Montréal bannit les manifestations publiques susceptibles d’engendreer le désordre et la violence
Le conseil municipal de Montréal sera appelé le 12 novembre, à se prononcer sur un projet de règlement visant à bannir les manifestations publiques susceptibles d’engendrer le désordre et la violence.
C’est le président du comité exécutif de Montréal, M. Lucien Saulnier, qui a annonce la mesure, samedi, au cours d’une conférence do presse extraordinaire tenue a la suite des manifestations de vendredi soir. La mesure, selon M. Saulnier, permettra au Comité exécutif de prohiber les défiles-assemblées ou attroupements sur tout ou partie du domaine public de la ville, dans le but d’assurer la liberté, protéger la vie des citoyens, celle de leurs enfants et leurs biens. C’était la troisième fois en un mois, et la deuxième fois un samedi, que M. Saulnier tenait ainsi une conférence de presse « extraordinaire » au nom du comité exécutif. Voici, intégralement, le texte de la déclaration qu’il a faite devant les journalistes :
L’administration de la Ville de Montréal et le service de Police de Montréal ont démontre, hors de tout doute, le respect qu’ils ont pour la liberté des citoyens. Aucune ville au monde n’a fait autant d’efforts et réuni autant de moyens pour affirmer cette liberté. Aucun service de police au monde n’a réussi a contenir avec autant de réserve les excès qui s’associent à des manifestations ou à des contestations soi-disant pacifiques.
Tous les citoyens de notre ville – immense majorité silencieuse, tout au moins, – a observé et peut témoigner de la qualité de cet effort.
Devant les excès de violence répétés auxquels ces manifestations donnent lieu Compté tenu du coût exorbitant pour la société de soutenir cette fausse conception de la liberté.
Compte tenu des dangers que cette conception de la liberté comporte pour la vraie liberté, pour la vie des citoyens, pour leurs bien.
Les administrateurs de la Ville de Montréal s’estiment maintenant parfaitement justifies d’exercer tous les pouvoirs que la loi leur donne et implicitement leur impose pour assurer à tous les citoyens le plein usage de la vraie liberté.
En conséquence, le Comité exécutif a adopte aujourd’hui un projet de règlement qu’il recommandera au Conseil municipal d’adopter dans les plus courts délais juridiques, soit mercredi le 12 novembre 1969. Les avis de convocation aux membres du Conseil municipal seront signifiés aujourd’hui même.
Ce règlement permettra au Comité exécutif de prohiber des défilés, assemblées ou attroupements sur tout ou partie du domaine public de la Ville.
J’affirme de nouveau qu’il s’agit d’une mesure visant strictement à assurer la liberté, protéger la vie des citoyens, celle (le leurs enfants, et leurs biens. Le temps est venu pour tous ceux qui croient à la liberté de bien analyser cette mesure avant de la condamner.
Je répété ici ce que j’ai dit il y a quelques semaines. Des personnes et des groupes travaillent présentement à l’exécution d’un plan qui a pour objet de détruire nos institutions et, pour ces personnes et ces groupes, l’opinion de la majorité exprimée dans les boites de scrutin est exclue.
Les mots d’ordre : RE-VO-LU-TION — et ÇA-VA-SAITER, répétés et scandés tout le long du parcours de la manifestation d’hier sont, à cet égard, assez, significatifs.
Il est clair que certaines personnes et certains groupes souhaitent que les policiers de Montréal reçoivent l’ordre de prendre des mesures de répression plus rigoureuses.
Cela implique une action policière qui comporte le très grand risque de toucher des innocents. Et, dès lors, ces groupes et ces personnes trouveraient l’argument qu’ils recherchent la brutalité policière ou l’État policier. Ces personnes veulent des martyrs : La société ne doit pas leur donner cette satisfaction et tomber dans ce piège qui fait partie du plan dont j’ai parlé plus haut.
Lorsque ces personnes ou ces groupes affirment qu’ils n’acceptent pas le seul mécanisme légalement reconnu pour exercer le pouvoir politique parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers voulus pour faire avancer leurs idées, je dis que toute société, d’une seule voix, doit répondre » que cela est un faux-fuyant qu elle n’acceptera pas.
D’une part, jamais un parti politique, dans l’histoire de notre pays, n’aurait pu réunir les moyens financiers requis pour payer la propagande et le hallage publicitaire dont nous sommes témoins depuis quelques années, et plus particulièrement depuis quelques mois.
D’autre part, les lois de notre pays et de notre province, prévoyant déjà le remboursement des dépenses électorales – il en sera bientôt de même pour les élections municipales – ces personnes et ces groupes n’ont maintenant aucune excuse de ne pas exercer leurs droits dans les manières généralement admises par la société.
Dans ces circonstances, la société a le droit et l’obligation de se protéger. Elle ne doit avoir aucune hésitation de le faire maintenant, s’appuyant sur l’avertissement solennel donné par un illustre défenseur de la liberté : « Une éternelle vigilance est le prix de la liberté ».
(C’est arrivé au Québec le 10 novembre 1969).
