Épidémie de poliomyélite à Montréal
Le 8 août 1946, en un seul jour, soixante-seize cas de paralysie infantile, complication de la poliomyélite, sont dépistés à Montréal. On savait que les États-Unis étaient alors aux prises avec une épidémie de poliomyélite qui avait déjà fait des milliers de victimes, dont au moins 3 mille enfants. L’anxiété s’empare de Montréal. En effet, une épidémie du même genre, qui avait frappé les voisins du sud en 1916, avait fait près de trente mille victimes.
Le service de santé de la Ville de Montréal ne se fait pas d’illusions, il sait que les risques sont grands pour les enfants, et même pour les adultes quoique les cas soient beaucoup plus rares. Rien à faire sinon observer les moindres symptômes, éviter les familles dont certains membres sont atteints, ne pas oublier de respecter les mesures d’hygiène élémentaire, ne consommer que du lait pasteurisé et de l’eau saine.
C’est l’été et, malgré les suggestions de plusieurs médecins, les piscines publiques restent ouvertes pendant une partie du mois d’août.
Le mois suivant, on reporte l’ouverture des classes du 3 au 10 septembre, puis au 16. Les hôpitaux montréalais sont débordés et les enfants sont parqués dans les couloirs et sur les paliers des escaliers. Le public est scandalisé quand on découvre que dans certains hôpitaux, il reste des lits inoccupés que certains administrateurs vendent aux plus offrants.
Au Québec, un enfant sur mille a été touché par cette épidémie, surtout à Montréal, et 20 pour cent au moins de ces malades sont restés handicapés.
Note : Anosodiaphorie : Simple indifférence d’un hémiplégique pour son côté paralysé. À ne pas confondre avec l’anosognosie qui s’applique à l’hémiplégie gauche avec perte totale de la notion du côté paralysé.
Fièvres éruptives
La fréquence des réactions nerveuses à l’occasion des fièvres éruptives est une notion de date ancienne ; on connaît bien, du reste, le balancement entre manifestation cutanées et manifestations nerveuses centrales, les deux tissus étant de même origine ectodermique.
Des travaux récents (Van Bogaert) ont précisé les lois qui régissent les répercussions nerveuses à retardement dans la vaccine et les fièvres éruptives : délai d’apparition variable avec chaque maladie et toujours la même pour chacune d’elles ; discordance entre la gravité des manifestations cutanées et celle des manifestations nerveuses, ces dernières étant généralement plus violentes quand les premières ont été bénignes, – rôle joué dans les processus d’immunisation.
Bien qu’il semble s’agir le plus souvent d’une manifestation d’hyperallergie, l’hypothèse d’un virus neurotrope secondaire ne doit pas être écartée, à preuve la fréquence de l’herpès concomitant (ectodermose neurotrope de Levaditi).
Au point de vue anatomique, certains auteurs ont souligné qu’il s’agissait souvent de leuco-encéphalite.
– Vaccine. – Régis a décrit, en 1903, dans 7 cas, un délire vaccinal qui, par la présence de ses symptômes, sa date d’apparition, sa durée éphémère réalise un véritable délire expérimental : début au cinquième-sixième jour, durée trois jours ; formule hallucinatoire; guérison constante.
– Variole. – D’observation rare aujourd’hui, elle s’accompagne volontiers de délire onirique.
– Rougeole. – Délire rare dans les rougeoles simples, hallucinations et terreurs nocturnes chez les enfants dans les formes violentes ; il faut penser à la possibilité de complications otitiques susceptibles de provoquer des réactions méningo-encéphalitiques.
– Scarlatine. – Les accidents mentaux y sont plus fréquents que dans les autres fièvres éruptives. De connaissance ancienne (Louis, Trousseau, Baillarger, Kraepelin), ils ont été bien étudiés en 1889 par Moureyre, qui distingue des délires d’incubation, des délires de la période d’infection qu’il appelle intrascarlatineux et des délires postscarlatineux. Il faut souligner la fréquence des formes agitées et hallucinatoires.
Le délire aigu mortel s’y observe fréquemment et coïncide souvent avec le syndrome infectieux malin (7 cas sur les 18 observations de Moureyre). A. Porot a rapporté deux cas de délire aigu avec herpès survenu huit jours après l’éfervescence d’une scarlatine et a souligné leur intérêt au point de vue de la pathologie générale infectieuse.
Fièvres récurrentes
Les troubles psychiques de cette affection relativement bénigne consistent surtout en tuphos (typhus récurrent) avec confusion et onirisme. Une anxiété, parfois très vive, complique volontiers le tableau. On observe parfois des états maniaques avec fabulation sur thèmes de grandeur et des bouffées délirantes transitoires.
Les complications neuropsychiques résultent souvent d’un appoint alcoolique ; il faut en tenir compte dans les méthodes thérapeutiques qui se confondent avec celles des psychoses infectieuses.
Anosognosie
Au sens littéral du mot, anosognosie signifie méconnaissance d’une maladie (« nosos ») ou d’une infirmité (déficit moteur ou sensoriel). Ce phénomène a été décrit par Monakow, en 1885, puis par Anton, en 1899; c’est Babinski qui consacra en 1914 le terme d’anosognosie, mais en lui donnant un sens plus restrictif et en l’appliquant à certains cas d’hémiplégie gauche, d’où le nom de syndrome d’Anton-Babinski. « Malgré une conservation à peu près complète des fonctions intellectuelles, les malades atteints de ce trouble semblent n’avoir aucune notion de leur paralysie et ne se plaignent nullement de leur impotence qu’ils semblent ignorer; c’est comme si le sujet, se désintéressant complètement de son bras ou de sa jambe du côté paralysé, était incapable d’y fixer son attention et n’en gardait pour ainsi dire plus le souvenir » (Babinski). Bien plus, il existe même quelques fois de la part du malade une réelle obstination à ne pas admettre la paralysie, une résistance à sa reconnaissance, vraiment déconcertante (Obs. de Barré). Ce phénomène est d’autant plus frappant que les sujets chez lesquels on le rencontre étaient souvent obsédés, avant l’attaque, de la crainte d’une paralysie (Babinski) et que même, dans une observation de Lutembacher, il se reproduisit une seconde fois, à deux années de distance, chez un sujet pourtant prévenu.
Plusieurs variétés sont possibles : ou bien le malade réfléchit sur l’hémicorps droit tout ce qu’il croit exécuter et ressentir dans l’hémicorps gauche : ou bien il a conscience de l’existence de son hémicorps gauche, mais le perçoit comme détaché de son corps et ne lui appartenant plus; ou enfin il a le sentiment d’avoir, à côté de lui, un bras ou une jambe qui appartiennent à une autre personne ou un 3e bras dont il ignore la provenance, ou même un corps étranger qu’il identifie mal et qu’il suppose parfois être un serpent.
La lésion causale siège généralement dans la région rétrolenticulaire de la capsule interne, au carrefour des voies optiques et des voies de la sensibilité profonde. Aujourd’hui, on en fait un aspect particulier de la perte du « schéma corporel », de « l’image du corps ». Ce phénomène est à rapprocher de la perte de la notion « droite gauche », signalée depuis dans les lésions de la région pariétale postérieure.
- En dehors du syndrome d’Anton-Babinski, il existe des anosognosies visuelles chez certains malades atteints de cécité corticale : ils ignorent ou refusent d’admettre leur cécité et parfois ils décrivent tout ce qu’ils croient voir. Il semble que, dans un bon nombre de cas, une activité hallucinatoire compense le déficit des perceptions visuelles. Il en est de même dans certaines hémianopsies latérales homonymes gauches.
- Gayral a signalé un cas curieux d’indifférence congénitale à la douleur chez une femme enceinte qui ignorait sa situation de parturiente et accoucha sans douleur. Cet auteur en fait un trouble de la somatognosie et « rapproche ce trouble psychologique de la perturbation de l’image de soi et de l’auto-connaissance du corps propre » (A. M. P., avril 1958, p. 593).
Th. Kammerer.

Pour en apprendre plus :
- Épidémies à Montréal
- Vaccination de 1901
- Le roc irlandais
- Fièvre des navires
- Poliomyélite et diphtérie en 1939
- Herpès labial