La télévision et les cabarets montréalais

L’arrivée de la télévision sonne le glas des cabarets montréalais en 1952

C’est en 1952 que la télévision arrive à Montréal et son avènement marque profondément la métropole, mais pas pour le mieux. Le petit écran qui n’a de « petit » que le nom, si l’on songe aux mastodontes qu’étaient les téléviseurs à l’époque (nous citons le livre « Montréal : 60 événements qui ont marqué l’histoire de la métropole » M. Gilles Proulx) – va tellement plaire aux Montréalais que ceux-ci cessent de sortir pour se divertir et préfèrent de reposer devant l’écran.

Fait curieux, les premières émissions populaires imitent les cabarets montréalais. On voit des animateurs, des chanteurs, des numéros annoncés… Tout est comme dans un cabaret, mais à la télé.

Ainsi, les enseignes lumineuses des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent perdent de leur attrait quand le spectacle devient disponible gratuitement dans les salons. Le milieu du spectacle en sera gravement affecté. Auparavant, on allait voir des soirées pour se divertir. Soudain, on a la télé pour ça. Et ça coûte moins cher. Les cabarets « Au Faisan doré » et le « Montmartre » sont la fierté de Montréal. Malgré l’anglicisation, la ville a quelque chose d’un petit Paris avec ses chanteurs de charme, ses acrobates, ses fantaisistes, etc.

Ces quartiers montréalais où se concentrent les cabarets ont déjà mauvaise réputation avant que la télévision, en rivant les citoyens dans leurs fauteuils, ne les dégrade encore davantage. Bientôt, la ville va aller jusqu’à détruire, purement et simplement, certains de ces quartiers voués au plaisir et au divertissement que les bien-pensants exècrent.

Rappelons que dans les années 1950, les postes de télévision sont encore assez rares pour exercer une puissante attraction. Des soirées réunissant plusieurs amis s’organisent chez l’un ou l’autre pour écouter cet appareil miraculeux.

Bref, à ses débuts, la télévision est une activité sociale qui donne l’impression de rapprocher les familles et les communautés, qui se regroupent dans les salons.

Animateur des « Couche-tard » avec Roger Baulu, Jacques Normand en est un bon exemple : il a évolué autant au cabaret qu’à la radio, puis à la télévision.

Au même temps, le public des régions découvre enfin, grâce au petit écran, la magie des cabarets montréalais pendant que ceux-ci se vident et meurent de leur belle mort.

Que feront les artistes? Ceux qui le pourront feront de la télévision. Les arts moins populaires, tels le théâtre, l’opéra ou la musique classique, presque absents de la télévision, gardent leur public…

Mais ce ne sont pas les beaux-arts qui ont fait la réputation de Montréal. Ce sont ses nuits folles et celles-ci vont s’assagir.

Grosso modo, le cabaret a servi de modèle à la télévision naissante qui lui a en retour donné la mort. Jadis, en ville et dans les campagnes, il y avait les cuisines où se déroulaient les soirées entre voisins et amis du village. Il n’y a qu’en ville qu’on trouvait les cabarets, où on « sortait ».

La télévision consacre le salon et chez-soi comme le nouveau lieu de détente par excellence. Bref, les gens ne vont plus au cabaret parce que le cabaret virtuel vient chez eux.

À Montréal, tout un pan de l’industrie culturelle est liquidé en quelques années. Il est difficile aujourd’hui de mesurer le choc technologique de la télévision qui amplifiait et complétait celui de la radio survenu trente ans plus tôt.

Le caméraman devient alors un personnage important dans cet univers qui va pénétrer dans les foyers et devenir extrêmement influent. Aujourd’hui, l’audio-visiuel est encore plus présent qu’à cette époque… mais il y a tellement de choix, de médias, de postes, de possibilités, que l’Internet n’a rien de la télévision de l’époque où la totalité des auditeurs écoutaient la même émission au même moment (n’ayant pas le choix).

(Source du texte : le livre « Montréal : 60 événements qui ont marqué l’histoire de la métropole », par Gilles Proulx avec Louis-Philippe Messier. Les éditions du journal).

Voir aussi :

Montréal, centre-ville. Photo de GrandQuebec.com.

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