
Chronique judiciaire de la Cité de Montréal (1939)
Un cas typique d’escroquerie
Albert Laporte, 22 ans, sans domicile fixe, a été accusé de tentative de tromperie, hier, devant le juge en chef Gustave Perrault, par M. H. Gaseo, 1 ouest, rue Sainte-Catherine. Le prévenu se serait présenté au magasin de merceries du plaignant et aurait tenté d’y acheter un complet de $64, sur la foi d’une lettre signée du nom de M. Alfred Filion, conseiller municipal. Le procès a été fixé au 9 juin 1939.
À la Villa-St-Joseph
À la Villa-St-Joseph (aujourd’hui, plateau Mont-Royal), à l’angle des rues Delorimier et Rachel, M. l’abbé Charles Martel prêchera une retraite fermée pour les jeunes filles, les 15, 16 et 17 juin prochains. Pour renseignements, s’adresser 6678, rue Boyer.
Les assoiffés de fin de semaine
Trente-huit assoiffés de fin de semaine, trouvés dans quatre débits clandestins de liqueurs alcooliques, par les policiers du directeur Maurice Valiquette, de la régie des alcools, faisaient des aveux, hier, devant le juge en chef Gustave Perrault, qui imposa à chacun une amende de $10 et les frais ou, à défaut, une peine de prison de huit jours. Amende et frais forment un total de $28,50, et ceux qui ne pourront pas trouver le « magot » devront passer une semaine aux frais de la Province et au « frais » de la prison commune.
Suicide qu’on impute à l’hôpital Saint-Luc
Une action en dommages au montant de $7,000 a été instituée récemment contre la ville de Montréal et l’hôpital Saint-Luc, par M. Henri Rouleau, père de Joseph Rouleau, cadet de police, qui s’est suicidé en novembre dernier. Le père prétend que la mort dramatique de son fils est due à la négligence des employés de la ville, en particulier ceux du département de la police, et de l’hôpital, lesquels n’auraient pas donné les soins voulus à Joseph Rouleau, alors qu’il était blessé au genoux droit. Ces traitements insuffisants auraient été donnés au cours de l’année 1937 et en janvier 1938.
L’hôpital Saint-Luc, a présenté, hier matin, devant l’honorable juge Décary, de la Cour de pratique, une inscription en droit pour faire rejeter l’action. Son avocat prétend que la relation entre les soins si insuffisants qu’ils puissent être prouvés et le suicide de Rouleau est trop éloignée pour établir un rapport de cause à effet susceptible de sanction juridique. L’instruction de l’inscription en droit a été remise à plus tard.
Médecin qui réclame un diplôme ou $25,000
C’est en prétendant que le Collège des chirurgiens et médecins de la province de Québec lui refuse indûment son certificat lui permettant de pratiquer sa profession que le Dr. J.-A.-Lucien Rocj vient d’instituer au greffe de la Cour supérieure une action en dommages au montant de $25,000. Il déclare qu’il a été réinstallé officiellement par une résolution du Collège, en date du 16 novembre 1935, mais que ce même Collège, par ses manœuvres, l’empêche d’obtenir le droit de pratiquer en Saskatchewan, ou en Alberta, en lui refusant le certificat confirmant la dite résolution.
Un exception à la forme invoquant, en faveur du Collège des médecins, l’article du code de procédure civile qui exige un avis de 30 jours avant la poursuite, a été prise en délibéré, hier, par l’honorable juge Décary, de la Cour de pratique, Le demandeur a soutenu que l’avis n’était pas nécessaire dans le cas d’une corporation comme le Collège des médecins.
Preneur au livre introuvable, avec paris dans la rue
Un tenancier de tripot est libéré, mais ses clients doivent revenir s’expliquer – Salon de cirage
John Sala, accusé d’avoir tenu un tripot à 1040, rue Saint-Antoine, a été libéré hier, par le juge Amédée Monet. Ce procès n’a pas manqué d’intérêt. Le prévenu a admis avec une franche naïveté qu’il avait parié sur les courses, mais non pas dans le salon de cirage de son ami Dominique Raspa. Lorsque le cœur et la bourse lui disaient de gager un cheval, Sala, après avoir examiné les journaux de courses, laissés par des amis « chics » dans l’arrière boutique de Raspa, quittait le salon et trouvait un preneur au livre ambulant au premier « coin » de la rue. ‘e Olier Renaud, avocat du ministère public, exhibit au tribunal une pancarte sur laquelle on pouvait lire en lettres moulées : « Aidez-nous à donner un bon service. Placez vos gageurs à bonne heure. »
Dominique Raspa admit qu’il n’avait jamais vu cette pancarte dans son arrière boutique, mais dit aussi qu’avant son arrivée à cet endroit, il y a deux ans, les preneurs au livre s’y livraient à un commerce lucratif, arrêté par le travail de la police judiciaire provinciale. Raspa dit que ses clients arrivaient parfois avec des journaux de courses et attendaient leur tour en fumant et causant à l’arrière. Le témoin conclut en jurant qu’il n’a jamais pris de gageures sur les courses. Me Renaud déclare au tribunat :
- Je ne crois pas qu’il y ait suffisamment de preuve contre le prévenu Sala pour le qualifier de tenancier, mais c’est autre chose pour les personnes trouvées à cet endroit.
- Je renvoie l’accusation contre le tenancier, dit le tribunal.
- J’enregistre un plaidoyer de culpabilité pour les personnes trouvées, reprend Me Myer Gross, avocat de la défense.
- Comment puis-je les déclarer coupables, lorsque le tenancier est libéré? Demande alors le juge Monet.
- En ce cas, je demande un ajournement pour compléter la preuve contre les parieurs, demande Me Renaud.
- Je vous accorde cet ajournement, conclut le tribunal. Tout semble indiquer que les gageures étaient données dans la rue, et, si vous procédez contre les personnes trouvées, vous arriverez à découvrir le tenancier. D’ailleurs, les témoins ont déclaré tantôt que dans les cellules, les compagnons de Sala lui auraient dit : « Admets donc que tu est le tenancier, parce que nous, nous travaillons, et nous ne voulons pas perdre nos emplois. »
Le procès des parieurs a ensuite été fixé au 12 juin.
La libération de M. Alex. Marsan
Cet ajusteur bien connu n’a pas pratiqué illégalement le droit, dit le juge Tétreau.
Monsieur Alexandre Marsan, 2059, rue Dorion, accusé de pratique illégale du Droit, a été acquitté par le juge Maurice Tétreau. Le tribunal, dans un bref jugement oral, déclara sans hésiter que l’inculpé, en adressant une lettre à M. Roméo Lachance, 954, rue Hartlend, n’avait pas pratiqué le droit et que sa conduite « ne donnait pas lieu de croire », comme le dit le code pénal, qu’il était avocat, procureur ou avoué. Le tribunal souligna aussi le témoignage de Lachance, qui déclara à Me Lucien Denis, avocat de la défense, les faits suivants : M. Marsan avait été nommé ajusteur de M. Eugénio Campéol, pour évaluer les pertes subies à la suite d’un incendie ; Lachance connaissait Marsan depuis près de 15 ans et en recevant sa lettre, il savait bien qu’il n’était pas avocat ; enfin, à la date de l’envoi de la lettre d’accusation, Mes Lachapelle et Denis étaient déjà avocats pour protéger les intérêts de M. Campéol.
Le juge Tétreau a aussi donné raison à Me Lucien Denis, qui disait, dans son plaidoyer, le 22 mars :
L’inculpé a écrit à l’un de ses créanciers et n’a pas agi comme avocat. La lettre n’a pu laisser, chez Lachance qui connaît Marsan intimement, l’impression que ce dernier était avocat. Je soumets respectueusement à ce tribunal que Marsan doit bénéficier de l’exception à la Loi du Barreau parce que comme créancier il a écrit à l’un de ses débiteurs.
Signalons, et toute justice pour M. Marsan, que ce dernier n’a pas même été obligé de rendre témoignage pour justifier sa conduite.
Amende de $50 pour médecine illégalement
La femme J.-Frémont Thibault, 5942, 12e avenue, à Rosemont, a été trouvée coupable de pratique illégale de la médecine, hier, par le juge Maurice Tétreau, et condamnée à une amende de $50 et aux frais ou, à défaut, à une peine de prison de trois mois. C’était la première fois que l’inculpé passait en correctionnelle, et Me Jean Brisset, l’avocat du Collège des médecins, déclara qu’il serait satisfait de l’amende minimum.
Vol dans un camion
Gabor Kun, dit Gabriel Kun, âgé de 27 ans, 4017, rue Laval, était traduit hier devant le juge en chef Gustave Perrault, sous l’accusation d’avoir volé une pièce du drap, évaluée à $200 dans le camion de Philippe Leroux, 360, rue Murray. Le suspect protesta de son innocence et son procès fut fixé à huitaine.
Un club n’est pas une maison privée
En marge d’un jugement rendu en vertu des ordonnances de la Commission du salaire raisonnable
L’Engineers Club de Montréal a été condamné, hier après-midi, par l’honorable juge A. Chase-Casgrain, de payer une balance de salaire de $224,73, étant la différence entre de qu’il a reçu et ce qu’il aurait dû recevoir en vertu de l’Ordonnance numéro 6 de la Commission du salaire raisonnable pour les ingénieurs stationnaires de quatrième classe.
Le club s’était défendu en invoquant l’exception de l’article qui exempte les résidences privées mais le Tribunal déclare qu’un club n’est pas une résidence privée, surtout qu’en l’occurrence, il s’agit d’un club incorporé en compagnie commerciale puisque les détenteurs des actions peuvent recevoir des dividends en certains cas.
Le demandeur ayant prouvé ses heures de travail et le fait qu’il avait travaillé comme ingénieur stationnaire de quatrième classe, le jugement maintient l’action. Cette affaire qui ne manque pas d’intérêt porte le numéro 176036 des dossiers de la Cour supérieure, Montréal.
Compagnie de mines qui désire payer
La Paymore Gold Mines, Limited, offre un concordat prévoyant le paiement intégral de ses dettes
Un concordat proposé par la compagnie Paymore Gold Mines, Limited, sera présenté sous peu pour ratification par un juge de la Cour supérieure. Hier après-midi au Palais de justice, une assemblée des créanciers de cette compagnie a accepté le concordat qui prévoit une paiement initial de 20 pour cent, deux mois après ratification du concordat par la Cour; 20 pour cent trois mois après le premier paiement et 20 pour cent à chaque trois mois jusqu’à parfait paiement. Les créances porteront intérêt au taux de trois pour cent et les paiements se feront argent comptant.
Il a été expliqué aux créancier, ainsi d’ailleurs qu’à l’assemblée des directeurs qui ont proposé et adopté le plan de concordat en assemblée régulière le 4 mai dernier, que la compagnie n’est pas insolvable mais qu’elle ne pouvait pas tout payer immédiatement aux échéances.
Elzéar Leduc et son acquittement
Elzéar Leduc, 2667 est, rue Ontario, accusé d’avoir, le 18 mai, conduit son automobile de façon à mettre en danger la vie et la sécurité des passants, a été acquitté haut la main, hier, par le juge Amédée Monet. Ce tribunal, dans un bref jugement oral, déclara qu’il n’y avait pas de preuve de « conduite dangereuse », et l’inculpé lui-même, dans sa défense, jura qu’au moment de supposé délit, en tournant à un angle de la chaussée, son voisin sur le siège d’avant le poussa avec violence au point qu’il perdit momentanément le contrôle du volant. Au procès, Me Yves Leduc occupait pour la défense.
Tué par un train
M. Louis-Philippe Savary, âgé de 42 ans, de Saint-Hilaire (dans le comté de Rouville), est décédé, au cours de la nuit dernière à l’hôpital Métropolitain de Longueuil, des suites de blessures qu’il avait reçues, dimanche soir, à Belœil. L’accident qui a coûté la vie à M. Savary, s’est produit sur un pont qui traverse la rivière Richelieu, à un endroit situé à quelque soixante pieds de la gare de Belœil. M. Savary qui marchait sur le pont, avec des compagnons, a été renversé et mortellement blessé par le train de Portland, se dirigeant vers Montréal. Le cadavre de la victime a été transporté à la morgue pour enquête.
(Chronique judiciaire, 6 juin 1939, quotidien Le Canada).

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