Le feu ravage le pont Victoria
L’inconvénient d’un pont unique
L’incendie survenu au pont Victoria, le 22 août 1920, ramène sur le tapis l’établissement d’une nouvelle voie de communication entre la métropole et live sud de Montréal, plus particulièrement du projet de construction d’un nouveau pont. Si on en juge par les entrevues que nous avons recueillies au cours de la matinée, on semble d’opinion que nos gouvernements devraient s’occuper de cette question, afin que Montréal ne soit plus dans la situation actuelle créée par l’incendie d’hier (22 août 1920).
En effet, les voitures qui entrent ou sortent de la ville par le pont Victoria, ne pourront utiliser cette voie de communication d’ici peut-être huit jours. On doit passer par Longueuil et se servir du traversier. On devrait, dit-on, reprendre l’étude du projet de construire un autre pont pour relier les deux rives.
L’échevin Dixon, interrogé à ce sujet, a dit ce qui suit : «les voyageurs qui viennent à Montréal et ceux qui partent d’ici se trouvent aujourd’hui dans un grave embarras. Et la cause, c’est qu’on dépend d’un seul pont pour atteindre soit Montréal soit la rive sud.
«Il serait temps que les gouvernements fédéral et provincial, ainsi que les municipalités intéressées étudient la question d’ériger un pont ou bien de trouver un moyen quelconque de faciliter la traversée du fleuve. On reconnaît qu’il manque d’hôtels à Montréal; on s’aperçoit aujourd’hui, qu’il nous manque aussi des voies de communication avec la métropole canadienne».
Attendant le bateau
Au moment où nous allons sous presse, une file interminable de voitures et surtout d’autos attendent encore sur la rive sud le moment où elles pourront monter sur le steamer Longueuil et être traversées à Montréal. Comme on l’a vu plus haut, la chaussée du pont Victoria est trop endommagée pour permettre le passage aux voitures, et il faudra attendre quelque temps avant qu’elle soit suffisamment réparée, bien que tous les trains puissent circuler comme d’habitude sur le pont.
Traversée sans cesse
Aux bureaux de la compagnie Canada Steamship Lines, on a déclaré ce matin, à un représentant de La Presse que le Longueuil m’a cessé de traverser d’une rive à l’autre depuis de très bonne heure hier matin. On a dit qu’il n’a même pas cessé durant la nuit et que l’on ne pouvait encore dire à quel moment les traversées arrêteraient. On peut s’imaginer le grand nombre de voitures que le navire a dû transporter de la rive sud à la rive nord si l’on sait qu’il ne peut prendre plus de cinquante autos à la fois.
Quelques données sur le pont Victoria:
Pour ceux qu’intéresseraient les détails de cette grande entreprise, nous résumons les données des ingénieurs de la première construction:
- Pose de la première pierre du premier pilier, le 20 juillet 1854.
- Le premier train de voyageurs le traversa le 17 décembre 1859.
- Longueur totale, y compris les aboutissements, 9,184 pieds.
- Nombre de travées, 25, dont une de 330 pieds, les autres de 242. Élévation du tablier au-dessus du fleuve, 60 pieds. Élévation, du fleuve au sommet du tube central, 108 pieds.
- Profondeur du fleuve, moyenne de 22 pieds. Rapidité du courant, 7 milles à l’heure.
- La maçonnerie comprend 3 millions de pieds cubes. Dans la charpente temporaire il est entré 2,250,000 pieds cubes de bois.
- Les tubes ont absorbé 8,250 tonnes d’acier. Il est entré dans la construction 2,500,000 rivets.
- Quatre couches de peinture recouvraient une surface équivalente à 120 acres carrés. Pour mettre à l’épreuve la construction d’acier, on fit passer un train de 520 pieds, tiré par trois locomotives, et chargé de blocs de pierre. Le fléchissement, constaté au centre des travées, fut de sept-huitième de pouce.
(Extrait de «Histoire populaire de Montréal», par LeBlond de Brumath).