Responsabilités de la ville envers les piétons
Jugement de la Cour supérieure condamnant la cité de Montréal à #376 de dommages pour un accident de trottoir
Accident de trottoir : « Le public qui circule sur les trottoirs a le droit d’être protégé dans la mesure du possible, aussi bien quand il neige qu’en tut autre temps. Le piéton doit également prendre les mesure nécessaires pour se protéger et parer au danger que peut présenter un trottoir en mauvais état d’entretien. » C’est en appliquant ces principes de prudence que l’honorable juge Louis Loranger, hier, a accueil l’action de Michael Fogarty contre la cité de Montréal et condamné la défenderesse à payer au demandeur des dommages intérêts au montant de #376 avec dépens.
Il s’agit d’une chute sur le trottoir. Le 4 janvier 1941, le demandeur marchait le long de la rue Fairmont lorsqu’en arrivant à l’angle de la rue Esplanade il tomba, se brisant plusieurs côtes, s’infligeant des contusions et subissant un choc nerveux qui nécessita un traitement de plusieurs semaines à la maison, l’empêchant de continuer son travail pour la compagnie de Téléphone Bell. Le demandeur attribue la chute au mauvais état de trottoir à cet endroit, recouvert depuis plusieurs jours de neige et de glace, et qui présentait une surface inclinée, spécialement à la bordure du trottoir qui joint la traverse. Dans son jugement le tribunal expose :
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« Il est possible que le trottoir, comme le prétend la défenderesse, ne présentait aucun danger. À première vue, sur une bonne étendue. Mais à l’endroit précis où l’accident se produit, le trottoir était-il protégé ? Il ne suffit pas d’établir que la défenderesse a suivi la coutume et qu’elle a, la veille, fait répandre du sable sur ses trottoirs en général, pour la libérer de son obligation. Il lui faut établir que l’endroit précis où s’est produit l’accent, a été recouvert de sable comme le reste du trottoir.
C’est ce que la Cour Suprême paraît avoir jugé en confirmant, le 20 octobre 1927, une décision de la Cour d’Appel du 20 avril 1927 qui confirmait celle de la Cour supérieure du 30 novembre 1926, re : Mend vs City of Westmount, voir notes du juge Létourneau : City vs Turgeon.
Dans la cause de Benoit vs la cité de Montréal, le juge-en-chef est allé plus loin encore en disant : « La Corporation n’a pas toujours fait ce qui dépend d’elle quand elle s’est contentée d’envoyer répandre du sable sur les trottoirs. Là où le sable ne tient pas en place parce que le vent l’emporte ou que les enfants ou les piétons la déplacent en jouant ou en marchant, si la glace est vive, elle peut la faire piquer ou la faire graver pour la rendre moins glissante.
Dans le cas qui nous occupe, l’accident est arrivé au coin de la chaussée ; la neige, en s’accumulant, avait formé un plan incliné conduisant du trottoir à la rue. Il aurait été facile d’enlever la neige à la bordure du trottoir, au lieu de laisser ainsi s s’amonceler neige et glace qu’on recouvrait paraît-il, de sable, quand le contremaître jugeait que c’était nécessaire.
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Il aurait été plus sage de suivre le conseil donné par le juge-en-chef Benoît. Supprimer la cause au lieu de s’appliquer simplement à combattre l’effet. Si la défenderesse avait maintenu la traverse de niveau et enlevé cette glace au bord du trottoir. Au lieu de laisser le trottoir en plan incliné vers la rue. L’accident ne se serait pas produit.
Dans son plaidoyer la défenderesse avait soutenu que l’accidenté avait reçu de ses patrons une gratification équivalente au salaire qu’il réclame. À ceci le tribunal réponds :
« J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon opinion. Sur la question de savoir si l’on doit tenir compte d’un montant que l’accidenté aurait reçu par ailleurs dans l’évaluation des dommages auxquels il a droit. Voir la cause de Fortin vs les Curé et marguilliers de la paroisse Saint-Édouard. Jugement du 26 janvier 1942. Comme dans le cas actuel l’accidenté avait reçu une gratification de ses patrons à raison des longs et fidèles services qu’il leur avait rendus.
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Cette gratification n’a rien à faire avec l’accident. Le demandeur aurait pu la recevoir pour toute autre cause. Selon le bon vouloir de ses patrons. Je ne vois pas que la défenderesse puisse réclamer le droit de profiter de cette gratification. Pour diminuer d’autant le montant des dommages qu’elle doit payer à raison du délit commis par ses employés. La gratification c’est une affaire entre le patron et ses employés. Les dommages que réclame donc le demandeur proviennent d’un délit qu’il reproche à la défenderesse.
Les sommes reçues ne provenaient pas de la même cause. Faire participer la défenderesse à la gratification faite au demandeur par ses patrons. Ce serait accorder à la défenderesse un enrichissement sans cause. Maître J. Wainer représentait le demandeur.
(Cette nouvelle date du 6 mars 1942).