Frileux, frileuses et autres : La mode d’être frileux est passée
Les frileux, et surtout les frileuses, tendent à disparaître, tout au moins dans les villes canadiennes, et particulièrement à Montréal. Être frileux, ce n’est ni une qualité, ni un défaut, c’est tout bonnement une mode. Et la mode d’être frileux est passée.
Une élégante qui porterait un casque en fourrure avec des oreillettes comme sa grand’mère, ce croirait ridicule. Et les hommes eux-mêmes qui portent le casque fourré deviennent de plus en plus rares. La ceinture fléchée, si élégante dans son originalité, si préservatrice du froid, a complètement disparu des grandes villes, et un citadin qui s’entourerait la taille de cet ornement craindrait de passer pour un habitant. Aujourd’hui, très frileuse ne s’en vante pas, mais ne s’en cache pas non plus. Et il y en a pas frileuses du tout, mais si coquettes.
Sans doute nous protégeons notre corps et nos pieds contre les âpres morsures du froid, mais il semble que nous avons entraîné nos visages et nos crânes à le braver. Il n’y a pas de mal à cela, et toute résistance de la chair contre les rigueurs du climat est une véritable conquête, une sorte de domestication de la température. Enfin, tout n’est qu’habitude : plus vous vous emmitouflez, plus vous devenez frileux. Les hommes de peu, ça ne connaît pas le froid. Il faut croire aussi que les moustaches sont d’excellents thermogènes.
On peut rencontrer plusieurs types dans les rues de Montréal pendant l’hiver et on peut constater combien la résistance au froid est plus élégante, et probablement aussi hygiénique.
On prétend que les hivers sont moins rigoureux que dans le passé. C’est possible, mais cet adoucissement de la température n’est que très relatif et ne peut expliquer la vaillance des femmes à braver le froid. C’est donc bien la mode qui les fait héroïques, car les femmes ne reculent jamais devant la souffrance qui doit les rendre belles.
(Voilà ce que La Presse écrivait sur la mode, le 27 février 1909).

