Le Pont du Havre

Le Pont du Havre de Montréal

Cette merveille du génie civil a été achevée 18 mois avant la date prévue par les contrats et ce travail formidable s’est accompli au milieu d’un courant fort rapide et sans interrompre la navigation ni la circulation

L’inauguration du « Pont du Havre de Montréal », pont reliant Montréal à la rive sud, a lieu ce matin (24 mai 1930), à onze heures. Un déploiement unique en son genre a marqué l’événement. La cérémonie se déroulera au son des sirènes de tous les navires. Les personnages officiels et éminents qui rehausseront de leur présence l’éclat de la fête ajouteront un cachet à l’importance d’un aussi grand événement.

La construction de ce pont, merveille du génie civil aura pris quatre ans. C’est un temps relativement court pour une entreprise de cette envergure. Le contrat devait expirer en 1931. Les travaux furent poursuivis avec une telle activité que les entrepreneurs, à la grande joie des commissaires, purent le livrer près de quatorze mois plus tôt. C’est dire que l’outillage moderne a été pour beaucoup dans l’avancement des travaux.

Il est intéressant de retracer en cette occasion l’origine de ce projet. Il remonte en fait à plusieurs années dans le siècle précédent (XIX). On peut suivre dans le détail le développement de cette entreprise canadienne qui n’est rien moins que gigantesque.

Lorsque l’honorable John Young émit l’opinion qu’il avait une demande pour un pont accommodant le trafic ferroviaire et véhiculaire, Charles Legge prépara une série de plans. Il fut l’un des ingénieurs en second du pont tubulaire Victoria. L’approche proposée sur la rive nord était très voisin de celle que l’on a réellement choisi par les commissaires du port. Sous leur direction on a entrepris la construction du pont dans le voisinage de ce qui est aujourd’hui l’avenue Delorimier.

Le tracé identique

On abandonna le premier projet à cause du manque de support gouvernemental. Lorsque on construit le pont ferroviaire du Pacifique Canadien à Lachine, en 1886, le besoin de communications ferroviaires additionnelles avec l’île de Montréal diminua pour un temps. Et ce ne fut qu’en 1897 que la question fut remise de l’avant. On fit alors des études très complètes. L’on institua un concours pour les plans du pont. Le site spécifié était : Delorimier-Île-Sainte-Hélène-Montréal-Sud. C’était pratiquement le tracé de celui que la Ville adopta. Ce concours attira des suggestions d’Europe et d’Amérique, mais le projet échoua encore par défaut de support gouvernemental.

Vers ce temps-là, on reconstruit le pont Victoria. Ainsi le problème ferroviaire se retrouva de nouveau éliminé. Depuis ce moment, on considéra le projet du pont surtout au point de vue de la route carrossable. Des ingénieurs ont soumis des plans, de temps en temps. Mais ce ne fut qu’à l’avènement de l’automobile, vers 1909, qu’on reconsidéra sérieusement le projet. Les commissaires du port commencèrent alors à étudier les possibilités du pont. Cela en vue de développer leurs propres facilités de port sur la rive sud. Par la suite plusieurs projets furent soumis entre 1909 et le début de la Grande guerre. Malheureusement, elle fit abandonner cette entreprise comme tant d’autres.

Le pont Victoria insuffisant

En 1921, la question d’un autre pont et de meilleures facilités de communications avec la rive sud fut de nouveau mise en discussion, car le pont Victoria était devenu insuffisant pour la circulation automobile toujours croissante.

Une loi fut adoptée en 1924 par laquelle les commissaires du port obtenaient le droit de financer, construire et exploiter un pont de voitures d’un point à Montréal à travers le port à un point sur la rive sud. Le colonel C.-N. Monsarrat et M. P.-L. Pratley, ingénieurs conseils de Montréal, et M. J.-B. Strauss, de Chicago, comme associé, furent nommés en 1924, pour choisir l’emplacement, préparer les plans et établir les spécifications et estimés.

Premiers travaux

Les travaux commencent en mai 1925. Les commissaires décidèrent alors de choisir l’emplacement de la rue Delorimier. Le genre de structure fut arrêté et les plans et spécifications approuvés et adoptés pour permettre aux soumissionnaires de faire leurs offres pour la partie de la substructure de l’île Sainte-Hélène à la rive sud. Cette section du pont, mesurant 3,755 pieds, comportait neuf travées de 250 pieds chacune.

On accorda un contrat le 22 mai à la compagnie Quinlan, Robertson et Janin. Les travaux devaient se terminer donc le 15 novembre 1926. Cependant le bureau consultatif eut à considérer les problèmes de cette partie du pont s’avançant au-dessus du chenal de l’île Sainte-Hélène. Ce n’est qu’en août qu’on en vint à une décision.

Il restait encore la partie Nord. Cinq firmes soumissionnèrent, et la plus basse, on a accepté celle de la Dufresne Construction. On a accordé le contrat de la superstructure à la Dominion Bridge.

Les pourparlers entamés au cours de 1924, poursuivirent avec activité avec le gouvernement provincial et les autorités municipales de la Ville de Montréal pour le paiement par chaque corps du tiers de l’intérêt annuel. Les commissaires apprirent que le gouvernement provincial, par un arrêt-en-conseil, et le conseil municipal de Montréal, avaient accepté les termes de l’entente avec la commission du port.

Aujourd’hui, le colosse d’acier aux pieds de ciment enjambe le rapide courant du chenal, franchissant, à une hauteur de 163 pieds au-dessus du niveau de l’eau, la distance de 1097 pieds qui sépare la rive nord de l’île Sainte-Hélène. Ses deux bras s’étendent chacun à 420 pieds, donnant une envergure de 1937 pieds à cette partie du monstre. On aura une idée plus juste

Le coût du pont du Havre

On estime le coût matériel du pont tout entier à 10, 500, 000. Auquel il faut ajouter les frais d’expropriation, la somme totale s’élevant à 12, 000, 000. Le gouvernement fédéral a garanti le coût entier du pont, et on a fait des arrangements pour faire combler tout déficit possible pour le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et la cité de Montréal, à parties égales.

En 1924, le parlement d’Ottawa a autorisé la perception des droits de passage. L’on prévoit que le revenu de cette source défraiera en quelques années les dépenses d’entretien et les intérêts.

Pont du Havre de Montréal
Pont Jacques-Cartier dans les années 1930. Carte postale de l’époque.

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