Montréal au début du XIXe siècle

Montréal au début du XIXe siècle : éclairage, police, phénomène atmosphérique, incendie

En 1815, la guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis terminée, Montréal reprit sa marche vers le progrès.

La population qui comptait 18,767 habitants en 1821, passe à 26,154 en 1825, à 31,000 en 1831; et cela continue pour atteindre le million d’aujourd’hui. Le recensement de 1825 établit que les catholiques formaient 70 pour cent de la population totale, dont les deux-tiers habitaient les faubourgs, soit 17,000 sur 26,000. D’après le relevé officiel de 1831, les citoyens de langue anglaise étaient groupés dans le centre de la ville, le bas du faubourg St-Laurent et gagnaient le sud jusqu’à la rue Mountain, aujourd’hui rue de la Montagne. (Le vrai nom de la rue de la Montagne est peut-être «Mountain», nom qui lui aurait été donné en souvenir du premier évêque anglican de la ville, en 1836. De même que l’avenue des Pins est ainsi dénommée du nom du fief de M. des Pins, qu’elle traverse, en face de l’Hôtel-Dieu. C’est donc à tort que l’on traduit avenue des Pins par Pine Avenue.

Déjà à cette époque, les Canadiens avaient choisi de s’établir en masse dans la partie basse de la ville, la moins pittoresque assurément et la moins salubre du territoire montréalais. Les développements successifs se sont faits dans le même sens depuis cent ans; et l’on sait que nos concitoyens anglais ont su bâtir sur le haut plateau et le versant de la montagne une cité magnifique.

Dans la plaine dénudée et brûlée de soleil, qu’habitent les autres, l’ordonnance est beaucoup moins soignée, c’est le moins que l’on puisse dire.

Éclairage de la ville et les forces de l’ordre

Les Anglais, qui prennent l’initiative des services d’utilité publique, sont aussi les premiers à bénéficier des avantages des nouveaux services. Jusqu’en 1815, l’éclairage des rues était inconnu; mais cette année, Samuel Dawson, marchand, et quelques autres commerçants voisins, établirent à leurs frais vingt-deux lampadaires sur la rue St-Paul, de la Place Royale à la rue McGill. L’utile innovation de Dawson fut bientôt imitée par les autres marchands, et, en décembre, toute la rue St-Paul était éclairée le soir. Quelques semaines plus tard, les résidants de la rue Notre-Dame suivaient l’exemple de Dawson.

L’éclairage des rues fut jugé si nécessaire, qu’un comité de citoyens demanda, en 1816, de l’étendre à toute la ville et ses faubourgs, et d’organiser une garde de nuit pour empêcher les vols, qui se commettaient, dit-on, fréquemment. La Législature, passa en conséquence une loi, en 1818, établissant un corps de police, composé de vingt-quatre membres, en service de garde la nuit seulement et un système universel d’éclairage nocturne.

Phénomène et incendie

Un dimanche de novembre 1819, il se produisit dans le bassin central du St-Laurent un phénomène atmosphérique, qui jeta dans l’émoi la population de Montréal et des environs. Durant deux ou trois jours une grande noirceur passa sur la ville, obligeant les habitants à allumer les chandelles en plein midi. D’opaques nuages de pluie mêlée de suie s’abattirent sur la ville au cours de violents orages électriques, qui mirent le feu au clocher de Notre-Dame. L’alarme, aussitôt donnée par toutes les cloches de la ville, amena sur la Place d’Armes des milliers de spectateurs, qui aidèrent à sauver le temple d’une destruction complète.

Ces trois jours d’orages et de pluies abondantes laissèrent la ville recouverte d’une couche de suie grasse et malodorante, dont la provenance intriguait fort les bonnes gens. Quelques-uns crurent à l’éruption de quelque volcan voisin inconnu; d’autres à d’immenses feux de forêts, dont le vent charriait les fumées et les cendres. L’étrange phénomène fut observé de Québec à Kingston et jusqu’à la lisière du territoire américain.

En 1825, la nuit du 7 septembre, l’incendie ravagea de nouveau une grande partie du faubourg Québec. Le feu se déclara dans la maison d’un nommé Dumaine, au coin des rues Ste-Marie, prolongement de la rue Notre-Dame, et de la rue Campeau. Les flammes se propagèrent avec une telle rapidité qu’en un rien de temps, quatre rues du faubourg étaient changées en un immense brasier. Plus de quatre-vingt maisons furent complètement détruites.

Faute de pompiers, les soldats du 70e régiment réussirent à circonscrire l’élément destructeur, qui aurait pu anéantir toute la ville si le vent se fût élevé à ce moment-là. La plupart des sinistrés étaient des Canadiens et plusieurs eurent juste le temps de se sauver dans leurs couvertures de nuit. En ce temps, on ne connaissait point les compensations qu’offrent de nos jours les compagnies d’assurance et pour la plupart des citoyens, victimes du fléau, c’était une perte totale.

Montréal a été si souvent éprouvé par le feu qu’il ne faut pas s’étonner qu’il ne reste aujourd’hui de l’antique cité que de rares maisons historiques. Du faubourg des Récollets, au sud, jusqu’à l’extrémité du faubourg Québec, au nord, en passant par le vieux Montréal du XVIIe siècle, le feu a détruit des centaines de maisons à la fois, à sept ou huit reprises, de 1695 à 1825.

(Texte par Camille Bertrand. Histoire de Montréal, 1760-1942. Texte publié en 1942).

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Fontaine de Montréal. Photo de GrandQuebec.com.

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