
Francophones et anglophones au XIXe et jusqu’à la première moitié du XXe siècle : Éducation anglaise et éducation française
(D’après Camille Bertrand, « Histoire de Montréal », texte paru en 1942).
Depuis 1760, l’élément anglais s’est emparé de tous les rouages économiques importants. Il a créé à son profit la navigation intérieure et océanique, il a établi un vaste réseau de chemins de fer, dont Montréal est le centre ou l’aboutissement. Il a fondé les grandes entreprises d’utilité publiques: téléphone, télégraphe, tramways, électricité. En autant que l’administration municipale doit intervenir dans ces entreprises, on conçoit que leurs directeurs, tous anglais, s’imposent à nos édiles. Il ne saurait en être autrement.
Dans le domaine strictement municipal, les Anglais ont également pris l’initiative de création de la plupart des services. Ils ont organisé les départements de l’aqueduc, de l’éclairage, de la police, des finances, des parcs publics, etc. On peut dire qu’ils ont pris l’initiative de presque toute l’économie municipale. Ils sont restés les maîtres incontestés de leurs créations, nous abandonnant volontiers le rôle plus facile et plus rémunérateur pour eux de clientèle satisfaite et de main-d’œuvre habile.
Cet ascendant des nouveaux venus sur les premiers habitants de Ville-Marie a eu plusieurs causes; mais l’histoire de l’éducation des deux groupes ne peut manquer de jeter quelque lumière sur ce fait historique, aussi réel qu’étrange en vérité. Nous entendons par éducation tout ce qui, dans les institutions sociales, littéraires, scientifiques aussi bien que scolaires d’une grande ville, contribue à former des citoyens de caractère, des hommes actifs, capables de seconder les élites dans l’œuvre commune du progrès civique.
Nous nous garderons bien cependant d’établir des comparaisons entre les organisations scolaires ou sociales des deux groupes de Montréalais, tant les circonstances et les influences diverses ont agi différemment sur chacun d’eux. On trouvera donc ici un simple exposé des faits, sans prétention d’infaillibilité ou de critique.
Instruction publique – Publications générales – Institutions sociales, tel est l’ordre que nous suivrons dans ces deux chapitres sur l’éducation.
Éducation anglaise
Il est possible que les deux premiers ministres anglicans, MM. Doty et Delisle, aient été les premiers à faire l’école à Montréal; mais nous ne connaissons pas de document qui l’établisse. Le premier maître d’école connu est un monsieur John Pullman, venu de New-York en 1773, à la demande du révérend Ogilvie et des habitants.
Il établit une école, uniquement soutenue par les citoyens, et qui dura une dizaine d’années. Par contre, l’année suivante, un monsieur Jordan reçoit du gouvernement la somme de $100. pour l’aider à maintenir à Montréal une école privée.1 Vers 1778, un troisième instituteur, Finlay Fisher, commence un autre établissement indépendant, qui fut porté, sept ans plus tard, sur la liste des écoles subventionnées par l’État.
En 1781, le révérend John Stuart et un M. Christie, fondaient l’Académie de Montréal, sous les auspices du gouvernement de Québec. L’école devait recevoir indistinctement protestants et catholiques; et dès la deuxième année, elle comptait 44 élèves. Le programme des études comportait aussi l’enseignement des classiques.
L’instituteur Christie dût cependant être renvoyé pour incapacité et M. Stuart continua son œuvre avec un autre jusqu’en 1786, alors qu’il devint ministre à Kingston. En 1791, le révérend Charles Delisle envoyait au gouvernement un rapport sur les écoles protestantes à Montréal. Il y avait alors quatre écoles anglaises, dont celle d’un M. William Nelson paraît être la plus importante. Robert Mill, son assistant, était, dit-on, un homme de grand savoir. À l’école Nelson on enseignait le français, l’anglais, le grec et le latin, les mathématiques et les sciences exactes. Une cinquantaine de garçons des familles à l’aise fréquentaient cette école, qui fut comme le premier établissement des High Schools. Finlay Fisher continuait toujours son institution florissante avec cinquante élèves.
Deux autres écoles primaires, sous la direction de MM. Bowen et Ginnis, formaient avec les deux précédentes tout le régime scolaire anglais à la fin du XVIIIe siècle.
Ce système des écoles privées se continua dans la première partie du siècle suivant. Il ne disparut d’ailleurs jamais complètement; mais de 1773 à 1815, il fut le seul en usage chez les Anglais de Montréal.
Nous connaissons les noms de quelques-uns de ces instituteurs, sans pouvoir déterminer exactement la date de leur enseignement. Il y avait alors la Royal Grammar School, dirigée par A. Skakel; l’école de l’Église St-Paul, en charge du révérend Dr Black. Le révérend J. Ramsay avait un établissement similaire sur la rue St-Laurent; MM. Howden et Taggart avaient aussi une école sur la rue Craig; une autre, sur la rue de l’Hôpital, était conduite par un nommé Workman; un M. Bruce avait la sienne sur la rue McGill. Les femmes aussi s’occupaient d’enseignement. Mlle Easton enseignait à l’école de la rue Bonaventure; Mlle Felton avait charge de l’école écossaise de la rue St-Gabriel; enfin madame Fitzgerald dirigeait aussi une école privée sur la rue Notre-Dame.
Mais à partir de 1816, des institutions publiques se fondent et finissent par jeter au second plan les initiatives individuelles.
C’est d’abord la National School, fondée en 1816, sur la rue Bonsecours, et qui durait encore en 1838. L’école nationale recevait filles et garçons. A l’époque de la rébellion (1838) elle était fréquentée par 56 catholiques et 204 protestants.
En 1822, la « British and Canadian School », également mixte, ouvrait ses portes aux Canadiens comme aux Anglais. Elle comptait, quatre ans plus tard, 135 catholiques et 140 protestants. L’instruction paraît y avoir été donnée à peu près gratuitement. L’école était située sur la rue Lagauchetière, et pouvait recevoir 600 élèves. Son but était de donner surtout l’instruction primaire bilingue; mais elle formait aussi des instituteurs et des institutrices.
On peut dire que ce fut la première école normale de notre ville. L’œuvre était en grande partie soutenue par une subvention de la Législature de Québec.
L’intervention des pouvoirs publics dans le domaine de l’éducation date effectivement de 1801; mais on ne voit nulle part que l’enseignement primaire de Montréal ait jamais bénéficié de l’Institution royale. (Sur les 78 écoles soutenues en 1829 par cette organisation aucune de Montréal n’est mentionnée. Brymner: 9 Rapport sur les Archives » pour 1900, p. 19.)
L’Institution royale fut établie par une loi du parlement en 1801, et le gouvernement mit à sa disposition les revenus des biens des Jésuites, confisqués après la cession. Au sens de la loi, catholiques et protestants devaient bénéficier du nouvel organisme scolaire; mais le caractère mixte du bureau de direction, que présidait l’évêque anglican, en tînt éloigné l’élément catholique. De sorte que, en fait, seuls les Anglais eurent tout le bénéfice de l’Institution.
Lorsqu’en 1816, le gouvernement de Québec décida de fonder un collège à Montréal, il plaça l’entreprise sous les auspices de l’Institution royale et fournit des fonds chaque année pour son entretien. Le nouvel établissement, d’abord appelé le Collège Royal, devint bientôt le « Collège McGill », (Aujourd’hui l’Université McGill) pour la fondation duquel James McGill, conseiller législatif, avait laissé, en 1811, par legs testamentaire, une somme de 10,000 livres sterling. Le collège obtint une charte royale en 1821. Dans un rapport de Kempt en 1829, on voit qu’une somme annuelle de £254, prise à même les revenus des biens des Jésuites, est accordée pour le maintien du Collège McGill. À même les fonds des Jésuites, sir James Kempt reconnut qu’il « était légitime de payer le salaire d’un professeur du King’s College du Haut-Canada.» («Rapport des Arch. Can.», pp. 55—56, année 1899). —- Si donc aujourd’hui une partie des taxes payées par les compagnies anonymes est versée au fond scolaire des catholiques, il n’est pas mauvais de rappeler que nous avons longtemps payé pour les écoles des autres dans le passé).
L’Université McGill, en plus des cours professionnels de loi, de médecine et de droit religieux, comprend plusieurs écoles de sciences spécialisées et de haute culture. C’est de nos jours l’une des plus belles institutions d’Amérique.
Les Anglais de notre ville ont toujours eu l’orgueil de leur maison d’enseignement supérieur et ils la soutiennent généreusement. Ainsi en 1856, le Board of Trade convoquait une réunion des citoyens influents, industriels et commerçants, pour aviser aux moyens de stabiliser la situation financière de McGill. Séance tenante, on souscrivit la somme de £8,850, pour éteindre tous les déficits antérieurs.
Cette heureuse initiative fut souvent renouvelée dans la suite.
Les études secondaires, préparant aux diverses facultés universitaires, se font dans les « High School », équivalant à peu près à nos collèges classiques. Elles comportent cependant plus d’études scientifiques, avec latin obligatoire, mais le grec facultatif.
Quant à l’enseignement primaire, il est confié à une commission générale pour toute la ville. Ce système fut commencé en 1832, lorsque la Législature créa les écoles confessionnelles catholiques et protestantes, sous la régie des commissions paroissiales indépendantes.
Éducation française
Sur l’école française de cette époque, nous avons assez peu de données certaines. On sait toutefois que les Sœurs de la Congrégation avaient dans la province une trentaine de religieuses enseignantes; mais on ignore le nombre de ces institutrices à Montréal même. En ce temps-là, le sulpicien Brassier affirme que le Séminaire de Montréal entretenait à ses frais deux petites écoles, fréquentées par 162 garçons. On y enseignait « à lire et à écrire en français et en latin ».
Les parents devaient verser cinq chelins par an pour chaque enfant; mais plusieurs, lit-on dans un rapport au gouvernement, ne payaient absolument rien; le séminaire fournissait aussi les livres.
Ces deux écoles étaient installées dans l’ancien château de Vaudreuil, devenu le collège St-Raphaël.
Nous trouvons, dans un rapport du gouverneur Aylmer à lord Goderich (1832), que Montréal comptait quelques petites écoles, dont les maîtres étaient payés par le gouvernement de Québec. La plus importante était l’École St-Jacques, pour filles et garçons. Elle comprenait l’enseignement français, un cours d’anglais, et un cours du soir. Celui-ci était donné par un M. Ducharme.
Il y avait aussi l’École des Récollets, dirigée par deux maîtres et deux maîtresses; où l’on donnait l’enseignement à environ 200 enfants, filles et garçons. On mentionne aussi une École des Enfants, en charge de deux instituteurs. Dans ce rapport, on ne dit rien des écoles maintenues par le Séminaire, car elles n’émergeaient pas au budget de l’État.
On voit, par ce qui précède, que l’école primaire française, eu égard au chiffre de la population de notre ville, ne se comparaît pas avec avantage avec l’école anglaise; mais à partir de 1837, l’arrivée des Frères des Écoles chrétiennes changea pour le mieux la situation.
En 1737, les Frères avaient été invités à succéder aux Frères Charron, alors en pleine décadence, dans renseignement primaire à Montréal. Le projet ne devait être réalisé qu’un siècle plus tard. Amenés ici par Mgr Bourget, les frères Aidant, Adalbertus, Euverte et Rombault commencèrent une petite école, à l’endroit où fut établie la première école du Séminaire, située sur la rue Notre-Dame, au coin de la rue François-Xavier. Il va sans dire que le Séminaire s’était chargé des frais d’entretien de cette école, comme l’y autorisaient ses titres de concession de toute File de Montréal. L’école était alors fréquentée par plus de 300 enfants.
Deux ans plus tard, les Sulpiciens faisaient construire une autre école des Frères sur la rue Côté, qui resta un centre d’instruction primaire durant presque un siècle et fut en même temps la maison provinciale des Frères. On l’a démolie en ces dernières années.
Si dans le domaine de l’instruction primaire, les Anglais paraissaient plus favorisés que les Canadiens de l’époque, il est juste de souligner que ces derniers fondèrent un collège d’enseignement secondaire, au moins cinquante ans avant leurs concitoyens.
On peut regretter que l’enseignement primaire ait été négligé, mais il faut se réjouir que l’enseignement secondaire ait en partie comblé cette lacune, par la formation d’une élite qui nous a bien servis, c’est incontestable. La qualité plutôt que la quantité, nous a, dans le temps, préparé des chefs politiques, tant à Québec qu’à Montréal; et ces chefs sont au premier plan du régime constitutionnel (1791-1838) comme à l’époque dangereuse de l’union législative (1841-1867).
Une première tentative de fonder un collège à Montréal avait échoué vers 1730. Nous avons dit, au premier volume de cet ouvrage, que les Jésuites avaient voulu établir ici une sorte de succursale de leur établissement de Québec; mais il serait difficile de dire au juste quelles influences empêchèrent la réalisation d’un aussi louable projet. En tout cas Montréal resta sans collège tout le temps du régime français, alors que Québec en comptait deux, celui des Jésuites et le Petit Séminaire. Ce n’est qu’en 1767 que notre ville vit commencer son premier établissement d’études supérieures.
Le Sulpicien J.-B. Curatteau, curé de la Longue-Pointe, réunissait dans son presbytère quelques élèves, auxquels il enseignait le français et les éléments du latin.
Cet embryon d’études classiques amena la fondation du collège St-Raphaël en 1773. Cette année là, la fabrique de Notre-Dame, aidée de quelques citoyens en vue, achetait le vieux château de Vaudreuil, situé dans le bas de la Place Jacques-Cartier, et le convertissait en collège classique. En 1790, un rapport de M. Brassier, supérieur du séminaire, nous fait savoir que le nouveau collège comptait alors six professeurs et 91 élèves, répartis en cinq classes: philosophie, seconde, quatrième, sixième et préparatoire.
Le programme des études comportait l’anglais, le français, le latin — on ne mentionne pas le grec — la géographie, l’arithmétique, les humanités, la rhétorique, la philosophie et la physique. Les pensionnaires devaient payer 14 livres, 11 chelins, 8 pences par année; les externes ne versaient qu’une guinée.
Le collège St-Raphaël fut entièrement détruit au cours de l’incendie, qui ravagea le centre de la ville en 1803. Il fut aussitôt reconstruit aux frais du séminaire sur la place de l’ancien marché à foin et prit le nom de collège de Montréal. En 1862, il est transporté à la montagne, dans la bâtisse du Grand Séminaire. Vers 1870, les classiques s’installent dans l’édifice actuel qui est le prolongement du séminaire de théologie.
En 1794, le séminaire de St-Sulpice avait formulé le projet de compléter son œuvre d’éducation par la fondation d’une université, comprenant au moins quelques facultés, conduisant aux carrières professionnelles. Soumis aux autorités civiles de Québec, le plan leur parut prématuré et ne reçut pas leur approbation. Il n’en fut plus question.
C’est ainsi que les revenus des biens des Jésuites s’accumulaient aux mains du gouvernement, alors que celui-ci refusait son concours aux initiatives éducationnelles des Canadiens pour l’éducation desquels ces biens avaient été donnés par le roi de France. De plus, vers le même temps (1792), un M. Simon Sanguinet, avait laissé, par testament, de vastes terrains de ville4 pour la fondation d’une université à Montréal. Où l’on voit que les Messieurs de St-Sulpice étaient secondés par les laïques pour l’établissement de l’éducation supérieure. Mais le gouvernement de Québec n’approuvant pas le projet du Séminaire, il parut difficile de le réaliser. Pourtant ce que le gouverneur anglais refusait aux Canadiens à la fin du XVIIIe siècle devait s’accomplir à peine vingt ans plus tard (1816) pour la fondation McGill.
Que serait aujourd’hui l’Université de Montréal, si elle comptait près de 150 ans d’existence ? N’en doutons point, c’est tout notre système scolaire qui se ressent encore de cette opportunité, manquée par le mauvais vouloir des gouvernants de l’époque. Ce sont eux surtout qui doivent en porter la responsabilité. Jamais peut-être l’ostracisme’ des vainqueurs de 1760 nous aura été aussi préjudiciable. (Le plan de ces terrains se trouve dans la série des papiers d’État
« Q. vol. 60, p. 127a. » Archives Publiques du Canada.)
« Les Jésuites, dit un historien, ne pouvaient manquer de revenir dans une contrée, où ils avaient payé de leur sang un droit d’occupation. » Appelé par M. Quiblier, supérieur du Séminaire, le père Chazelle, recteur du collège de Ste-Marie, au Kentucky, vint prêcher une retraite pastorale au clergé. On exprima alors le désir de voir les Jésuites revenir au Canada. Après bien des pourparlers entre les intéressés, le père Félix Martin venait fonder à Montréal le collège Sainte-Marie (1848). Sulpiciens et Jésuites sont restés depuis les grands éducateurs de la jeunesse montréalaise, qui se destine aux carrières professionnelles ou à la cléricature ecclésiastique.
Les Sulpiciens ont ouvert depuis quelques années un externat classique dans la partie nord-est de la ville, où les familles moins à l’aise envoient leurs enfants qui aspirent aux carrières professionnelles ou religieuses.
Les Jésuites de leur côté ont fondé récemment le collège Loyola pour la jeunesse irlandaise et le collège Jean-de-Brébeuf, où l’on reçoit surtout les internes, le collège Ste-Marie servant maintenant d’externat. Loyola et Brébeuf sont situés à la montagne où d’autres institutions d’enseignement supérieur se sont établies en ces dernières années.
Les Pères de la Congrégation Sainte-Croix s’établirent au village St-Laurent, dans la banlieue de Montréal en 1847. Leur collège St-Laurent comporte un programme double d’études classiques et commerciales. La Congrégation possède aussi son externat dans l’est de la ville.
Une huitième institution du genre a été fondée pour les filles par les Sœurs de la Congrégation. C’est le collège Marguerite Bourgeoys. Enfin depuis deux ans, on a ouvert à Outremont une succursale du Collège Stanislas de Paris. Comme on le voit, Montréal ne manque pas de collèges classiques, d’où sortent chaque année, un grand nombre de bacheliers.
Parallèlement aux études secondaires l’enseignement primaire supérieur et l’enseignement scientifique comptent aussi plusieurs établissements. La démarcation entre les deux cours n’est pas toujours marquée. Ils se compénètrent souvent dans la même institution.
La plus ancienne de ces écoles, croyons-nous, en tout cas la plus importante, est le Mont-Saint-Louis, où l’on prépare les étudiants pour les écoles scientifiques de l’université, pour l’École polytechnique et les Hautes Études commerciales. Fondé en 1888, il est resté sous la direction des Frères des Écoles chrétiennes. L’enseignement y est bilingue avec quelques notions de latin. Avec ses 600 ou 700 élèves chaque année, c’est jusqu’ici le collège qui a fourni le plus grand nombre de compétences dans le commerce, l’industrie, les carrières spécialisées. Un peu dans le même genre d’éducation, on a créé récemment quelques écoles, dites primaires supérieures, sous la direction de la Commission générale des petites écoles de Montréal. Ce ne sont pas des institutions indépendantes, jouissant d’un organisme spécialement adopté à leurs besoins. Ce sont plutôt des écoles ordinaires avec prolongement d’études après la huitième. Elles attendent l’unité de direction pour donner d’importants résultats.
La fondation du Villa-Maria en 1854 couronna en quelque sorte l’œuvre éducative des Sœurs de la Congrégation, les pionniers de l’enseignement à Montréal, puisque leur début se mêle à la fondation même de notre ville.
On y donne une formation supérieure réputée. C’est le couvent fashionable de la ville et, au vrai, de tout le Canada français.
En 1880, à côté du Villa Maria, bâti sur l’ancienne propriété Monkland des gouverneurs anglais, la communauté avait transporté sa maison de formation religieuse et devait y établir sa maison-mère, quand, le 8 juin 1893, l’incendie réduisit en cendres les nouveaux bâtiments et leurs trésors d’archives. Le Séminaire mit alors à la disposition des Sœurs un vaste terrain rue Sherbrooke, en face du Grand Séminaire. La Congrégation y construisit sa maison-mère; plus tard on ajouta à l’établissement l’école de pédagogie supérieure et l’école normale des filles, commencée en 1899 dans le vieux couvent de la rue St-Jean-Baptiste.
Plus heureux que les garçons, qui n’ont guère que le collège Mont-Saint-Louis, où ils puissent poursuivre leurs études et se préparer aux écoles spécialisées, les filles ont aujourd’hui le choix, au sortir de l’école primaire, entre plusieurs maisons d’éducation supérieure. En outre de l’antique Villa-Maria des Sœurs de la Congrégation, les Sœurs Jésus-Marie ont construit sur le versant ouest de la montagne un magnifique couvent, où des centaines d’élèves vont parfaire leur éducation. Les Sœurs du Sacré-Cœur ont aussi un bel établissement. Commencé rue St-Alexandre, il est depuis peu aménagé dans la partie ouest de la ville. À Lachine, banlieue de Montréal, les Sœurs Ste-Anne possèdent depuis 75 ans, un grand pensionnat de grande renommée.
Passant aux écoles spécialisées, pour lesquelles, on vient de le voir, il y a pénurie d’institutions préparatoires, nous nous contenterons de mentionner les principales, toutes étant justement connues et appréciées.
La première en date est l’École normale Jacques-Cartier, dont la fondation remonte à plus de 75 ans. Le 4 mars 1857, s’ouvrait au château de Ramezay, la première école normale primaire de Montréal. Le fondateur et premier directeur fut l’abbé A.-H. Verreault. Déjà en 1837, une tentative avait été faite dans ce sens et M. Guizot, ministre de l’éducation en France, avait délégué un M. Regnaud pour aider à l’établissement de l’école sur le plan des écoles normales françaises. Les troubles de 1837 ne permirent pas de réaliser alors ce beau projet qui eût été en avance de 20 ans sur l’école normale anglaise. En 1857, l’œuvre put enfin être mise sur pied, sous le ministère de J.-O. Chauveau. L’événement donna lieu à de belles cérémonies, présidées par le ministre et auxquelles participèrent Mgr Bourget, le commandant de l’armée, sir W. Eyre, le maire de la ville et autres notables. Le gouvernement fit construire l’édifice actuel, au parc Lafontaine, où une centaine d’élèves se préparent, en cinq années de cours, à l’enseignement primaire.
Dans l’après-midi du même jour, on inaugurait l’école normale protestante, sous la présidence de l’évêque anglican, du principal Dawson et du général Eyre. Quant aux congrégations de Frères, elles ont l’équivalent de l’école normale dans leurs maisons de formation religieuse. Depuis 5 ou 6 ans, on a fondé l’Institut St-Georges, où professeurs laïques et religieux trouvent un prolongement de leurs études pédagogiques.
L’École Technique est une autre école spécialisée, fondée depuis 30 ans à peine. C’est une heureuse initiative du gouvernement Gouin en 1909, et dont le vaste édifice occupe 150,000 pieds de terrain sur la rue Sherbrooke, à l’angle de la rue Jeanne-Mance. L’école ouvrit ses portes à l’automne de 1911, à des centaines de jeunes gens qui veulent apprendre à fond un bon métier. Comme son nom l’indique, cette maison prépare aux carrières industrielles, par des études théoriques et techniques, dont un outillage moderne et perfectionné permet l’expérience dans la pratique.
À la sortie de l’école primaire supérieure, les garçons peuvent entrer à l’École des Hautes Études commerciales, pour se spécialiser dans les diverses branches du commerce, de l’industrie, de la finance. L’École est une autre création du gouvernement Gouin en 1910. Elle occupe un bel édifice en pierre, décoré de nombreux motifs sculptés; d’une remarquable et massive architecture, l’édifice est situé en face de l’historique carré Viger. L’école possède un musée de produits naturels et fabriqués et une bibliothèque d’ouvrages scientifiques et techniques, d’une très belle valeur et auxquels le public comme les étudiants ont libre accès. L’École des Hautes Études est aujourd’hui agrégée à l’Université de Montréal.
Pour le recrutement du clergé, le Séminaire de St-Sulpice commença en 1854 la construction d’un Grand séminaire, sur l’emplacement de l’ancienne mission sauvage de la montagne. Trois ans plus tard, MM. Baile, directeur, Larue et Mercier, professeurs, recevaient une cinquantaine de séminaristes. C’est aujourd’hui la plus grande institution du genre en Amérique du Nord. Elle compte plus de 300 étudiants en théologie, venus de toutes les parties du continent. Depuis quelques années, le séminaire de philosophie occupe une bâtisse à part, magnifique construction moderne, sur le versant est du mont Royal.
À la tête de toutes ces institutions scolaires se place l’Université. Dans l’ordre de fondation, l’Université de Montréal a été le complément du système éducatif; mais créée 100 ans plus tôt, comme le voulaient les Sulpiciens, notre économie scolaire en eut reçu une direction, une orientation qui lui ont certainement manqué.
On peut dire que l’Université de Montréal commença par la fondation de l’École de médecine et de chirurgie en 1843. Celle-ci, établie d’abord au Château de Ramezay, s’affilia à l’Université Victoria de Cobourg, en Ontario, ce qui devait créer bien des difficultés. L’École fut absorbée par la faculté de médecine en 1890.
En 1876, sur demande de Mgr Bourget et à la suggestion de Rome, l’Université Laval de Québec décidait de créer à Montréal une succursale. Deux ans plus tard, les facultés de théologie et de droit commençaient leur enseignement; la faculté de médecine suivit l’année suivante, et la faculté des arts en 1887. Cette année-là, la succursale fut gratifiée d’une certaine indépendance par la nomination de Mgr Fabre comme vice-chancelier et celle de l’abbé Proulx comme vice-recteur.
Après 30 ans de ce régime, l’Université était érigée en institution indépendante par Rome sous le nom d’Université de Montréal, mai 1919. Une charte civile lui était accordée l’année suivante.
L’Université, arrivée sur le tard, s’est développée rapidement et l’on dut songer à un aménagement plus approprié aux besoins grandissants. Aussi, d’après un plan de centralisation des principales facultés, une vaste entreprise de construction fut-elle commencée vers 1930, sur le versant ouest du mont Royal. On se trouva soudain en face d’un problème financier, qui paralysa quelque temps l’essor de l’œuvre. Le gouvernement provincial a décidé récemment de prendre à sa charge le parachèvement de l’édifice, le plus beau monument dédié à la culture française en Amérique. Ce geste du gouvernement est à la foi un don et une compensation très juste, si l’on se rappelle l’emploi des biens religieux, devenus des biens nationaux, au seul bénéfice des autres, il y a un siècle.
En plus des facultés proprement universitaires, théologie, philosophie, droit, médecine, et faculté des arts.
L’Université s’est incorporée l’École de médecine vétérinaire, fondée en 1886, l’École de pharmacie, l’École dentaire, l’École des sciences sociales, économiques et politiques. Parmi les grandes écoles spécialisées, qui font aussi partie du curriculum universitaire, on compte l’École des Hautes Études commerciales, l’École polytechnique, fondée en 1874 et annexée en 1887. Cette dernière institution, de premier ordre, prépare aux différentes carrières du génie civil, telles que: architecture, mines, chimie industrielle, installations hydrauliques et grands travaux publics. Tous les établissements d’études secondaires, tant de filles que de garçons, sont également affiliés à la faculté des arts de l’Université. Enfin l’Association canadienne française pour l’avancement des sciences (A.C.F.A.S.) est l’une des dernières et des plus louables créations de nos universitaires.
L’Université a aussi consenti l’affiliation à d’autres écoles spécialisées, plus ou moins de son domaine. Mentionnons l’Institut agricole d’Oka, l’École d’Hygiène Sociale, l’École des gardes-malade, l’École d’optométrie, le Conservatoire national de musique, la Schola Cantorum, l’École de musique de Nazareth, l’École ménagère, l’Institut St-Georges, des écoles primaires, l’Institut botanique, l’École du tourisme, etc.

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