Histoire des crimes au Québec : Le meurtre de la femme Maynard en 1901
Probablement dû à la jalousie – Maynard et son épouse vivaient en désaccord
La malheureuse victime avait l’habitude de s’enivrer
Voici une dépêche de Montréal que nous fournit de nouveaux détails sur la tragédie dont nous publions le récit :
Montréal, 2 mars 1901. – Aucune accusation directe n’a encore été portée contre George Maynard, dont la femme a été trouvée assassinée la nuit dernière sur l’Avenue Desjardins. Maynard est encore entre les mains de la police, attendant le verdict de l’enquête du coroner qui se fait aujourd’hui. Il n’y a aucun doute, cependant, que le verdict rendu sera celui de meurtre contre George Maynard.
Le meurtre semble être considéré, en certains quartiers, comme une brutale agression, la victime ayant été poursuivie pour éviter d’être frappée avec une hache par son meurtrier. La chose est évidente par la profusion des taches de sang disséminées un peu partout. Les amis de madame Maynard admettent qu’elle avait l’habitude de s’enivrer et son père dit que sa fille s’est souvent réfugiée chez lui pour demander protection contre son mari qui était jaloux et qui avait des soupçons contre elle. Le matin avant que le meurtre fut commis, madame Maynard était malade des effets de la boisson, et à son retour, son mari a trouvé une bouteille de whisky sur la table, à demi vidée : sa femme ayant sans doute absorbée l’autre moitié. L’opinion dans les cercles de la police c’est que Maynard était jaloux et qu’il soupçonnait sa femme de s’être fait payer cette bouteille par un autre homme, parce qu’elle n’avait pas d’argent pour s’en acheter. Le mari aurait été pris d’un accès de colère et le crime en a été le résultat. Maynard a dû dormir dans le lit de la victime parce que sa chemise était tachée de sang au côté droit.
Voici quelques détails additionnels sur le meurtre horrible commis vendredi dernier à Montréal :
Inutile de dire que ce triste drame a jeté l’émoi parmi la population du quartier où habitait le couple, et que le reste de la population est anxieuse d’avoir de plus amples détails.
Certains journalistes se sont adressés aux voisins et ont pu obtenir les renseignements suivants :
Elle craignait son mari
Madame Louis Fisette, qui habite au No. 19, déclare que la victime lui a avoué qu’elle avait peur de son mari.
« Vous n’avez pas de cœur de rester avec un homme qui vous maltraite, lui répliquai-je.
« Encore samedi dernier, continue Madame Fisette, la malheureuse est venue me trouver et m’a répété qu’elle craignait pour sa vie. « Me recevriez-vous la nuit, me dit-elle, s’il survenait quelque chose ? »
« Sans doute, lui répondis-je, et pour vous faciliter l’entrée, j’aurais le soin de ne pas fermer à clef la port extérieure.
« Cette prière de la malheureuse me toucha particulièrement, et ma pitié s’en augmenta d’autant.
Il faut vous dire que Madame Maynard était une ivrognesse invétérée. Mais je crois que sa passion pour les liqueurs, trouvait sa raison dans ses troubles de ménage.
D’ailleurs, c’était son seul défaut. Je n’ai jamais rencontré de femme plus propre et plus laborieuse. Elle avait un cœur d’ange et sa charité était incommensurable. Je n’en puis pas dire autant de son mari qui buvait aussi et qui était d’une rudesse inouïe pour elle.
Il voulait la tuer
Il y a quelque temps, la défunte est sortie en chemise de nuit pieds nus en criant que son mari voulait la tuer. Elle a traversé la rue et est allée demander asile à Madame Béliveau, qui demeure au numéro 13. Madame Béliveau l’a reçue avec bonté et lui a donné un gîte.
Il arrivait aussi très souvent que nous entendions des cris déchirants provenant du logis de Maynard. La pauvre femme s’est adressée à plusieurs voisins pour solliciter leur intervention.
Importantes révélations
Une demoiselle Balthazar, interviewée a dit :
Jeudi après-midi, passant près du domicile de Madame Maynard, et il est reparti en refermant furieusement la porte. Je ne sais s’il venait d’avoir une querelle avec sa femme. Quelques instants plus tard, je suis entrée et la malheureuse m’a avoué qu’elle n’avait pris aucune nourriture depuis quatre jours. Un moment après cette scène, un commissionnaire s’est présenté apportant un paquet de viande au nom de Maynard. La pauvre femme était si faible qu’elle ne pouvait procéder elle-même à la cuisson, et je me suis offerte de lui préparer son repas. Comme il n’y avait rien dans la maison, je suis montée au domicile de mon père pour me procurer les ustensiles nécessaires. La pauvre femme a mangé avec grand appétit. Un peu plus tard, Madame Ménard m’a remis une magnifique robe, me demandant d’aller la vendre. Je lui en rapportai 50 centins, et elle se procura aussitôt deux chopines de whisky. J’appris aussi que le matin de ce jour, Maynard avait laissé douze centins pour acheter du savon. Elle se procura une bouteille de bière, et, avec la balance de l’argent, elle acheta du savon.
Mlle Balthazar déclare aussi qu’en une autre circonstance, étant entrée chez Madame Maynard, elle la trouva étendue dans la cuisine, la figure couverte de sang.
Je la relevai et l’assis sur une chais, puis je l’aidai à se coucher sur un lit. Je lui demandai si son mari était venu dans l’après-midi et elle me répondit, « Oui ».
‘J’étais encore là lorsque Maynard est entré. Il m’a demandé qui avait procuré de la boisson à sa femme. Je répondis que je n’en savais rien.
Il se mit alors en frais de chercher la liqueur, et, l’ayant trouvée, il en absorba un verre, et en jeta une partie sur le parquet.
« C’est autant de moins qu’elle aura à boire », dit-il.
« Je les laissai seuls, continue Mlle Balthazar, et ce n’est qu’hier matin que j’ai appris la lugubre nouvelle. »
Il aimait sa femme
Maynard, qui est tenu au secret à la prison de Montréal, refuse de parler du crime et se contente de répéter à qui veut l’entendre qu’il aimait sa femme et qu’il est innocent du crime. À un détective il a dit : J’amais ma femme et je pleure sa mort.
Maynard est anglais d’origine; c’est un homme robuste, au regard énergique. Il est d’un sang-froid imperturbable. La mort violente de sa femme l’a laissé parfaitement calme.
(Cette nouvelle criminelle a paru dans le journal Le Courrier du Canada, lundi, 4 mars 1901).
