Le plan Dozois

Histoire de Montréal – Le plan Dozois : Table rase!

L’humanité a deux passions qui la satisfont également : bâtir et démolir. Bâtir justifie de démolir, et vice et versa. Pensez à Jean Drapeau. Rappelons-nous aussi que Paris a été modernisé, presque avec sauvagerie, par le baron Haussmann : il a pour ainsi dire anéanti la ville médiévale pour ériger de grands édifices et percer de grandes artères droites qui font aujourd’hui le charme de cette ville qui a sacrifié son passé pour son avenir.

Allez faire un tour dans d’autres grandes villes européennes, dont Rome, et vous verrez qu’elles n’ont pas effacé ainsi leur passé. Pendant la Révolution tranquille, Montréal a connu une frénésie de démolition, toujours sous le prétexte de construire.

Hélas! Un peu à l’image de ces polyvalentes affreuses aux allures de pénitenciers bétonnés sans fenêtres, les nouveaux édifices seront rarement dignes de l’espoir que l’on plaçait en eux, au contraire… Qui se souvient de Paul Dozois? On se rappelle surtout le plan qui porte son nom. Le but de ce plan Dozois était de lutter contre les taudis. C’est une vieille passion montréalaise. Je vous rappelle qu’au siècle précédent, les maires Wolfred Nelson, l’ancien Patriote, et Honoré Beaugrand, cet aventurier socialiste, avaient fait campagne sur le thème de la lutte contre les mansardes malpropres et les maladies propagées par a moisissure, les rongeurs et les insectes. En 1885, Beaugrand va jusqu’à obliger la population à se faire vacciner contre la variole. Mais on n’en est plus là la veille de la Révolution tranquille. On reproche plutôt aux taudis montréalais leur laideur qui « défigure » Montréal. On déteste tout particulièrement le quartier du Red Light, ce royaume du sexe et de l’alcool que va chanter Claude Dubois. On va démolir! Avec de belles intentions : ériger sur cette table les Habitations Jeanne-Mance, logements à loyer modique, qui, bien sûr, sont laids, bétonnés, et bientôt criminalisés…

On a ainsi hypothéqué le Quartier Latin en y implantant artificiellement une population résidentielle vivant dans les HLM. Plus loin dans Ville-Marie quelques années plus tard, on a détruit un quartier entier, le « Faubourg à m’lasse », pour ériger la tour de Radio-Canada, un édifice quelconque, brun et falot… dont la société d’État ne veut même plus. On aussi creusé l’autoroute Bonaventure et, pour ce faire, là encore, on a en partie rasé des quartiers. Les propriétaires sont expropriés, les locataires évincés, et les récalcitrants se font vider par la police. Ce grand drame humain en valait-il la peine? En tout cas, les compagnies de construction, et de destruction, ont engrangé de juteux profits… Quand on regarde les photos de ces quartiers disparus, on a mal au cœur, car ils comportaient de beaux édifices patrimoniaux.

Quel incroyable mépris du patrimoine. C’était alors la mode du béton, direz-vous. Notre époque vaut-elle mieux? Au moment d’écrire ces lignes, cela fait moins de six mois que la Ville de Montréal a détruit le site archéologique du Village des tanneries, sous l’échangeur Turcot, un vestige de la Nouvelle-France.

(Source du texte : le livre « Montréal : 60 événements qui ont marqué l’histoire de la métropole », par Gilles Proulx avec Louis-Philippe Messier. Les éditions du journal).

Montréal se voulait moderne et en moyens, éprouvait le besoin d’effacer celui d’hier, vétuste et pauvre. On a mal au cœur en pensant aux quartiers disparus, mais ne faut-il pas parfois faire table rase pour fonder quelque chose de nouveau? Photo de GrandQuébec.com.

Le bulletin de la bonne santé

Enfants en danger

Si l’on vous disait, madame, que votre enfant est en danger de mort, vous seriez aux cents coups et vous feriez immédiatement le nécessaire pour conjurer le péril qui menace votre héritier.

Or, à Montréal, il existe encore un trop grand nombre d’enfants qui ne sont pas immunisés contre la diphtérie et ce sont précisément ceux qui en auraient le plus besoin, car la diphtérie est surtout dangereuse durant les cinq premières années d’abord et ensuite de cinq a dix ans.

Votre fils a quatre ans. Il jouit d’une excellente santé. C’est un bonhomme superbe dont la présence ensoleille votre foyer. Qu’il lui arrive, un jour, le malheur de contracter la diphtérie et – second malheur – que le docteur ne soit pas appelé à temps pour injecter le sérum de Roux et vous voilà en deuil.

Ne croyez-vous pas, madame, qu’il serait bien plus simple de recourir au moyen que vous procure la science médicale: l’immunisation par la méthode de Ramon? L’anatoxine découverte par ce professeur est un vaccin inoffensif, indolore, efficace. Il s’agit de trois piqûres faites n trois semaines d’intervalle et votre enfant sera protégé contre une maladie redoutable.

Ne vaut-il pas la peine que vous vous rendiez tout de suite chez votre médecin ou, si vous ne pouvez pas défrayer le coût de cette immunisation à un centre d’immunisation?

Il y a des milliers de mamans, à Montréal, qui ont jusqu’ici négligé de prendre pour leurs enfants cette assurance nécessaire.

Pourquoi cette abstention regrettable qui est susceptible de nuire au paysage de la vie familiale

Pourquoi prendre le risque de voir un petit garçon ou une petite fille aux prises avec une affection souvent mortelle?

Pourquoi ne pas vous rendre à la demande pressante du Service de Santé de Montréal et de toutes les autorités scientifiques de l’univers?

L’innocuité de l’immunisation est prouvée par l’expérience des millions de cas qui ont supporté cette vaccination sans aucun inconvénient. La réaction quand elle existe n’est jamais grave. On immunise les bébés à partir de l’âge de six mois.

L’efficacité de l’immunisation est démontrée par le fait indiscutable que la diphtérie recule en raison directe du nombre d’enfants immunisés. En une douzaine d’années, à Montréal, grâce à l’immunisation, nous avons abaissé le taux de mortalité causée par la diphtérie de 2.9 par 100,000 de population à 2.1.

Mais – et nous ne saurions le répéter trop souvent – il y a encore un trop grand nombre de jeunes enfants qui ne sont pas immunisés contre la diphtérie.

C’est aux mamans de ces enfants que nous lançons le plus pressant appel, un appel qu’elles devraient entendre dans l’intérêt de leurs enfants. Si vous avez un petit garçon ou une petite fille qui n’a pas encore été immunisé, n’hésitez pas une seconde. Suivez les directives que vous donnent toutes les autorités en hygiène publique, faites immuniser vos enfants le plus tôt possible après l’âge de six mois.

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Le virus est le dernier prédateur de l’homme. (Robin Cook). Illustration de Megan Jorgensen.

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