Les affaires vont au ralenti au Palais de justice
Chronique du Palais de justice de Montréal pour le mois d’août 1940. Cette nouvelle montre comment les journaux canadiens décrivaient les événements reliés au système judiciaire à cette époque lointaine :
La rentrée des cours en septembre – Le rôle est prêt – La vacance s’achève
Los affaires judiciaires devant les tribunaux de juridiction civile matchent au grand ralenti depuis quelques jours comme c’est d’ailleurs l’habitude à chaque année au milieu d’août. Seule la Cour de pratique entend les affaires urgentes l’avant-midi, et même là, les séances sont courtes. Cette accalmie qui coïncide avec l’approche de la fin des vacances judicaires sera toutefois de courte durée maintenant que septembre est prés. Déjà le nombre des brefs émis au greffe de la Cour supérieure augmente sensiblement et bientôt l’activité normale reprendra avec la cérémonie de l’ouverture des cours dans la semaine du l0 septembre.
Hier (le 21 août 1940), le greffier de la division de pratique a averti les avocats que dès le premier septembre 1es jours d’enquête changeront. Durant la vacance, il n’y avait enquête que le jeudi et le vendredi. Le premier septembre les jours d’enquête seront le mercredi et le jeudi comme a l’ordinaire. Le 3 septembre l’honorable juge Alphonse Décary reviendra présider cette division où il est préposé avec l’honorable juge Édouard-Fabre Surveyer. Le juge Décary siégera du 3 au 7 et du 16 au 21, tandis que son collègue le remplacera dans l’intervalle.
Le rôle de la Cour supérieure pour le district de Montréal est déjà prêt depuis quelques semaines. Il contient quelque 400 causes tant sommaires qu’ordinaires, lesquelles seront confiées pour adjudication à l’honorable juge en chef R.-A.-K. Greenshields, assisté de ses collègues, les honorables juges Philippe Demers, Charles – A. Duclos, Arthur Trahan, Louis Boyer, Louis Cousineau, Frank Curran, J.- Alexandre Guilbault. Gordon Macknnon, Alfred Forest. A. Chase – Casgrain, Alfred Duranleau et Théodule Rhéaume.
L’honorable juge Louis Loranger qui n’avait pas de rôle en Cour supérieure depuis déjà deux ans, chargé qu’il était des causes prises en vertu de la Loi d’arrangement entre les cultivateurs et leurs créanciers, reviendra siéger à Montréal pour les causes civiles ordinaires en Cour supérieure.
Il aura un rôle en septembre
À la Cour des faillites, l’honorable juge Louis Boyer siégera comme d’habitude en plus d’un rôle ordinaire.
L’honorable juge Wilfrid Lazure présidera les assises criminelles.
Dans les districts ruraux, il y aura des séances sauf dans les districts de Rouyn et de Ville-Marie.
Dans le district de Hull, l’honorable juge Errol McDougall siégera du 10 au 20;
Dans le district de Pontiac, l’honorable juge McDougall siégera du 24 au 27 inclusivement;
Dans le district de Joliette. l’honorable juge Jean-J. Denis siégera du 10 au 20;
Dans le district de Beauharnois, l’honorable juge Denis siégera du 24 au 27;
Dans le district de Saint-Jean, l’honorable juge Joseph Archambault siégera du 10 au 20;
Dans le district de Terrebonne, l’honorable juge Philémon Cousineau siégera du 10 au 20;
Dans le district de Mont-Laurier, l’honorable juge Cousineau siégera du 24 au 27;
Dans le district de Saint-Hyacinthe, l’honorable juge Joseph Archambault siégera du 10 au 13;
Dans le district de Richelieu, l’honorable juge Archambault siégera du 21 au 27;
Dans le district de Rouyn, il n’y aura pas de session;
Dans le district de Ville-Marie, il n’y aura pas de session non plus.
L’affaire Beaudin ajourne pour la cinquième fois
La défense demande le renvoi de l’accusation, si la poursuite n’est pas prête
Jean-Louis Beaudin et son frère Paul, 2387. rue De Châteauguay, appréhendés le 24 juillet après un achat de tabac au magasin des Liberty Shops et accusés d’avoir « volontairement nui à un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions », devaient subir leur procès hier, devant le juge Amédée Monet, mais, à la dernière minute, un message de la poursuite au greffier fit ajourner le tout au 28 août, après une tentative de retarder le tout nu 2 octobre.
Me Richard Robert, avocat de la défense, s’objecta avec énergie à un si long ajournement. Il souligna:
—Nous sommes venus cinq fois en correctionnelle, et le ministère public a toujours demandé des ajournements. Les inculpés sont des restaurateurs bien connus et je suis assuré d’avance de leur acquittement. Si la poursuite n’n pad de preuve, qu’elle le dise. Autrement nous pourrons nous rendre en 1942. J’insiste pour procéder la semaine prochaine.
—Je vais ajourner l’affaire au 28 août, déclare le juge Monet. Et j’ajourne « péremptoirement », si le mot est pour quelque chose dans nos procédures.
Jugement attendu dans l’affaire de Liberty Shops Ltd
En marge de la taxe provinciale de 10 p.c. Sur la vente du tabac
L’honorable juge Alfred Savard, de la Cour supérieure, a laissé entendre qu’il rendra jugement sous peu sur la requête en injonction présentée par la maison torontonienne Liberty Tobacco Shops Limited contre un groupe d’officiers de la Police provinciale et du Bureau du revenu provincial aux fins d’empêcher ces derniers de faire le guet dans le magasin de cette entreprise dur la rue Ste-Catherine à Montréal et de lui causer ainsi un tort considérable à son commerce en intervenant dans les affaires de ce débit de tabac. Le jugement sera tout probablement rendu cette semaine, demain ou samedi matin.
On se souvient des détails de cette affaire, laquelle, d’ailleurs, a suscité une vive curiosité par toute la province. Quelque temps après la sanction de la loi imposant une taxe de 10 p. c. sur la vente du tabac dans la province de Québec, une compagnie de Toronto, la Liberty Tobacco Shops Limited, est venue ouvrir un débit de tabac sur la rue Ste-Catherine à Montréal, ou — à grand renfort d’enseignes publicitaires — elle invitait le public à s’approvisionner là de tabac en affirmant qu’on n’y exigeait pas la nouvelle taxe. À l’enquête dans cette affaire des témoins affirmèrent que non seulement on n’exigeait pas la taxe mais on refusait de la percevoir quand les clients l’offraient.
Les choses étant ainsi, les autorités donnèrent ordre aux officiers de la Police provinciale et du Bureau du revenu provincial de surveiller le débit et d’avertir la clientèle des dispositions de la loi et des sanctions prévues pour contravention. En exécution de ces ordres des officiers de justice se postèrent dans le magasin, avertissant les clients et demandant leur identification.
La présence des officiers eut comme résultat de diminuer considérablement les affaires de la maison, qui, au début, avait eu un succès fou.
C’est dans ces circonstances que la compagnie fit requête en injonction pour que la Cour ordonne aux officiers de cesser leur intervention, plaidant que cette intervention était illégale parce qu’elle violait le droit de propriété, parce qu’elle se faisait sans instruction et que — si instruction il y avait — ces instructions étaient illégales.
Il y eut enquête et plaidoiries. La Couronne, représentée par Me Dan Gillmor. C.R., et la requérante, par Me Orville – S. Tyndale, C.R., exposèrent leurs arguments et l’honorable juge Savard prit le tout en délibéré. Il lui appartient maintenant de juger du bien fondé des prétentions respective.» des parties et ce jugement, dont la portée est très grande, est attendu d’une journée a l’autre.
Voir aussi :