance. Photo de GrandQuebec.com.

Laisser un commentaire