Un Algonquin a sauté les Rapides de Lachine en canot
Un indien de la tribu algonquine, dans l’Abitibi et un marchand demeurant à Parent, Abitibi, ont accompli hier (10 avril 1929) après-midi, un exploit peu banal, alors que dans un canot de promenade, d’une longueur de 15 pieds, ils ont sauté les rapides de Lachine.
L’Indien qui se nomme Charles Queshish, est un solide gaillard, âgé de 30 ans, pesant 193 livres et mesurant 6 pieds deux pouces. C’est à l’Hôtel Alberta, rue Windsor qu’on représentant de la Presse l’a rencontré et a pu causer quelques minutes avec lui. Il parle un peu le français et le comprend assez bien.
Stupéfaction
Son domicile est à Manouane, dans l’Abitibi, et jusqu’à mercredi dernier, in n’était jamais sorti de sa retraite. Quand il mit le pied sur le sol montréalais, il fut stupéfié de voir toute cette agitation. Les tramways, les automobiles l’effrayèrent, car c’était la première fois qu’il prenait connaissance de ces véhicules modernes.
Ce fut toute une affaire lorsqu’il monta dans un tram de la rue Sainte-Catherine, se dirigeant vers l’est. Il fallut que son compagnon insistât et lui représentât qu’il n’y avait aucun danger, pour le décider à y prendre place.
Il n’était certes pas à son aise. « J’avais peur un petit brin, nous confiait-îl. J’aime mieux les canots que ces inventions modernes. J’y suis plus chez nous. – Et l’automobile, lui demandons-nous? – Ça va très vite, trop vite pour mon goût.
Les rapides de Lachine
Il est venu à Montréal spécialement pour sauter les rapides de Lachine. Cet homme avait entendu parler souvent des exploits de Big John Canadien, qui, dans un large bac, avait accompli cette randonnée périlleuse et audacieuse. Il s’était promis de la tenter, mais jusqu’ici les empêchements l’avaient forcé à ajourner son expérience.
Le marchand dont nous parlions tout à l’heure et qui se nomme William Milidge consentit à l’accompagner à Montréal et à lui procurer l’occasion de mettre son projet à l’exécution.
À Lachine, il ne prit pas grand temps à se mettre au courant de la nature et de la force des rapides que tout à l’heure il aurait à traverser.
Il se saisi du canot et le transporta à la rivière non loin du garage Lecavalier. Après l’avoir examiné, il prit sa place au centre, pendant que son compagnon M. Milidge se plaçait à l’arrière.
Ils dirent bonjour à tous et en route pour l’imprévu et les rapides
Ce fut un dur voyage. Sur tout le parcours, ils rencontrèrent des glaces, qu’ils évitèrent souvent non sans danger. À la pointe des rapides, les vagues et les remous ne semblaient guère accueillants.
Les deux hommes avaient peine à voir devant eux tant les vagues étaient élevées. Elles déferlaient par-dessus l’embarcation, mais les deux voyageurs n’en paraissaient nullement émus, ni étonnés.
Le canot filait à une allure endiablée. Il fallait être prudent. Chaque coup d’aviron avait son contrecoup. La moindre défaillance, la moindre inattention et c’était le naufrage, peut-être la mort.
Le trajet s’effectua dans 25 minutes. Ils atterrirent à la Côte Sainte-Catherine, non loin de La Prairie. Ils n’étaient pas trop mouillés. Si le projet avait été réalisable, nous croyons que notre Algonquin et son compagnon étaient de force à remonter les rapides.
(Tiré de La Presse, édition du 11 avril 1929).
Pour en apprendre plus :
- Canal de Lachine
- Saint-Laurent
- Peuples autochtones du Québec (l’index thématique)
- Ville de Saint-Pierre (secteur de Lachine)