La petite rivière Saint-Martin et la rue Craig
James White, un singulier aubergiste
Par Hector Berthelot (1884)
En 1820, il y avait à Montréal cinq routes qui conduisaient à la campagne : les rues Sainte-Marie (note de GrandQuebec: aujourd’hui, Notre-Dame est), Saint-Laurent, Saint-Joseph, Wellington et Saint-Antoine.
Le jardin Viger était alors un marécage où croupissaient des eaux verdâtres et d’où s’élevaient les psaldmodies d’une légion de grenouilles accompagnées par les basses puissantes des ouaouarons. Les rues du faubourg Québec ne s’étendaient pas au-delà de la petite rivière.
L’étendue de terrain occupée aujourd’hui, au nord, par les rues Campeau, Jacques-Cartier, Panet, Amherst, Wolfe, Montcalm, Maisonneuve, Plessis, Visitation, jusqu’à l’avenue Colborne, était de riches fermes appartenant à E. Campeau, Toussaint Dufresne, Pierre Monarque, Jos. Papineau, W. Logan, le Docteur Blake, Dame Veuve Ethier, l’honorable John Johnson, baronet, Clarles Demers, Dame Veuve Coyteux, Louis Dufresne et Thomas Fortier.
La rue Panet fut percée en 1801, sur le terrain appartenant à l’honorable P. L. Panet.
La rue Craig (note de GrandQuebec : aujourd’hui, rue Saint-Antoine), dont le nom figure sur un plan de Montréal dressé en 1825, était sur les bords d’une petite rivière qui avait tout au plus une largeur d’environ vingt pieds. Cette rivière s’appelait officiellement Saint-Martin et un chemin longeait la rive nord. Ce cours d’eau décrivait plusieurs méandres dans la partie ouest de la ville, elle suivait la petite rue (la rue Craig), remontait près de la brasserie de Dow (au square Chabouillez), recevait là les eaux de plusieurs ruisseaux descendant des terrains élevés, près des rues Guy, Atwater et du parc Westmount.
Le rivière Saint-Martin, dont le lit est devenu le grand égout collecteur de Montréal, coulait entre des rives peu poétiques. Ses ponts étaient des constructions grossières, dont la charpente offrait des lignes sans harmonie.
Les eaux de la petite rivière étaient toujours troublées et charroyaient les immondices d’une partie de la ville. C’est là où l’on vidait les vieilles paillasses, où l’on jetait les rebuts du ménage. Les écoliers s’y promenaient sur de petits radeaux et y pêchaient des « loches ». Les eaux de la petite rivière grossissaient tous les printemps et enlevaient tous les détruits amassées sur la grève.
Plusieurs ponts traversaient ce cours d’eau, le premier était à l’entrée de la petite rue Saint-Antoine ; le deuxième, à la rue Frobisher (aujourd’hui le rue Radegonde) ; le troisième, à la rue Bleury ; le quatrième, à la rue Saint-François-Xavier ; le cinquième, à la rue Saint-Urbain ; le sixième, à la rue Saint-Laurent ; le septième, à la rue Saint-Gabriel ; le huitième, à la rue Saint-Constant (rue Cadieux) ; le neuvième, à la rue Sainte-Élisabeth et le dixième, à la rue Sanguinet.
La rue Craig ne s’étendait pas plus loin que cette dernière rue.
La petite rivière Saint-Martin se rendait à un petit lac, sis au square Chaboillez qui se vidait par une branche de la rivièere Saint-Pierre dans le Sain-Laurent, à côté de la Douane. En 1846, elle, disparut pour entrer dans le premier tunnel de la rue Craig.
Cette année-là, la rue fut continuée jusqu’à la rue Campeau avec une largeur de 80 pieds. De 1853 à 1867, la rue Craig s’étendit graduellement jusqu’à l’avenue Colborne (aujourd’hui de Lorimier).
Il existait une autre petite rivière dans la partie ouest de Montréal. Celle-ci était une branche de la rivière Saint-Pierre qui traversait la ferme Saint-Gabriel, le jardin du vieux collège, passait par la rue McGill, le marché Sainte-Anne et avait son embouchure au nord de l’édifice de la douane, près d’une langue de terre qui s’appelait la pointe à Callières.
Ce cours d’eau, dans le printemps, était navigable pour les canots et les bateaux jusqu’à la rue McGill. Plus tard, cette petite rivière a été transformée en un des principaux égouts collecteurs de la partie ouest de la ville.
Vers 1825, il y avait au coin de la rue Saint-Laurent et de la rue Sainte-Catherine un marchand nommé John James White. Il tenait une auberge et un magasin d’épiceries.
Il avait pendant quinze années réussi à vendre des boissons sans licence sans être incommodé par les autorités.
White faisait payer l’amende à tous les Canadiens qui ne s’étaient pas pourvu d’une licence. Un jour, une de ses victimes logea contre lui une plainte devant les juges de paix et les magistrats furent stupéfaits en apprenant que le nom de White ne figurait pas depuis quinze ans sur la liste des aubergiste licenciés.
Les licences, en 1825, coûtaient 17,50 dollars.
(23 décembre 1884).

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