Nos lieux d’amusement

Chronique montréalaise des arts en octobre 1918, en pleine épidémie de la grippe espagnole

Orpheum

Un public assez nombreux, frissonnant de froid et d’émotion, a assisté à « Denise », cette bonne et substantielle pièce de Dumas fils. Rien que le maître n’ait pas déployé l’habilité qu’il a mise dans d’autres, comme l’Ami des Femmes, Francillon, etc., le public se fait mettre dedans délicieusement par des inventions, des trucs qui n’ont l’air de rien, à mesure que l’action se combine, se complique, puis se développe et se dénoue. Le public a évidemment revu la pièce avec beaucoup de plaisir cari a fait de nombreuses ovations aux artistes, notamment à mesdames David, Robert et Demons ainsi qu’à messieurs Scheler et Dhavrol. Les comédiens ont eu le respect du texte et les gens savent ce que veut dire jouer du Dumas fils : si l’on saute un mot de ce style parfait et difficile, peut être un peu prolixe pour notre époque, la phrase claudique et l’on ne se rattrape plus. Scheler est incontestablement au premier plan des ce théâtre. Il a obtenu un succès considérable avec des moyens très simples. Dhavrois, que l’on revoyait dans le « père Brissot » a donné de tout cœur ; lui, madame David (Denise). Scheler et madame Robert, au troisième acte ont magnifiquement joué ces scènes difficiles. Il convient de complimenter Valhubert, (Thouvenin), car, le raisonneur, dans Dumas fils, est toujours un peu encombrant. Le comédien l’a bien défendu. M. Gury avait à faire excuser le fils de Thausette, Il en a obtenu de difficiles effets. Très bien, très sympathique madame Debraine en « maman Brisset. » Bonne musique de Roberval et ses musiciens.

National-Français

La troupe du théâtre National nous a, encore une fois, donné « La Dame aux Camélias » d’Alexandre Dumas, fils. Cette œuvre de Dumas est restée jeune, car elle est profondément humaine. C’est une étude si parfaite du cœur de l’homme, dans ce qu’il a de plus nombre, l’amour, que la vétusté ne peut l’atteindre. Ce drame a donc, encore une fois, charmé les auditeurs jamais laissés de ce chef d’œuvre de la littérature française. Mme Théry a joué avec jeunesse le rôle si charmant et si digne de pitié de l’amoureuse Marguerite Gauthier. M. Lepage dans Armand Duva a été parfait de sentiment noble et délicat. M. Filion joue M. Duval, père, avec son art coutumier. M. Havel, est un très élégant et correct baron de Verville. Quant à M. Godeau, il est un véritable comte de Giray.

M. Girardin est, naturellement le comédien habituel. Il a campé d’une façon magistrale le type de Saint-Gaudens. M. Valeur est un fêtard des plus plus réalistes. M. Leclaire est très bien dans Gustave, l’amoureux et Mé Préville est un bon médecin. Mme Devoyod est une Prudence amusante. Mme Verteuil est élégante tandis que la charmants Mlle Baguer est une délicieuse Nichette. Mlle Thierry est bonne. En somme, « La Dames aux Camélias » a été parfaitement interprétée.

Canadien-Français

Nous avons bien ri, hier soir, au théâtre Canadien-Français. C’est que la troupe a su interpréter d’une façon impeccable la désopilante comédie qu’est « Les Surprises du Divorce ». Cette comédie tourne autour du fait universel du gendre fatigué de sa belle-mère et qui veut s’en débarrasser. Il arrive un certain moment où le malheureux a deux belles-mères au lieu d’une comme les autres mortels. Mmes Rose de Luys, Dubuisson et Renoult ont été épatantes de grâce de jovialité féminines. M. Maurice Castel a été des plus amusants dans le rôle de Bourganef. MM. Dubuisson et Dauriac ont joué avec entrain.. Enfin, toute la troupe, sans une seule exception, a su rendre d’une façon charmante cette désopilante et exquise comédie.

En intermèdes, MM. Castel et Legrand nous ont charmés avec leurs chansons vécues et leurs chansonnettes. Il convient de mentionner tout particulièrement la chanson mimée qu’est ‘L’Ivrognerie », interprétée parfaitement par Mme Renault, M. Maurice Castel et la petite Lucrezia.

L’orchestre, sous la direction de Mlle Lefebvre, nous a donné un bon programme musical.

« Aida » au His Majesty

Aida n’est peut-être pas le plus bel opéra de Verdi, mais c’est assurément l’un de l’un de ceux où se fait surtout sentir l’influence de Wagner. On y retrouve quelque chose de sa majesté et de son envergure.

La musique de Verdi est toujours très mélodique et elle fournit au chanteur l’occasion de montrer toute l’ampleur de la richesse de sa voix. Dans Aida, toutefois, l’orchestre est loin d’être éclipsé, bien que Signor Gaetano Merola, au Majesty’s, hier soir, n’ait pas toujours réussi, malgré son talent et son habituelle maîtrise, à adoucir les cuivres comme il convenait.

Elisabeth Amsden et Manuel Salazar, soprano et Ténor, dans les rôle-titre, ont été très remarquables. Le « Celeste Aida » du premier acte à toute de suite conquis l’auditoire. Au deuxième, le duo d’Amneris et d’Aida permit au public de savourer l’une après l’autre, et ensemble, la voix si nuancée de Mme Amsden et le mezzo-soprano délicieux et puissant de mademoiselle Stella Demette. Dans la deuxième partie de l’acte deux, on a pu s’étonner de voir, aux portes de la Thèbes antique, des cornets et trombones d’aujourd’hui exécutés à la fois bruyamment et brillamment sur la scène, alors que les trompettes traditionnelles jouaient à l’orchestre, mais c’était d’un si original et si bel effet musical, que le public a facilement pardonné ce détail.

Amsden et Salazar ont remporté un très grand succès, au duo du dernier acte.

Les superbes voix de M. Joseph Royer (un Canadien-français) dans Amonagro et de M. Natale Cervi (avantageusement connu ici) dans le Roi d’Égypte – ont ravi tout le monde. MM. De Blast et Rossini ont aussi paru fort goûtés. Notons que les chœurs ont été au-dessus de l’attente générale.

Princess

Comme à l’ordinaire, une salle archi-comble à ce premier de nos théâtres de vaudeville. La direction mérite d’être complimentée pour l’excellence du choix de ses numéros. Les artistes ont été largement applaudis. George MacFarlane est plus populaire que jamais avec ses chansons. Gros succès pour la troupe Bostock’s Riding School dans une comédie intitulée How Circus Riders are made. Cette troupe nous a donné quelque chose de tout-à-fait nouveau en fait de vaudeville. La troupe qui se compose de cinq personnes a accompli des exploits d’une audace indescriptible. Mademoiselle Clara Haward est une bonne chanteuse et excellente comédienne. Quant au ventriloque William Ebs, il nous a émerveillés une fois de plus, voila tout. Mesdames Ames et Winthrop dans leur revue musicale intitulée One moment please, ont déridé l’auditoire. Cette farce ingénieuse est d’un comique achevé et elle a été interprétée avec le talent que nous reconnaissons aux deux comédiennes plus haut nommées les autres numéros ont été fort goûtés et admirés.

L’orchestre symphonique du Princess, sous l’habit direction du professeur Bray, a exécuté un programme musical qui lui fait honneur.

Chanteclerc

Le grand drame lyrique Carmen, a été très bien interprété au populaire théâtre du nord de la ville. C’est Simone Rivière qui jouait l’héroïne de Mérimée. Bon succès. Elle a aussi chantée délicieusement. Micaela avait pour interprète Mlle Rey. Duzil, Don Jose, M. Raoul Lery, Mmes Laviolette, Roil, Paulette et MM. Petitjean, Leo, Wilbrod Lefebvre, Hervé, Boivin, Kouri, complètent la distribution. Les scènes les plus remarquables sont L’Auberge de Lilius Pasts, Un Site Montagneux en Espagne , L’Arène.

L’orchestre a été renforcé et ces représentations de Carmen feront époque au Chanteclerc.

Family

Mlle Lillienne, dans le rôle de Jeanne, a obtenu un beau succès, hier soir. Ce fut un triomphe complet. Toute la troupe de M. Edmond Desmarteau, avec M. Julien Daoust dans le rôle de Tablot, donnait la réplique à la talentueuse artiste. Le spectacle de dimanche, 5 octobre fut l’un des plus attrayants. En plus du cadeau de $100.00, il y eut des chansons mimées, une Ode au Drapeau, dite par M. A.-E. Charron et un programme de vues animées de premier ordre : Charlie Chaplin dans Easy Street, Mary Pickford dans Amerilla of the Cloth-Line-Alley et nombre d’autres vues. Tous les vendredis, des prix sont distribués aux amateurs.

Gayety

La tournée d’adieu de Billy Watson et de ses comédiens poids lourds laissera bien des regrets. Ils ont joué dans des tempêtes de rire Grogan’s Lane et The Christening.

Les chœurs sont composés de jolies femmes qui chantent et dansent d’une façon admirable.

Cette année, Watson a fait de sa troupe l’une des meilleures du circuit- Le spectacle qu’il donne renferme aussi de nombreuses nouveautés qui plurent au?; amateurs de beau burlesque.

Loews

Le public prouve «le plus en plus sa faveur à ce somptueux palais des amusements. Le comédien Al Friend et sa troupe dont le fameux Downing fait partie ont fait rugir de rire le public. Vincent Kelly qui doit demain, chanter sur le toit du Windsor, a prouvé qu’il avait la “plus grosse voix de tous les chanteurs de l’univers.

Sherman Was Wrong, esquisse due à la plume de Ralph Thomas Kettering est la production de deux types de vétérans de la guerre civile américaine. George et May le Febvre figurent dans un numéro de danses originales et gracieuses. Knight et Sawtelle présentent une esquisse comique.

William Farnum dans Riders of the Purple Hage a fort Intéressé le public. C’est une «les meilleures vues du genre. His Wife’s friend. avec Mack Sennett, a obtenu un bon succès.

Impérial

Dimanche, et hier, au théâtre Impérial, les nombreux auditeurs ont assisté à de belles représentations. Lila Lee, la charmante actrice de 16 ans. depuis des années l’une des grandes favorites du cinéma, était au programme. Elle interprétait le premier rôle dans The Cruise of the Make-Believes. Les vues officielles anglaises de la guerre ont fort intéressé le public de même que les voyages de Burton-Holmes et aussi la vue représentant ce que le Canada fait pour ses soldats blessés. La comédie Mutt and Jeff a de nouveau fait rire tout le monde.

Passe-Temps

Samedi et dimanche on a donné un excellent programme de vues. En numéro principal c’était la fameuse Fanny Ward dans Japanese Nightingale. C’est une vue admirable. Hier soir c’était la mystérieuse Theda Bara, dans Sous le Joug. Cette vue passionnante a été fort applaudie.

Théâtre français

Ce populaire théâtre est rouvert et donnait comme début The Hearts of the World. Un public nombreux semblait heureux de retrouver ce lieu familier. The Hearts of the World a été préparée sur les champs de bataille de France et c’est d’un grand réalisme.

Laurier Palace

Dans The Danger Mark, Elsie Ferguson tenait la vedette au coquet théâtre du nord. Beaucoup de public, un bon programme, de belles vues. Malheureusement, nous n’aurons pu en jouir qu’un soir, l’ordonnance municipale nous faisant manquer un beau programme de fin de semaine.

Arcade

On a donné un programme de vues magnifiques, à ce théâtre. Le public s’est partagé, en plus $100.00. en cadeaux de $10 0«. $5 00 et $1.00. La a vue Fight for millions, a soulevé l’enthousiasme général. Espérons que les théâtres rouvriront bientôt, que nous aurons le bonheur d’aller à ces beaux spectacles.

Midway

Une grande foule est ‘allée voir la vue guerrière qu’est Crashing Through to Berlin. C’est un passionnant drame moderne qui nous fait assister à des scènes uniques d’héroïsme.

Holman

L’une des meilleures artistes du cinéma était à l’affiche du théâtre Holman. pour les quatre premiers jours de la semaine commençant, dimanche dernier. Cet artiste est Dorothy Phillips qui interprétait le premier rôle dans “The Talk of the Town”. La fermeture a mis fin à tout cela momentanément, seulement, espérons-le.

Dominion

Dimanche, les amateurs de bon cinéma, ont été admirablement bien servis au théâtre Dominion. Le programme I comprenait en effet le favori des foules, Wallace Reld dans The Flower of Dusk. Le Brass Bullet a aussi fort intéressé les spectateurs. Il en fut de même, hier. On a vu la charmante Gladys Brockwell dans The Bird of Prey et la délicieuse Dorothy Dalton dans Green Eyes.

Régent

Samedi et dimanche. The Liar a fort ému les spectateurs. C’est un drame puissant et d’une profonde psychologie. Le premier rôle est interprété par Virginia Pearson. A Gentleman’s Agreement a fait Juger de la grande valeur artistique de Nell Shipman et d’Alfred Whitman. Hier Love’s Law nous a délicieusement charmés. Shackled était très bien.

Parc Sohmer

Aux deux spectacles de dimanche dernier, un public de plus en plus nombreux s’est réjoui de l’excellent programme que la direction donnait. C‘tait de l’enthousiasme pour le public et du triomphe pour les artistes. Et la cause en est bien simple. Bien au chaud, car le pavillon offre maintenant tout le confort possible, étant bien chauffé, les spectateurs ont pu assister à des représentations dont la variété le disputait au bon goût. Que ce soit des numéros de chants, de musique, de danse ou d’acrobatie, les artistes en scène comptaient parmi les meilleurs du genre, et ont tenu à le démontrer, encouragés en cela par l’intelligente appréciation de leurs auditeurs. Ajoutons à cela que la fanfare du Parc a donné d’excellente musique, et il n’est pas surprenant que ce populaire lieu d’amusement ait enregistré un succès de plus dimanche.

cinéma impérial
« Santé et loisir sont deux biens qui ont perdu une foule de gens ». Cinéma impérial. Photo de l’époque.

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