Meurtre de 13 personnes au Gargantua

Les 13 meurtres du Gargantua pour supprimer deux témoins ?

Il faut repenser l’arbitrage

Les journaux nous apprenaient la semaine dernière (21 janvier 1975) que les membres du Syndicat des employés des services d’entretien et de garages de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal ont faille débrayer pour protester contre le congédiement d’un confrère. C’était ce que proposait l’exécutif du syndicat. La grève n’a été évitée que parce que les membres ont renversé la proposition qui leur était faite.

Concrètement, on a plutôt décidé que le syndicat augmenterait ses cotisations afin de prêter au confrère congédié un montant d’argent équivalant à son salaire perdu en attendant la décision arbitrale dans cette affaire. Il se peut que le débrayage ne soit que reporté ad- venant que la décision arbitrale soit défavorable au syndicat, mais, pour le moment au moins, on a accepté de passer par cette procédure normale de règlement des griefs.

Ce cas mérite d’être signalé, parce qu’on peut noter depuis quelques années une tendance de plus en plus marquée à rejeter l’arbitrage au profit de la grève, même si celle-ci est alors tout à fait illégale. On n’est pas content d’une mesure prise par l’employeur, on quitte systématiquement le travail pour le forcer à rescinder sa décision. Le Code du travail stipule que ces différends doivent se régler par une tierce personne, soit un arbitre, mais on préfère la force brutale à un recours en justice.

Il s’agit, bien sûr. d’une tendance inquiétante en ce qu’elle constitue, en quelque sorte, un retour à la loi de la jungle, mais saurait traiter à la légère même su dans le cas particulier et récent du métro, un groupe de syndiqués a manifesté plus de pondération. Il faut se demander pourquoi la formule d’arbitrage des griefs a perdu tellement de sa faveur.

Il y a probablement plusieurs raisons. L’une des principales est sans doute que les arbitrages sont trop longs et, conséquemment, coûtent trop cher. Selon une étude d’un confrère de LA PRESSE, Georges Lamon, étude parue en août dernier, la durée moyenne des arbitrages serait de 175 jours et le coût de $3,000.

Le projet de loi 24, présenté l’été dernier par le ministre du Travail, mais qui est demeuré en plan, proposait de réduire ce délai à 60 jours. Ce serait encore passablement long. Il n’y a pas si longtemps, le Conseil consultatif du Travail et de la Main-d’œuvre se prononçait en faveur d’un mécanisme d’arbitrage beaucoup plus accéléré, qui limiterait les auditions à une journée et obligerait l’arbitre à rendre une décision dans les cinq jours qui suivent. Cette procédure sommaire, et qui coûterait beaucoup moins cher, ne serait pas rendue obligatoire. Elle serait tout de même une deuxième voie ouverte aux patrons et syndicats qui voudraient s’en prévaloir.

Pourquoi ne chercherait-on pas de ce côté une solution au malaise actuel? On pourrait peut-être s’interroger aussi sur le caractère privé de notre système d’arbitrage. Si on doit le conserver tel quel, n’y aurait-il pas lieu, en certains cas au moins, de prévoir un droit d’appel devant le Tribunal du travail?

Le meurtre de treize personnes hier au bar – salon Gargantua de la rue Beaubien aurait été commis de sang froid dans le seul but de supprimer deux témoins gênants contre quatre individus, dont le frère de Richard Blass, accusés d’avoir allumé un incendie criminel le mois dernier, à Rosemont. C’est la principale hypothèse envisagée par les enquêteurs de la police de la Communauté urbaine do Montréal pour expliquer l’assassinat de ces treize personnes, dont quelques-unes n’étaient que de passage dans cet établissement.

Bien que les autorités policières soient restées complètement muettes, LA PRESSE a appris que l’incendie de Rosemont, un double meurtre survenu dans le même bar, le 30 octobre dernier, et finalement l’incendie d’hier sont des crimes qui sont étroitement reliés aux frasques de Richard Blass qui s’est évadé le 23 octobre du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul. La police estime qu’au moins trois personnes ont participé à ces meurtres. D’après les détectives, ce sont le gérant et un client qui étaient visés par ce règlement de compte. Les autres victimes n’étaient que des témoins gênants. Les assassins en voulaient apparemment à ces deux hommes à cause des accusations qui ont été portées contre Mario Blass, le frère de l’évadé, Charles Vincent, Alfred Melchior et Roland Allard, à la suite d’un incendie criminel survenu le 16 décembre dernier au 6060 de la 1ère avenue, à Rosemont.

L’enquêteur

D’autre part, le ministre de la Justice, Jérôme Choquette a annoncé hier soir, à Québec, la nomination de Me Cyrille Delage comme coroner et commissaire aux incendies ad hoc pour tirer au clair ce crime qui figure parmi les plus horribles des annales judiciaires canadiennes. Me Delage qui a une vaste expérience dans les incendies et particulièrement dans ce genre d’enquête très difficile n’a pas encore annoncé la date de l’ouverture des audiences. Il doit être à Montréal aujourd’hui pour prendre contact avec les policiers, mais il est déjà assuré qu’il faudra encore plusieurs jours, sinon des semaines avant que l’enquête ne débute officiellement.

Richard Blass

Même si le nom de Richard Blass plane sur l’enquête dans ce terrible crime, aucun mandat du coroner n’a été émis contre lui. jusqu’ici. Celle procédure est évidemment inutile puisqu’il est un évadé de prison et aussi recherché pour une très longue série de vols à main armée en plus du double meurtre du Raymond Laurin et Roger Lévesque, survenu au Gargantua en octobre.

Les enquêteurs croient que les assassins d’hier qui se sont présentés vers minuit au bar voulaient abattre le gérant de l’établissement, Réjean Fortin, 43 ans, et un client, non identifié qui ont tous deux été abattus de plusieurs coups de feu.

Quant aux employés et aux clients, ils ont été enfermés dans le réduit mesurant six pieds sur huit, où les deux corps se trouvaient déjà. Avant de prendre la fuite les assassins ont mis le feu afin de faire disparaître toute trace de leur passage.

Deux des treize cadavres n’ont pas encore été identifiés. Il s’agit d’une femme d’une trentaine d’années et d’un homme de 40 ans environ.

Les autres victimes ont été identifiées comme étant Mme Claire Fortin, 40 ans, l’épouse du gérant: Yves Pigeon, 40 ans; Jacques Lamarche, 31 ans; Ghislain Brière, 23 ans; Serge Trudeau, 25 ans; Gaétan Caron, 23 ans; Augustin Carbonneau, 29 ans; Pierre Lesiège, 22 ans; et Denise Lauzé, 21 ans, une danseuse à go-go.

Apparemment toutes ces personnes sont mortes asphyxiées quelques minutes à peine après le début de l’incendie.

Ce sont deux groupes de spécialistes des enquêtes sur les incendies criminels et les homicides qui ont été assignés à la recherche des incendiaires – assassins.

Hier après-midi, les responsables de ces enquêtes, les lieutenants – détectives Émile Boire et Jean-Louis Fourcaudot, se sont rendus dans les ruines du bar – salon Gargantua pour y procéder à une fouille complète des lieux.

Il semble que les policiers, accompagnés du chimiste Jacques Dansereau, de l’Institut de médecine légale, ont découvert un foyer d’incendie sur le plancher juste en face de la porte où les victimes avaient été entassées. D’autres analyses doivent également être faites aujourd’hui parce que les enquêteurs croient que le feu a été aussi été mis du bar.

Ville en hiver. Photo de GrandQuebec.com.
La ville en hiver. Photo de GrandQuebec.com.

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